Rapport de Charles Michel à la session plénière du PE

Parlement Européen, Charles Michel, rapport, Ukraine, Russie, Moldavie,

La guerre barbare du Kremlin contre l’Ukraine a marqué un changement tectonique sur notre continent et créé une nouvelle réalité géopolitique. La semaine dernière, avec les 27 dirigeants de l’UE, nous avons pris un certain nombre de décisions géopolitiques majeures.

Premièrement, nous avons décidé de reconnaître la perspective européenne de l’Ukraine, de la Moldavie et de la Géorgie. L’avenir de ces pays — et de leurs habitants — se trouve au sein de l’UE.

Nous avons également décidé d’accorder le statut de pays candidat à l’Ukraine et à la Moldavie. Cela envoie un message fort à leur peuple et à nos citoyens européens. Nous sommes également prêts à accorder le statut de candidat à la Géorgie une fois que les priorités de l’avis de la Commission auront été traitées.

Depuis l’attaque russe, nous avons répondu avec unité pour soutenir l’Ukraine et nous resterons à leurs côtés aussi longtemps qu’il le faudra. Nous continuerons à fournir un soutien militaire – nous avons déjà fait beaucoup, mais l’Ukraine a besoin de plus : nous avons donc appelé à l’augmentation du soutien militaire à l’Ukraine.

Nous continuerons également à soutenir financièrement l’Ukraine et nous comptons sur la Commission pour présenter prochainement une proposition visant à accorder à l’Ukraine une nouvelle assistance macrofinancière pouvant atteindre 9 milliards d’euros en 2022. Nous nous engageons également à soutenir la reconstruction de l’Ukraine, en collaboration avec des partenaires internationaux.

Le travail se poursuivra sur les sanctions, afin de s’assurer que toutes nos sanctions sont effectivement mises en œuvre et d’empêcher, autant que possible, les contournements. Et en étroite coordination avec nos partenaires du G7 — nous étions en Allemagne, il y a quelques jours —, nous envisagerons des sanctions sur l’or. Nous explorerons également des mesures, telles que le plafonnement des prix, pour sécuriser l’approvisionnement énergétique et tenter de réduire les flambées de prix.

L’Union européenne a autant besoin des Balkans occidentaux que les Balkans occidentaux ont besoin de nous, et c’est pourquoi nous avons rencontré les dirigeants des Balkans occidentaux, juste avant notre réunion du Conseil européen. Ce fut un débat franc, ouvert mais aussi difficile avec les dirigeants des Balkans occidentaux. Mais c’était aussi très nécessaire. Nous avons décidé comment redynamiser notre engagement avec cette région et nous avons réaffirmé notre ferme engagement à relancer le processus d’élargissement et à voir comment éliminer les obstacles en cours de route.

L’ouverture des négociations d’adhésion avec la Macédoine du Nord et l’Albanie est une priorité absolue. Le deuxième jour du Conseil européen, le Parlement bulgare a voté pour annuler son veto à l’ouverture des négociations d’adhésion à l’UE en Macédoine du Nord. Pas plus tard qu’hier et ce matin, j’étais en Macédoine du Nord, pour la deuxième fois au cours du mois dernier, pour tenter d’expliquer la proposition du Conseil visant à ouvrir la voie à l’ouverture de négociations d’adhésion à l’UE avec la Macédoine du Nord.

Je voudrais remercier la présidence française pour ses efforts inlassables pour contribuer à combler le fossé entre la Macédoine du Nord et la Bulgarie et pour avoir ouvert la possibilité de faire avancer ce processus rapidement tant pour la Macédoine du Nord que pour l’Albanie.

Des progrès sur les différends bilatéraux et régionaux sont également urgents. La normalisation des relations entre le Kosovo et la Serbie par le biais du dialogue Belgrade-Pristina est d’une importance capitale. Nous avons également eu l’occasion de réaffirmer que nous sommes prêts à accorder le statut de candidat à la Bosnie-Herzégovine. La Commission rendra compte de la mise en œuvre de 14 priorités clés énoncées dans son avis, en accordant une attention particulière à un ensemble substantiel de réformes.

Ce Conseil européen a aussi été l’occasion d’aborder cette idée de mettre en place une communauté politique européenne. Nous avons eu un débat substantiel, les 27 chefs d’État et de gouvernement, sur ce sujet pour tenter de dessiner les contours d’une telle initiative. Nous avons tenté de répondre aux trois questions centrales qui sont posées au départ de cette idée émise, dans cette assemblée, le 9 mai, par le président Macron.

Qui a vocation à participer à une telle communauté politique ? Nous pensons que toutes celles et ceux qui, sur le continent européen, partagent les mêmes intérêts et qui souhaitent coopérer, qui souhaitent coopérer dans un certain nombre de domaines, ont vocation à être invités. Cela ne veut pas dire que ce sont nécessairement des pays qui ont vocation à rejoindre l’Union européenne. Certains d’entre eux n’ont pas ce souhait, certains d’entre eux, même s’ils avaient ce souhait, n’auraient pas vocation à la rejoindre. Par contre, certains de ces pays ont vocation et sont même déjà engagés dans des processus en lien avec l’adhésion à l’Union européenne.

La deuxième question c’est : avec quel mais ? Il s’agit de mettre en place une plateforme politique plutôt souple et flexible sur des thèmes comme l’énergie, sur des thèmes comme la sécurité, comme les infrastructures, sur les thèmes aussi comme la santé, une pandémie : si une telle plateforme politique avait existé au moment de la COVID, je suis totalement convaincu qu’un certain nombre de choses eurent été faites en associant plus directement un certain nombre de partenaires autour de nous, sur le continent européen.

Et puis, la troisième question c’est : comment ? Nous pensons, c’est la tendance qui se dégage de nos débats, qu’il n’y a pas la nécessité, en tout cas certainement pas dans un premier temps, d’une structure institutionnelle lourde. Il y a plutôt la nécessité, à un rythme régulier, de mettre en place des réunions au niveau des dirigeants. Le mandat m’a été nommé, ainsi qu’au Premier ministre tchèque, dans le cadre de la présidence rotative, de préparer une telle initiative qui pourrait déjà avoir lieu sous présidence tchèque et en tout cas avant la fin de l’année. Nous allons donc avoir l’occasion très certainement de revenir, dans les débats au Parlement, sur ce sujet, de vous en rendre compte lors des prochaines rencontres qui interviendront au sein du Conseil européen en lien avec ce sujet.

Un mot en lien avec la conférence sur l’avenir de l’Europe et le courrier qui m’a été formellement effectué, ainsi qu’à la présidence rotative tchèque, pour vous indiquer que ce point n’a pas fait l’objet de débats directs, mais des conclusions ont été validées dans le cadre du Conseil européen qui s’est tenu et je souhaite exprimer mon engagement d’être attentif à ce qu’un suivi approprié puisse intervenir sur ce sujet en lien avec nos principes institutionnels. Et je suis certain que là aussi, il y aura nécessité de revenir sur ce sujet. Le Conseil européen, dans ses conclusions, a pris en considération cet effort inédit de consultation citoyenne qui a fourni sur un certain nombre de recommandations.

Enfin, je voudrais terminer ce compte rendu par un point central qui a fait l’objet de nos échanges le deuxième jour du Conseil européen, le vendredi. Il s’agit de la situation économique et des conséquences sociales de cette situation économique, en lien avec cette guerre qui a été déclenchée par la Russie.

Nous mesurons bien, partout en Europe et partout dans le monde, que l’inflation, la hausse des prix, l’impact sur les produits alimentaires et sur la sécurité alimentaire, mettre sous pression nos familles, mettre sous pression nos citoyens et nos entreprises partout en Europe. Et cela nécessite une mobilisation, une ambition de déployer autant que possible nos politiques, cela nécessite une ambition de pratiquer l’intelligence collective et de veiller à ce que les mesures de soutien, qui sont prises sur le plan national, soient les plus ciblées possibles , afin d’avoir un impact réel et afin d’éviter de provoquer un effet inverse à celui qui est souhaité. Nous voyons bien qu’il y a nécessité de dialoguer, de résoudre, d’agir de concert, d’agir ensemble.

Et puis enfin, nous avons fait le point sur l’état d’avancement de deux projets que je crois extrêmement importants : l’union bancaire et l’union des marchés des capitaux, qui sont, je le pense, des leviers potentiellement puissants, si on arrive, dans les prochains mois, à progresser encore encore sur ces sujets afin de présenter cette capacité d’unité européenne et de renforcer notre modèle économique.

Enfin, je conclus ce rapport en vous indiquant que l’Union européenne n’agit pas seule. Les dernières semaines ont aussi été l’occasion d’un agenda international. Cette réunion du G7 qui s’est tenue en Allemagne l’a été. Nous avons participé de manière active pour développer, avec nos partenaires, avec nos amis, et puis dans le même esprit, nous préparons les réunions du G20 qui auront lieu avant la fin de l’année en Indonésie pour veiller à ce que les intérêts, les valeurs, les principes susceptibles de nous permettre d’être portés, susceptibles d’être défendus.

Je conclus en vous disant que nous les mesurons bien et vous le mesurez bien : les temps que nous vivons sont des temps qui sont troublés, des plaques tectoniques sont en mouvement, parce que cette guerre absurde, cette guerre injustifiée, cette guerre brutale et non provoquée, a été décidée par le Kremlin. Et plus que jamais, l’ambition de l’Union européenne en faveur de notre unité, de notre puissance, doit être l’ambition de la stabilité, de la sécurité, de la paix, de ces valeurs que nous renverrons incarner. Cela va supposer que nous faisions preuve à la fois de lucidité, de sang froid et de capacité aussi d’agir pour se projeter dans l’avenir et pour défendre ce en quoi nous croyons, ces valeurs démocratiques auxquelles nous sommes tellement attachés et cette croyance fondamentale que le droit international est la meilleure garantie pour les libertés et pour les sociétés libres. Je vous remercie.

Conseil Européen, 06 jui 2022

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