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« La décision de l’Algérie de suspendre un traité d’amitié avec l’Espagne le 8 juin n’est pas surprenante car Alger s’aligne de plus en plus sur la Russie », a estimé lundi dernier, la ministre espagnole de l’Économie, Nadia Calvino, dans une des déclarations les plus alambiquées qu’il nous a été donné d’entendre ses derniers jours.
Nadia Calvino a déclaré qu’elle avait remarqué un net rapprochement entre l’Algérie et la Russie lors de la réunion de printemps du Fonds monétaire international, en avril dernier. « J’ai vu à l’époque que l’Algérie était de plus en plus alignée sur la Russie, donc cette (décision de suspendre le traité) ne m’a pas surprise », a déclaré la ministre dans un entretien accordée à Radio Catalunya.
Soit que Madame Calvino, en est convaincue (et là, nous sommes en face d’une démagogue, mais ce ne semble pas être le cas) soit qu’elle répète des mots adoptés à l’interne (et c’est ce que nous pensons), la ministre espagnol a gravement écorné l’altitude que devez prendre une technocrate de l’Exécutif espagnol. Car il est établi que les alliances stratégiques existent de tout temps, et celle existant entre Alger et Moscou est connue de tous et n’a jamais fait l’objet d’un commentaire, chaque Etat ayant des objectifs à atteindre et des intérêts à défendre légitimement, et de ce fait, établi ses rapports en conséquence.
Inviter la Russie pour expliquer le coup de froid entre Madrid et Alger avait été une idée des plus saugrenues, en même temps qu’elle dessert le gouvernement espagnol. Madame Calvino aurait été plus inspirée si elle avait pointé le curseur sur la fausse piste dans laquelle s’est fourvoyé celui qui l’a introduit à son gouvernement. Car cette fausse piste a été porteuse de plusieurs entorses au droit international, à l’amitié avec l’Algérie, et à l’avenir également. Car étant une puissance administrante aux yeux de l’ONU, l’Espagne devait accompagner le processus de décolonisation jusqu’à son aboutissement, ou au moins, accompagner des pourparlers directs Rabat-Polisario et faciliter une consultation référendaire sur l’indépendance du Sahara occidentale. Mais non, l’Espagne s’est extrait de sa mission de la manière la plus répréhensible.
Pour l’Espagne, il y a là un préjudice causé au peuple sahraoui, premièrement, à son devoir politique et diplomatique, deuxièmement, et à l’amitié et aux privilèges dont elle bénéficiait en Algérie. Voilà les faits dont Madame Calvino aurait été instruite si elle en avait pris en ligne de compte les principes et les fondamentaux, car – répétons-le encore – le conflit diplomatique entre les deux pays fait suite à un revirement de l’Espagne sur la question du Sahara occidental : Madrid a apporté publiquement son soutien au projet d’autonomie du Maroc pour cette ancienne colonie espagnole, suscitant l’étonnement, la déception, puis la colère de l’Algérie.
Maintenant, la question est de savoir qui, légitimement, a poussé dans cette direction. On sait que depuis l’accession de Pedro Sanchez, le Mossad a beau jeu à Madrid. On sait que le Maroc a déjà essayé la méthode forte avec l’Espagne pour lui tordre le bras, avec l’épisode des flux de migrants déferlant depuis Melilla et Ceuta sur les cotes andalouses. Mais on ne sait pas encore si l’Otan a quelque chose à y voir, cherchant à y fourrer Moscou par n’importe quel moyen. L’idée a été esquissée par plusieurs observateurs, dont l’analyste tunisien Riadh Sidaoui, dans une vidéo postée le 13 juin, et dans laquelle il pointe un doigt accusateur sur l’Otan, qui semble avoir actionné l’Espagne, membre important du Traité de l’Atlantique Nord, surtout dans le contexte actuel d’une guerre en Ukraine qui tend à s’internationaliser.
Cette idée est d’autant plus vraisemblable que Madame Nadia Calvino a des relations discrètes mais très fortes avec l’Organisation de Traité Atlantique Nord. Ne perdez pas de vue que l’actuelle ministre espagnole de l’Économie et des Entreprises a été au centre d’une polémique en 1986. A cette époque-là, elle n’avait que 17 ans, et le fait en est qu’elle avait été filmée en train de voter lors du référendum sur le maintien dans l’OTAN, bien qu’elle n’ait que 17 ans et six mois. Le fait a été abondement rapporté par la presse espagnol, et peu après, son père a été relevé de ses fonctions, sur décision de Felipe González.
L’Express, 15 juin 2022
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