Algérie, Espagne, Pedro Sanchez, Maroc, Sahara Occidental,
Ce qui s’est passé aujourd’hui avec les Algériens était attendu car le gouvernement a fait preuve de faiblesse en abandonnant ses principes et en cédant à la pression du Maroc, ce qui est une recette infaillible pour garantir les problèmes.
Si quelqu’un est encore surpris par la réaction de l’Algérie au virage de la politique espagnole sur le Sahara opéré par Pedro Sánchez, il faut le faire voir. Alger a retiré son ambassadeur de Madrid pour manifester clairement son mécontentement lorsque le Palais royal marocain a fait état d’une lettre du Premier ministre du gouvernement espagnol dans laquelle il considérait la proposition d’autonomie pour le Sahara comme « la plus sérieuse, la plus crédible et la plus réaliste » pour résoudre un problème enraciné depuis 47 ans, lorsque la Marche verte nous a obligés à partir de là au milieu de l’agonie du général Franco.
Alger a ensuite suivi avec un certain espoir la solitude du Premier Ministre devant une Chambre basse qui n’avait pas été informée et qui était unanimement en désaccord avec ce changement de politique dès le premier instant, jusqu’à ce que l’apparition de Pedro Sánchez mercredi dernier lui fasse comprendre que, bien qu’il était vraiment seul, le chef du gouvernement n’allait pas reculer.
Et puis elle a dénoncé le Traité bilatéral d’amitié, de bon voisinage et de coopération avec l’Espagne, qui a été signé en 2002 après notre crise avec le Maroc sur l’îlot de Perejil, et qui est un texte très générique avec des aspects politiques, commerciaux, de sécurité et de coopération dans divers domaines, dont la véritable importance réside dans la volonté politique qui le soutient et qui maintenant pour l’Algérie a cessé d’exister. Et elle a également pris la décision de principe de geler les domiciliations et les opérations de commerce extérieur de produits et de services avec l’Espagne, ce qui porterait un grand préjudice à nos exportateurs et au commerce bilatéral qui, au premier trimestre de cette année, a produit une exportation de 473 millions d’euros et des importations d’une valeur de 1 790 (presque tous les combustibles). Mais, comme cette décision contrevient à l’accord d’association de 2005 entre l’Algérie et l’UE et qu’elle pourrait être contestée par l’Espagne, l’Algérie a dû faire marche arrière, ce qui, je le crains, ne fera qu’accroître sa mauvaise humeur et la conduira à chercher d’autres moyens de nous chatouiller.
Les exportations de gaz ne sont pas affectées pour l’instant et c’est un soulagement alors que la guerre en Ukraine a provoqué une hausse stratosphérique des prix, nous payons pour l’énergie… même si si l’environnement continue de se dégrader je ne mettrais pas ma main au feu. Les contrats en vigueur seront respectés mais, à partir de là, j’ai peur qu’ils nous traitent très mal (prix, quantités, préférence, etc). Actuellement, Alger n’accepte plus le rapatriement des immigrés irréguliers des ports espagnols et il ne serait pas surprenant que davantage de bateaux algériens arrivent sur nos côtes, comme cela se passe déjà aux Baléares.
Les Algériens sont très, très en colère contre ce qu’ils qualifient de « virage injustifiable » et de « trahison » de l’Espagne qui soutient l’autonomie proposée par le Maroc, qu’ils qualifient d' »illégale et illégitime » car la formule défendue par l’ONU est celle d’un référendum d’autodétermination ou, à défaut, d’un accord entre les parties. Il serait souhaitable que les Sahraouis acceptent l’idée marocaine d’autonomie par pur réalisme car l’alternative est une annexion marocaine du Sahara occidental dans le style de la Crimée par la Russie, mais s’ils ne le font pas, cette formule manque de couverture du point de vue de la légalité internationale.
Ce qui s’est passé maintenant avec l’Algérie était à prévoir parce que le gouvernement a montré sa faiblesse en abandonnant les principes et en cédant à la pression du Maroc et c’est une recette infaillible pour garantir les problèmes. Avec les uns et avec les autres. Nous avons montré la voie et l’Algérie doit penser que si nous avons cédé au Maroc, nous le ferons à nouveau s’ils nous poussent suffisamment fort. Parce qu’une autre grande erreur de Pedro Sánchez est qu’il a quitté la protection que lui donnait le parapluie de l’ONU, en lui permettant de maintenir une position de neutralité dans la lutte pour l’hégémonie que l’Algérie et le Maroc mènent au Maghreb, pour se placer ouvertement du côté marocain, provoquant ainsi la colère algérienne.
Don Pedro ne peut pas se plaindre si on lui tire maintenant dessus de tous les côtés. Il l’a bien cherché. Il ne peut pas non plus dire qu’il a obtenu des avantages appréciables, ni pour l’Espagne, ni pour la paix en Afrique du Nord, et il ne peut même pas accuser le CNI d’être responsable de ce désordre. Ce qui revient à’est ce que s’appe que l’on dit pour faire un pain avec quelques gâteaux.
*Ancien directeur du CNI et ancien diplomate
El Periódico, 12/06/2022
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