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Riccardo Guariglia (Chicago, 1961) est l’ambassadeur d’Italie en Espagne. Il est arrivé avec le bateau de Gênes au port de Barcelone il y a deux ans, au pire moment de la pandémie. De Barcelone à Madrid en voiture sur des routes désertes. Peu de gens seront entrés en Espagne de cette manière. Guariglia, d’origine napolitaine, a été ambassadeur en Pologne et chef du protocole diplomatique de l’État. Il mesure très bien les réponses et ne recule devant aucune question.
L’Italie frappe à la porte de l’Algérie pour étendre les contrats d’achat de gaz naturel dans le but de réduire sa dépendance vis-à-vis de la Russie. L’Italie offre des investissements technologiques à l’Algérie pour développer sa capacité d’extraction de gaz. L’Italie s’est proposée à l’Algérie comme plate-forme pour la distribution de son gaz au reste de l’Europe. L’Italie essaie-t-elle de profiter de la crise des relations entre l’Espagne et l’Algérie ?
Je nie catégoriquement cette hypothèse. Il n’y a aucune intention de ce genre de la part de l’Italie. Notre pays essaie seulement de devenir indépendant des approvisionnements russes [40% en ce qui concerne le gaz naturel]. L’Italie est beaucoup plus dépendante de la Russie que l’Espagne. Que fait l’Italie ? L’Italie rend visite à ses autres fournisseurs pour prolonger les contrats. Je parle de l’Azerbaïdjan, de l’Egypte, du Mozambique, du Congo, de l’Angola et de l’Algérie. Avec l’Algérie, nous avons un gazoduc qui ne fonctionne pas à pleine capacité depuis des années [le gazoduc Enrico Mattei-Tramsmed, qui traverse la Tunisie et atteint la Sicile par un pipeline sous-marin] et nous avons proposé de l’utiliser davantage. Je ne pense pas que cela nuise à l’Espagne.
Q. En avez-vous discuté avec le gouvernement espagnol ?
Je sais que le gouvernement espagnol le comprend. Nous n’essayons pas du tout d’influencer les relations entre l’Algérie et l’Espagne. Nous ne voulons nuire à personne, et je dois ajouter que les relations entre l’Italie et l’Espagne sont dans un de leurs meilleurs moments.
L’Italie soutient-elle la reprise du Midcat, le gazoduc qui devait renforcer la connexion avec le reste de l’Europe à travers les Pyrénées catalanes, paralysée il y a plus de trois ans ?
A. L’Italie soutient la reprise du Midcat. [La SNAM, société publique qui gère le réseau gazier italien, détient 40% de Téréga, société qui gère le réseau gazier du sud de la France].
Le gouvernement italien a-t-il parlé avec les Français de la reprise du Midcat ?
En tant qu’ambassadeur en Espagne, je ne peux pas vous le préciser, mais je peux vous dire que nous sommes en communication avec le gouvernement espagnol au sujet des interconnexions. L’Italie a également proposé la possibilité d’un gazoduc offshore entre Barcelone et le terminal italien de Livourne (Toscane). Une étude de faisabilité est en cours sur ce gazoduc, qui est cité dans le dernier document de l’UE sur la politique énergétique (plan Repower EU). Parallèlement, on travaille sur l’hypothèse d’un corridor maritime reliant Barcelone et les usines de Livourne et de La Spezia par une chaîne de petits navires de transport de GNL. Avec huit usines de regazéification de GNL [sept en Espagne et une au Portugal], la péninsule ibérique dispose d’une grande capacité. C’est un fait important. L’objectif est que l’Europe soit aussi indépendante que possible du gaz russe. Toute initiative visant à ouvrir de nouvelles routes et à obtenir de meilleurs approvisionnements doit être considérée comme stratégique.
Revenons à l’Afrique du Nord. L’Italie et l’Espagne partagent-elles les mêmes critères sur la politique à développer par rapport à l’Afrique du Nord ?
Les deux pays sont deux acteurs principaux de la Méditerranée. L’Italie a toujours voulu renforcer la stabilité dans cette région, en développant des relations économiques et politiques entre les deux rives de la Méditerranée qui soient mutuellement avantageuses. Nous sommes très impliqués dans la recherche de la stabilité en Libye [un pays en état de guerre civile depuis dix ans] et nous recherchons également la stabilité au Sahel, une région clé pour la lutte contre le terrorisme et l’action contre la migration illégale. L’Afrique du Nord est, à son tour, un groupe hétérogène de pays et ses spécificités doivent être prises en compte. L’Italie considère qu’il est très important, par exemple, de promouvoir les investissements dans la production d’énergies renouvelables en Afrique du Nord et dans la fabrication d’hydrogène vert, qui sera l’un des vecteurs énergétiques du futur. Nos objectifs sont sûrement très similaires à ceux de l’Espagne.
Nous parlions auparavant des relations entre l’Italie et l’Espagne. Vous avez affirmé qu’elles sont meilleures que jamais. Il n’en a pas toujours été ainsi. Il y a eu des moments de froideur manifeste. Romano Prodi a fini par se fâcher avec José María Aznar. On ne peut pas dire que Silvio Berlusconi et José Luis Rodríguez Zapatero aient été en communion. Matteo Renzi et Mariano Rajoy se sont ignorés…
Je pense qu’aujourd’hui nous sommes face à une relation très consolidée. Ces deux dernières années, il y a eu un véritable saut qualitatif. Dans la situation très délicate que nous vivons, l’Italie et l’Espagne ont mûri la conviction de faire un front commun sur de nombreux aspects. Lors de la négociation des plans européens de nouvelle génération (pandémie), l’Espagne et l’Italie ont agi conjointement. Maintenant, il y a une collaboration étroite avant la guerre en Ukraine. Il y a beaucoup de communication entre les deux gouvernements.
La Vanguardia, 07/06/2022
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