Tunisie: Bras de fer entre Saïed et les bailleurs de fonds

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« Qu’ils s’occupent donc de leurs gondoles ! Les membres de la Commission de Venise sont désormais persona non grata en Tunisie ! ». C’est ce qu’a affirmé le Président tunisien Kaïs Saïed cette semaine pour commenter la visite de la présidente de la Commission de Venise.

« Le peuple tunisien n’est pas guidé par un gondolier », a-t-il ajouté en dénonçant l’intrusion de l’Union Européenne dans le processus de transition politique que connait la Tunisie en ce moment.

Cette déclaration est venue lors d’un entretien accordé par Kaïs Saïed au Ministre des Affaires étrangères Othman Jerandi. Mieux, le Président tunisien qui a qualifié les propos tenus par la représentante de la commission comme de l’ingérence dans les affaires intérieures de la Tunisie allant jusqu’à proposer de remettre en place l’ancien président de l’Instance de surveillance des élections et de décider de la date et du mode de scrutin du prochain référendum sur la révision constitutionnelle.

Pour rappelle la commission de Venise est un organe consultatif du Conseil de l’Europe sur les questions constitutionnelles. Créée en 1990 la Commission européenne pour la démocratie par le droit a pour mission de de fournir des conseils juridiques aux États membres et non-membres de l’UE qui aimeraient que leurs structures juridiques et institutionnelles soient en conformité avec les normes et l’expérience internationales en matière de démocratie, de droits de l’Homme et de prééminence du droit.

Dans le cas tunisien elle a joué un rôle important dans la gestion des conflits après la Révolution de 2011. Elle avait proposé une « aide constitutionnelle d’urgence » à Tunis dans le cadre de la transition politique suite à la chute du régime de Zine El Abidine Ben Ali.

Pourtant, le Président tunisien avait reçu le 1er avril dernier, Claire Bazy Malaurie, la représentante de la commission, à l’époque il n’y avait pas eu de réaction hostile des autorités locales. « Pour qui ces gens se prennent-ils ? Sont-ils donc nostalgiques de l’ère de Jules Ferry ? Ils disent vouloir nous apprendre… Ils n’ont rien à nous apprendre ! S’ils veulent s’immiscer dans nos affaires qu’ils restent chez eux ! Nous n’avons pas besoin ni de leur accompagnement ni de leur aide ! Si un membre de cette commission se trouve en Tunisie, qu’il s’en aille sur le champ ! » a menacé Kaïs Saïed, portant l’estocade en affirmant que « les étrangers n’étaient pas des gouverneurs généraux en Tunisie ».

Cette intransigeance de Kaïs Saïed en ce qui concerne son agenda de transition politique et la souveraineté, ne semble pas du gout des bailleurs de fonds internationaux et les institutions qui accompagnent la Tunisie durant cette crise économique. Elle risque de mettre à mal les efforts de la présidence pour parachever les futures étapes de son agenda politique notamment le référendum constitutionnel, législatives, révision de la loi électorale.

Les bailleurs de fonds internationaux, à leur tête le FMI, ont émis plusieurs exigences, entre autres que l’UGTT, centrale syndicale et acteur prédominant de la société civile tunisienne, ainsi que d’autres organisations nationales cautionnent et approuvent les réformes et le programme prôné par le gouvernement.

Or, avec son insistance pour conduire à terme son projet politique, le président Kaïs Saïed est en train de perdre ses principaux atouts, qui étaient sa popularité relative et sa proximité avec la société civile.

Le départ de l’UGTT, à l’instar d’autres organisations nationales des mécanismes de concertations mis en place récemment par Kaïs Saïed, et, surtout, la grève générale annoncée par l’UGTT, risquent de signer l’arrêt de mort du programme de soutien de la part du FMI, à un moment où la Tunisie souffre des répercussions de la guerre en Ukraine sur le plan des importations de biens de consommation courante et d’énergie.

De Tunis, Akram Kharief

Le Jeune Indépendant, 02 juin 2022

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