Etats-Unis, Russie, Ukraine, crise ukrainienne,
Les autorités américaines ayant fait savoir, par une voie détournée, il y a de cela quelques jours, qu’elles avaient bien l’intention de livrer des lance-roquettes multiples à l’armée ukrainienne, qui les demandait à cor et à cri, seule moyen pour elle de résister au pilonnage infernal russe dans Severodonetsk notamment, sur le point de tomber, il ne restait plus qu’un seul point à tirer au clair : celui de leur portée. Les Américains en enverraient-ils dont les projectiles pourraient frapper l’intérieur de la Russie, ce qui serait de nature à déclencher une réaction russe dirigée contre eux directement, ou ne fourniraient-ils que ceux dont la portée ne dépasserait pas la frontière russe ? Telle était la question. Depuis quelques heures on connaît la réponse, donnée par Joe Biden lui-même, autant dire à la cantonade au moment de sa descente d’avion de retour de Delaware : les Etats-Unis ne fourniront pas aux Ukrainiens des armes avec lesquelles ceux-ci pourraient porter la guerre sur le sol russe. Cette réponse est par un côté une négation, et c’est celle qui vient d’être dite, mais par un autre c’est une affirmation : oui nous allons livrer les armes demandées par les Ukrainiens.
Une sage décision, a commenté Dmitri Medvedev, mais sans plus, par ailleurs le seul officiel russe à avoir réagi jusqu’à présent. Ce n’était d’ailleurs pas lui qui avait préalablement mis en garde les Américains contre l’envoi d’armes susceptibles d’apporter la destruction dans les villes russes. Ce n’était même pas un officiel, mais une journaliste de télévision proche du Kremlin, qui avait averti les Américains de ce qu’ils encourraient si des roquettes tirées par leurs armes tombaient sur des villes russes. Elle a même été particulièrement claire sur ce point : la riposte russe irait s’abattre droit sur les centres ayant permis que cela se produise. La réponse venant du président Biden en personne montre bien combien les paroles de la journaliste ont été prises au sérieux par son administration.
Cet épisode est gros d’enseignements. Il dit clairement que les Russes ont tracé une ligne rouge que les Occidentaux auraient intérêt à ne pas dépasser sous peine d’être considérés à leur tour comme des «cibles légitimes». Les Américains avaient déjà semblé disposés à procurer des Mig-29 aux Ukrainiens, qu’ils prendraient chez la Pologne, à laquelle ils livreraient en compensation des F-16, pour finalement abandonner le projet. De là l’idée qu’ils pourraient faire de même avec les lance-roquettes. Dans ce cas, la mise au point de Biden ne serait que négative, c’est-à-dire que le refus qu’elle signifie englobe toutes les portées possibles des armes en question, les longues comme les moyennes, ainsi que les courtes. Mais on n’en est pas encore là. Il faut attendre quelques jours pour en avoir le cœur net.
Les Occidentaux affirment depuis le début vouloir infliger en Ukraine à la Russie une défaite stratégique. On sait maintenant que ce ne sera surtout pas au prix d’une guerre directe avec elle. Les meilleurs alliés de l’Ukraine, les Etats-Unis les premiers, ne lui livrent pas les armes dont elle a besoin pour être en mesure de gagner la guerre, mais uniquement celles qui lui permettent de la faire durer.
Le Jour d’Algérie, 31 mai 2022
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