Russie, Turquie, Ukraine, OTAN, Finlande, Suède,
Jusqu’à encore récemment, lorsque les Etats-Unis apportaient leur soutien à un pays en butte à une difficulté quelconque, que celle-ci soit grande ou petite, ce pays pouvait estimer être tiré d’affaire, quand bien même il devrait attendre un peu avant de voir son ciel se dégager à nouveau. Ainsi de la Finlande et de la Suède, dont les principaux dirigeants ont été invités à la Maison-Blanche jeudi dernier exprès pour recevoir de ce puissant d’entre les puissants qu’est Joe Biden l’assurance qu’elles seront bientôt membres à part entière de « la plus grande alliance militaire de l’histoire », comme les Américains se plaisent depuis quelque temps à parler de l’Otan, et que par suite rien ni personne ne pourra faire qu’elles n’y soient pas au bout d’un délai tout à fait dans les normes. Voilà qui devrait calmer leurs craintes, elles qui se voient prises entre le marteau russe et l’enclume turque, le premier qui menace de s’abattre et la seconde qui s’intercale pour leur barrer l’entrée de l’Otan, le seul endroit au monde où elles pourraient se mettre à l’abri de l’orage venant d’Ukraine.
Dans le principe que vaut une opposition turque quand on dispose déjà du consentement américain, sans même parler de celui des autres membres de l’organisation? Rien. A plus forte raison quand il s’agit d’une question interne à l’Otan, une création américaine de tout temps sous commandement américain. Dans une alliance militaire seule la parole du chef devrait compter. Si au sein même de l’Otan l’avis des Etats-Unis n’est pas prépondérant, s’il peut être contrebalancé par celui de la Turquie, ou par celui de tout autre mauvais coucheur, s’agit-il encore de l’Otan ?
Avant même que la Turquie leur fasse savoir qu’elle se servirait de son doit de veto contre elles, la Suède et la Turquie se croyaient en grand danger d’être attaquées entre le moment où elles cessaient d’être neutres et celui où elles rejoignaient l’Otan. Plus court serait ce temps de passage, moins nombreuses seraient les occasions pour la Russie de s’en prendre à elles. Et puis voilà que c’est de l’intérieur même de l’Otan que surgit le péril, que pointe la bouche de canon prête à cracher son feu de barrage dans leur direction. Elles se hâtaient de passer de la neutralité à l’alignement, tout entières tendues vers la porte de salut, et voilà que quelqu’un se profile dans son embrasure qui de loin leur fait signe de rebrousser chemin. S’en retourner, soit, mais où ? A leur position de neutralité d’avant ? Mais cela n’est plus possible, car elles ont pris soin de signifier à la Russie qu’elles dénonçaient le pacte de non-agression passé avec elle, qu’elle peut à partir de maintenant les compter au nombre des pays hostiles à son endroit.
Si ce n’est pas là à proprement parler une déclaration de guerre, c’est en tout cas loin d’être un geste d’amitié. Leur situation risque même de s’empirer si la guerre en Ukraine est perdue par l’Otan, comme d’ailleurs cela tend à se préciser. A moins qu’elles ne donnent satisfaction à la Turquie sur toutes ses demandes d’extradition de membres du PKK et de partisans de Fethullah Gülen, celle-ci ne se laisserait probablement pas dissuader d’user de son droit de veto contre leur admission dans la maison du salut. Les Etats-Unis eux-mêmes n’y pourraient rien, sauf si eux-mêmes livraient Gülen à la Turquie, ou alors revenaient sur leur refus de lui vendre des F-35. Dans tous les cas, le prix à payer serait plus qu’exorbitant, humiliant.
Mohamed Habili
Le Jour d’Algérie, 20 mai 2022
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