France : Macron face au nouveau paradigme africain – Mali, Sahel, Afrique, Burkina Faso, Niger, Tchad, Barkhane, Algérie,
Le président Emmanuel Macron reste à l’Elysée. Dimanche, 24 avril, il a gagné au deuxième tour de l’élection présidentielle à 58, 5% le suffrage des Français pour un second quinquennat. Ainsi, il repart victorieusement pour un deuxième mandat qui s’annonce pourtant ardu.
Par Anis Remane
Au vu de la progression de l’extrême droite qui a obtenu 40% de vote et de la polarisation du champ politique et social français -une observation partagée hier par l’ensemble des médias de l’Hexagone et de l’étranger- le locataire de l’Elysée avance désormais sur un terrain difficile. Ses adversaires, à droite comme à gauche ou à leurs extrêmes, l’attendent au tournant et parlent des législatives prévues en juin prochain comme d’un «troisième tour» à l’issue duquel il peut se retrouver en situation de cohabitation ou, alors, face à une Assemblée nationale qui ne sera certainement pas celle issue des présidentielles de 2017.
Quelle que soit, donc, la configuration qu’aura cette prochaine Assemblée, elle sera en ligne de compte de l’action du président réélu y compris en politique étrangère. A ce sujet, le président Macron sera particulièrement suivi sur la façon dont il va nouer les relations de son pays avec l’Afrique, un continent où, s’il continue de jouir d’un certain ascendant, notamment en Afrique de l’ouest et au Sahel, il n’a plus l’influence qui étaient la sienne dans les années et les décennies précédentes. C’est que l’Afrique change et cette transformation met de plus en plus en contradiction une politique étrangère française qui, malgré les discours et les déclarations d’intention, reste encore axée sur la défense et l’extension des intérêts de Paris. Le résultat est le rejet de cette politique comme on le voit au Mali où le sentiment anti-français n’a jamais été aussi manifeste.
Il s’agit d’«accompagner les efforts locaux de développement plutôt que l’expansion des intérêts français en Afrique», a déclaré hier l’historien et intellectuel camerounais Achille Mbembe. L’Union Africaine (UA) souhaite l’établissement avec la France de «relations rénovées et mutuellement avantageuses». Le plus vrai est que le président Macron, qui a dû observer les transformations importantes en cours dans le continent africain, sait que la donne a changé avec l’émergence d’une conscience politique renouvelée chez les sociétés et les peuples africains que les rapports de domination du passé ne passent plus. Que, au niveau des Etats, des paradigmes nouveaux apparaissent avec le retour ou l’arrivée de nouveaux compétiteurs et, donc, de nouvelles alternatives en matière de coopération économique, sécuritaire et stratégique.
Dans ces domaines, la fracture avec la France est visible. Elle risque de s’aggraver si les dossiers qui brouillent ses relations ne trouvent pas la régulation dont ils ont besoin sur la base d’une coopération «rénovée» et «mutuellement avantageuse», pour reprendre le message de félicitations de l’UA. C’est particulièrement vrai, pour la relation algéro-française qui est passée par des moments de grande crispation – à l’occasion du contentieux mémoriel qui a vu Alger rapatrier son ambassadeur durant l’automne dernier – et qui connait aujourd’hui un dégel «laborieux», avait déclaré le chef de la diplomatie Ramtane Lamamra en février dernier.
Dans sa lettre de félicitations, le chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune, qui n’a pas été parmi les premiers chefs d’Etat à réagir à la victoire du président Macron, a quelque peu poussé plus loin le dégel, en se montrant confiant quant à l’avenir de la relation avec Paris. Mais ce sera le terrain et le sort qui sera réservé aux questions bilatérales, notamment celles qui sont marquées du sceau de l’aspérité, qui validera cette confiance. Les deux pays n’ont pas encore réalisé le partenariat et la coopération économiques souhaités à la hauteur des atouts et des ambitions réciproques.
La tenue prochaine à Alger du Comité intergouvernemental de haut niveau (CIHN) devrait apporter des réponses sur la façon dont la relation économique et commerciale entre les deux pays va évoluer. Pour le politico-mémoriel, soixante ans après, le dossier des essais nucléaires reste, lui, au cœur des questions à aplanir entre Alger et Paris. Alger demande la décontamination des sites où la France a réalisé entre 1960 et 1966 17 essais nucléaires au Sahara. Il s’agit d’agir en sorte que les commissions mixtes mises en place pour faire des propositions obtiennent enfin des résultats. Pourquoi ce dossier, le président Tebboune a déclaré en juillet 2020, quand le travail commun sur les questions mémorielles était encore à l’ordre du jour, que «la seule compensation envisageable est celle des essais nucléaires».
Reporters, 26/04/2022
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