Les conséquences sur l’Algérie du conflit en Ukraine – Russie, gaz, nouvel ordre mondial, OTAN, Etats-Unis, inflation,
Par Nouredine Bouderba
Le 11 septembre 1990, à l’instant même où la coalition militaire internationale, dirigée par les Etats Unis, intervenait contre les forces Irakiennes au Koweït et en Irak, le président George H. Bush (le père) déclarait devant le Congrès américain : « Nous nous trouvons aujourd’hui à un moment exceptionnel et extraordinaire […], un nouvel ordre mondial peut voir le jour pour une durée d’un siècle au moins. Cela faisait moins d’une année que le mur de Berlin était tombé et 1991 on allait assister à la dissolution du pacte de Varsovie et à la dislocation de l’URSS.
Ces évènements ont rendu caduque l’existence même de l’OTAN. Pourtant cette dernière non seulement ne fut pas dissoute mais évolua rapidement d’un pacte de défense militaire en pacte d’agressions militaires. Pour parfaire leur domination du monde l’impérialisme dirigé par les Etats Unis imposera à cadence forcée la mondialisation réglée par le dollar et contrôlée par l’OTAN. Pour faciliter ce contrôle on imagina le « droit d’ingérence » qui peut être décidé à tout moment et contre tout pays qui sort des rangs par « la communauté internationale », deux formules qui n’existent pas dans le droit international et ses institutions. Moins d’une année Trente et un (31) ans après, après les interventions militaires en Serbie, en Afghanistan, en Libye, en Syrie nous donnent toute la mesure de ce nouvel ordre injuste et cruel.
Ce qui se passe aujourd’hui en Ukraine n’aurait jamais eu lieu sans ce monde unipolaire cruel et injuste. Le Conflit oppose en réalité l’OTAN menée par les Etats Unis qui ne cesse de s’étendre, à la Russie déterminée à utiliser tous les moyens en sa possession pour défendre ses intérêts stratégiques et sa sécurité nationale en empêchant, y compris la force militaire, l’expansion de l’OTAN vers ses frontières. Tout indique que l’issue de ce conflit débouchera sur un monde multipolaire et plus juste.
Mais en attendant tous les peuples du monde subiront les conséquences de ce conflit majeur et celles qui découlent des sanctions, inédites de par leur nombre et leur ampleur, qui sont décidées par les Etats Unis, suivi par les pays de l’UE. Les peuples Européens, seront parmi les premiers à subir les dures retombées de l’inflation et à faire face à une précarité d’une ampleur inconnue durant les dernières décennies. Les peuples des autres régions notamment ceux des pays en développement auront à subir une hyperinflation qui aggravera la précarité, la pauvreté et les inégalités déjà importantes par la faute d’un monde capitaliste et impérialiste injuste et amplifiées par la pandémie ravageuse qui n’est pas encore finie.
Tous les pays du monde non concernés directement par ce conflit, dont l’Algérie, subissent des pressions politiques sans précèdent pour prendre position et condamner la Russie selon la logique du « qui n’est pas avec moi est contre moi ». Les pays qui disposent de réserves de sources d’énergie sont de leur côté soumis à des pressions pour produire et surproduire du gaz et du pétrole, même si cela ne va pas dans le sens de leurs intérêts stratégiques, en vue de suppléer l’approvisionnement russe des pays européens en énergie à la suite de l’embargo contre la Russie, décidé par ces pays eux-mêmes.
Le peuple algérien qui a souffert des affres du colonialisme durant 130 ans, d’une guerre de libération de 07 ans au prix de 1 million et demi de martyrs et d’une décennie de terrorisme encouragé il faut le rappeler par plusieurs pays membres de l’OTAN connait les affres de la guerre et des souffrances qui en découlent ne peut qu’exprimer sa sympathie et sa solidarité avec le peuple Ukrainien martyr, victime d’intérêts géostratégiques qui le dépassent. Le peuple algérien ne peut qu’appeler à une fin rapide de ce conflit et à une paix durable qui préserve les intérêts, la sécurité et le bon voisinage de tous les peuples de la région de l’est européen. Dans ce conflit les premières victimes sont les peuples comme l’ont été les peuples vietnamien, Irakien, libyen, Syrien, Yougoslaves agressés et martyrisés par les dirigeants d’un monde unipolaire pour leurs intérêts supérieurs.
Aussi mon avis est que l’Algérie doit, comme elle l’a fait lors des deux derniers votes à l’ONU sur la question s’en tenir à une position non alignée. Elle doit appeler à la fin rapide du conflit et de toutes ses causes profondes. Elle ne doit pas hésiter à user de sa modeste expérience en médiation internationale si elle est sollicitée.
II) Sur le plan économique
L’Algérie, à l’instar de tous les pays aura à subir pour longtemps les conséquences d’une inflation élevée et durables des matières premières en particulier des céréales dont les importations représentent 70 % de la consommation interne et des produits semis finis.
D’où l’impérieuse nécessité pour le pays de donner une priorité absolue pour une politique de sécurité alimentaire efficace 1. Tenant compte des contraintes liées au bouleversement climatique et du manque d’eau, de la limite des surfaces arables et des besoins alimentaires du pays pour ce qui est de la production. 2. En ajustant les disponibilités et notamment les importations aux besoins réels du pays qui sont de 200 à 220 kg /personne/an. Ce qui suppose une lutte sans merci contre la corruption et le gaspillage qui découle avant tout des conditions de production, de stockage et de distribution. 3. Pour le reste l’Algérie doit impérativement diversifier ses sources d’importation pour réduire sa dépendance et ses couts.
l’Algérie devrait se diriger plus résolument vers une économie productive des biens et diversifiée pour réduire les importations.
L’Algérie devrait sécuriser ses réserves de change par le recours à l’or et à la diversification des monnaies et des pays.
III) Sur le plan énergétique
Aujourd’hui l’Algérie est soumise à des pressions multiples pour augmenter ses exportations de Gaz vers l’Europe. La politique que doit suivre notre pays ne doit en aucun cas obéir aux pressions ou être guidée par des intérêts exclusivement à court terme. Elle doit prendre en considérations ses intérêts politico-économiques stratégiques actuels et ceux à long terme y compris les intérêts des générations futures. Elle doit intégrer entre autres :
La satisfaction des besoins énergétiques nationaux et la lutte contre la précarité énergétique,
.L’optimisation de la durée de vie des gisements à travers des niveaux d’extraction et de recyclages adéquat. Il faut tirer les leçons des erreurs faites dans ce domaine depuis 2007 qui ont occasionnées des dégâts importants.
Le non recours à l’exploitation du gaz et du pétrole de schiste tant que les avancées technologiques ne permettent pas d’assurer la préservation des ressources hydriques du pays et la protection de l’environnement,
.Et enfin elle doit, en cas de développement de la production du gaz naturel, diversifier sa clientèle qui outre le fait d’assurer au pays d’autres ressources financières grâce au prix spots, renforcera l’indépendance de l’Algérie en matière d’exportation. En 2021, le prix moyen sur le marché asiatique de GNL a plus que quadruplé, atteignant 17,9 $/MBtu et sera supérieur à 20 $ sur toute l’année 2022 selon les prévisions. D’autant plus que L’Algérie dispose d’une capacité de liquéfaction inutilisée d’environ 20 milliards de m3 par an à un moment, il faut le souligner, ou les capacités de liquéfaction dans le monde sont saturées à 100 %.
.A ce titre, il est important de souligner qu’en 2020 l’Algérie a exporté 41 milliards m3 sur une capacité d’acheminement totale installée (pipelines et GNL) de 87 milliards de m3. Soit un taux d’utilisation de 48 % et 54 % si on excepte le GME.
84 % de ces quantités ont été exportées vers les pays de l’UE (en comptant les prélèvements des pays de transit du gaz) et 12,3 % vers la Turquie. Seuls 1 milliard de m3 ont été exportés vers l’Asie (Chine, Inde, Pakistan et Koweït dont le marché cumulé dépasse 190 milliards de m3 et qui de plus est en expansion).
N’est-il pas opportun que l’Algérie de ne pas mettre tous les œufs dans un même panier en diversifiant sa clientèle dans un monde ou l’énergie devient, chaque jour un peu plus, une arme de pression politique.
Dans ce cadre il est important me semble -t-il d’écouter les voix qui appellent à la réactivation du haut conseil de l’Énergie de l’énergie qui doit tracer, superviser, évaluer et corriger la politique dans le domaine d’une richesse sur laquelle repose la quasi-totalité des ressources financières externes du pays.
IV) Sur le plan politique et social interne
Les conséquences politiques, économiques et sociales de la crise en Ukraine et des sanctions mises en place seront importantes et durables. L’inflation qu’a vécu le monde en 2021 et début 2022 à cause de l’incapacité du monde capitaliste à apporter des solutions aux problèmes économiques et sociaux de l’humanité va être sérieusement amplifiée. Elle se traduira pour notre pays par l’amplification de l’érosion du pouvoir d’achat de la population déjà à un niveau critique dans un contexte politique difficile et la multiplication des défis qui se posent à l’Etat algérien. Je parle bien de l’Etat.
La nation algérienne pour relever ces défis et dépasser cette crise doit construire un front intérieur pour la préservation de la nation algérienne, pour sa souveraineté et pour la souveraineté populaire. Ce front doit être construit autour des principes suivants :
-L’unité et la souveraineté de la Nation Algérienne
-Le refus de toute ingérence étrangère dans les affaires intérieures du pays
-La souveraineté pour le peuple qui doit l’exercer par des moyens démocratiques et républicains,
-La liberté de conscience et de pensée
-La consécration dans le respect des lois, des libertés individuelles et collectives, du droit d’association, du droit syndical et du droit de réunion
-L’appartenance exclusive à la nation incarnée par l’Etat algérien des ressources naturelles du pays,
-La réhabilitation et la consolidation de l’Etat social qui doit assurer le progrès partagé, la justice sociale, l’accès effectif de tous à l’éducation, aux soins et à l’Energie et aux protéines. Un Etat social qui doit faire de la lutte contre la pauvreté et les inégalités et la sauvegarde du pouvoir d’achat des algériens sa priorité absolue.
Dans l’immédiat, et jusqu’au dépassement de la crise, les prix des produits de consommation de première nécessité, y compris les produits énergétiques et pour les soins (consultations et analyses) devraient être plafonnés.
Algérie54, 23/0472022
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