France: Et si le débat du 2e tour se passait différemment qu’en 2017? – Emmanuel Macron, Marine Le Pen, élection présidentielle,
A maintenant une semaine du deuxième tour de la présidentielle en France, les sondages, qui d’ailleurs se sont raréfiés depuis le 10 avril, date du premier tour, n’indiquent aucune dynamique particulière en faveur de l’un des deux finalistes, le président sortant, Emmanuel Macron, et Marine Le Pen la représentante de la mouvance d’extrême droite. En principe, lorsque les sondages se montrent stables dans leurs résultats, c’est qu’ils ont déjà mesuré quelque chose de réel, susceptible d’évoluer néanmoins, mais uniquement dans les marges d’erreur. Entre les deux candidats, la distance est telle que si on prenait le parti tout à fait arbitraire de faire jouer ces marges en faveur de Le Pen uniquement, Macron l’emporterait encore au scrutin du 24 avril. Mais cela n’est pas nouveau, on le savait depuis un certain temps déjà ; en fait, depuis des mois.
Les sondages étant pour l’essentiel tombés juste dans leurs prévisions du premier tour, il n’y a a priori aucune raison de penser qu’ils se trompent dans celles du deuxième tour. Si bien qu’on devrait pouvoir être catégorique : le président sortant est en même temps le président rentrant. On s’exposerait à l’erreur ce faisant, car ce qui semble déterminant au deuxième tour, ce ne sont pas tant les sondages, qu’on ne prend d’ailleurs même plus la peine de commenter, que le débat du deuxième tour, son déroulement en général et ses péripéties en particulier.
Si Macron a écrasé Le Pen à la présidentielle de 2017, c’est moins en raison de son programme, mieux apprécié des électeurs que celui de sa rivale, que de ses qualités de débateur, qui alors se sont révélées nettement supérieures à celles de Le Pen. Si la prestation de celle-ci avait été meilleure, probable qu’il aurait élu malgré tout, mais sans doute pas avec la même avance. Cette fois-ci aussi, le débat d’entre-les-deux-tours pourra être décisif. Il ne le sera pas nécessairement si Le Pen tient le coup, si elle ne se laisse pas malmener comme en 2017. Il le sera par contre si, à la différence de 2017, c’est Macron qui s’effondre. Un scénario, il est vrai peu probable, mais sait-on jamais ? Il peut s’entretenir dans l’idée d’une supériorité intellectuelle définitive sur sa rivale, qui le moment venu le dessert, joue contre lui : la punition dont se paye en général la sous-estimation de l’adversaire.
Ce n’est déjà pas bon de surestimer quelqu’un, mais le sous-estimer, c’est souvent courir au devant d’une catastrophe. Or que Macron se surestime, c’est évident dans son rejet de l’idée largement partagée que c’est au front républicain qu’il doit d’avoir été élu la première fois, et donc qu’il le sera la prochaine fois. A l’en croire, pas plus qu’il n’y a eu de front républicain en 2017, il n’y en aura en 2022. Il a été élu une première fois pour ses mérites, il en sera forcément de même la deuxième fois. S’il ne l’est pas le 24 avril, ce sera pour l’essentiel en raison de cette forfanterie. Parce qu’il aura manqué d’humilité, qu’il aura sous-estimé sa rivale. Bien entendu, tout reste possible, y compris qu’il ne fasse d’elle qu’une bouchée en fin de compte. Mais cela on ne le saura vraiment qu’avec le débat. S’il a dormi sur ses lauriers, s’il se pense toujours d’une autre trempe que Le Pen, alors que celle-ci n’a fait ces dernières années que se préparer à l’affronter à nouveau, fouettée par le désir profond de prendre sa revanche, il n’est pas dit que l’élection soit conforme aux sondages, aussi constants qu’ils aient été jusqu’à présent.
Le Jour d’Algérie, 15/04/2022
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Surprise
Lors des deux semaines d’entre-deux-tours de l’élection présidentielle française de 2017, Emmanuel Macron, certain de sa victoire face à Marine Le Pen, paraissait totalement détendu et commençait même à endosser petit à petit le costume présidentiel. Le résultat du 7 mai au soir, avec une victoire à plus de 66 % des voix pour Macron, confirmait la solidité du «Front Républicain». Mais aujourd’hui la confiance du président français semble s’être étiolée et ses apparitions ces derniers jours témoignent une certaine fébrilité. Jamais le Rassemblement National (autrefois Front National) n’avait été aussi proche d’une victoire à la présidentielle et cela inquiète non seulement le camp macroniste, mais tous ceux qui depuis des décennies luttent contre ce parti.
La Commission de contrôle de la campagne électorale (CNCCEP) demande aujourd’hui des précisions à la candidate du RN. L’instance s’interroge sur deux chiffres figurant sur le document de campagne pour le second tour. L’entourage de Marine Le Pen dénonce une manœuvre politique. Ce qui coince, c’est un élément clé de l’argumentaire de Marine Le Pen.
Dans la profession de foi que la Commission de contrôle de la campagne électorale (CNCCEP) épingle, deux chiffres censés démontrer l’échec du quinquennat Macron en matière de sécurité et d’immigration posent question. On peut lire : «+31% d’agressions volontaires depuis 2017» et «1,5 million d’immigrés supplémentaires entrés légalement en France depuis 2017». Or la source serait, selon le RN, le ministère de l’Intérieur lui-même. Sauf que la Place Beauvau ne les reconnaît pas. «Ce sont des éléments que nous n’arrivons pas à corroborer», ajoute-t-on à la CNCCEP. Le «gendarme» de la campagne a donc réclamé des clarifications à la candidate du RN. «Mais nous demandons régulièrement des précisions de ce type. Cela a été le cas pour plusieurs candidats avant le premier tour».
Reste que dans le pire des cas pour Marine Le Pen, la commission peut décider de ne pas homologuer sa profession de foi. Une grosse déconvenue, qui l’obligerait à mettre à la poubelle des milliers de documents. «Vu les délais, évidemment qu’ils sont déjà chez l’imprimeur», confie un cadre du parti. Un proche de la candidate se dit très agacé mais pas du tout inquiet. «Nos sources sont sûres, nous les avons déjà transmises à plusieurs reprises à la commission. D’ailleurs, ces chiffres figuraient déjà sur la profession de foi du 1er tour, assure-t-il. Le seul objectif de tout cela, c’est de nous faire perdre un temps précieux». Marine Le Pen a également réagi hier matin. En déplacement dans une PME de Gennevilliers, dans les Hauts-de-Seine, elle a rappelé que les chiffres qui sont dans sa profession de foi «sont sourcés avec des chiffres du ministère de l’Intérieur» avec «le lien du ministère». «Je veux bien qu’il conteste ses propres chiffres mais attention à ce type de manœuvre, attention à respecter la démocratie», a lancé la candidate du RN. «Je ne vois vraiment pas ce qui pourrait pousser le juge de l’élection à interdire ma profession de foi ce qui reviendrait à adresser aux Français uniquement la profession du président sortant», a-t-elle prévenu. La candidate du RN qui n’a jamais été aussi proche du pouvoir a-t-elle, toutefois, réellement une chance d’accéder à l’Élysée ?
Emmanuel Macron, qui a travaillé dur pour s’assurer de la présence de Le Pen face à lui au second tour du scrutin, a-t-il, lui, mesurer toute l’ampleur de la détestation qu’il suscite et du risque d’un vote contestataire ? Toujours est-il que contrairement à 2017 rien n’est joué et que les résultats du 24 avril peuvent encore créer la surprise.
Le Jour d’Algérie, 13/04/2022