Conséquences de la déflagration russe au Maghreb et au Sahel – Russie, Ukraine, Algérie, Libye, Mali, Serval, Barkhane, Tabuka, G5-Sahel,
La guerre des chars, des avions de chasse et des missiles de croisière russes continue en Occident et en Afrique sous forme de guerre économique, diplomatique, tactique et médiatique. Tous les indices, en Libye et au Mali, sont là pour le confirmer. Comment l’Algérie peut-elle en être affectée ? Elle l’est déjà. La visite du secrétaire d’Etat américain, Antony Blinkin, s’inscrit dans cette perspective. Mais il serait plus judicieux de constater ce qui est en train de se former à nos portes sud et sud-est, au Mali et en Libye.
La guerre de « basse intensité » entre Paris et Bamako semble prolonger la guerre en Ukraine. Elle nous intéresse particulièrement pour trois motifs, sa proximité, le Plan d’Alger et ses sous-entendus. Le Mali est notre espace immédiat de sécurité sud. Ses sous-entendus sont la volonté de «noircir » la présence russe à Bamako, et de faire en sorte que les Russes en soient délogés. Aussi, le Plan d’Alger, signé par les belligérants constitue pour Alger un mécanisme d’entente encore opérationnel, voire décisif, à un moment où la communauté internationale n’a proposé que des plans militaires plus dangereux les uns que les autres, Serval, puis Barkhane, Tabuka, G5-Sahel et autres contingents qui n’ont fait qu’exacerber les tensions dans l’espace saharo-sahélien.
On voit clairement aujourd’hui comment la France met sous pression Bamako et les Russes au Mali, et menace de l’ouverture rapide d’enquêtes nationales et internationales au motif d’ «exactions contre les civils ». Cela était attendu au vu de la détérioration des relations entre Macron et Goïta depuis que le colonel a pris la décision de mettre « out » Barkhane. La riposte française ne s’est pas fait attendre.
Cette détérioration de relations a pris de l’ampleur surtout depuis que l’armée malienne a affirmé, vendredi soir, dans un communiqué, avoir tué « 203 combattants» de « groupes armés terroristes » lors d’une opération dans une zone sahélienne du centre du Mali menée du 23 au 31 mars. L’opération malienne était un clin d’œil aux Français. Macron a compris le message d’où son intempestive réaction. L’accord de coopération des Maliens avec les Russes Wagner a été la goutte de trop.
En Libye, de même, les premières escarmouches entre groupe paramilitaires, au service de puissances non libyennes, ont commencé, faisant déjà deux morts. La suite s’annonce très sombre aux portes sud-est de l’Algérie. Le « cheval de Troie » que constitue Bachagha, placé par Haftar pour damer le pion à Seïf al-islam Kadhadi, n’augure rien de bon. Et remarquez que tout cela a un ou plusieurs liens avec la guerre en Ukraine, ou ce qui pourrait constituer la fin de la guerre.
Il est tout à fait juste de considérer que quel que soit l’issue de cette guerre, beaucoup de choses vont changer, surtout si elle prend fin aux conditions édictées par Moscou. Si cela se précise, avec tous les indices qui sont déjà là, il y a à croire que le rapport de forces actuel va connaitre un changement de paradigmes.
Poutine a toujours été très clair sur sa volonté de renverser le rapport des forces, et ce, avec un budget à peine de 25 % supérieur à celui de la France et moins d’un dixième du budget américain.
Derrière la fausse illusion d’une guerre conventionnelle, il faut rester bien lucide pour observer que la Russie a totalement rompu la doctrine militaire classique, concentrant volontairement ses moyens sur le cyber, l’hyper-vélocité, les capacités sous-marines le spatial le système antimissiles, dont principalement le système S-400 antimissiles qui a créé un bouclier pratiquement infranchissable et impossible à pénétrer pour l’aviation occidentale, la paralysant immédiatement.
D’où l’utilité de rester concentré sur les développements et l’issue de cette guerre d’un nouveau type.
L’Express, 07 avr 2022
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