La Russie pourra-t-elle faire tomber la Station Spatiale Internationale? –
L’agence spatiale Roscosmos vient de demander la levée des sanctions occidentales contre la Russie, sinon le fonctionnement des vaisseaux russes ravitaillant l’ISS va être perturbé, ce qui risque d’affecter le segment russe de la station qui sert notamment à corriger l’orbite du géant de 500 tonnes.
Cela pourrait provoquer « l’amerrissage ou l’atterrissage de l’ISS », estime-t-elle. C’est Dmitri Rogozine, patron de l’agence spatiale russe Roscosmos, qui a brandi la menace d’une chute de la station spatiale internationale (ISS) si les pays occidentaux maintenaient leurs sanctions envers Moscou du fait de la guerre en Ukraine. Il a ainsi demandé à ce que ces mesures économiques soient levées. Pour appuyer sa position, il n’a pas hésité à dévoiler comment la Russie pourrait faire s’écraser l’ISS. Cela dit, il semble peu probable que dans les faits, cela se produise, même si le risque ne peut pas non plus être totalement écarté.
Selon Rozogine, les sanctions auront un impact direct dans les modules russes de l’ISS, notamment dans celui chargé de corriger son orbite. D’après lui, cela entrainerait «l’amerrissage ou l’atterrissage de l’ISS pesant 500 tonnes». «Le segment russe veille à ce que l’orbite de la station soit corrigée (en moyenne onze fois par an), y compris pour éviter les débris spatiaux», indique-il.
Dans sa publication sur Twitter, il présente même une carte de la zone possible d’impact sur Terre. La Russie serait en très grosse partie à l’abri «mais les populations des autres pays, notamment ceux dirigés par les « chiens de guerre » (les Occidentaux, ndlr) devraient réfléchir au prix des sanctions contre Roscosmos», écrit-il. Rozogine est connu pour ses positions pro-Kremlin. Déjà en 2014, lors de l’invasion de la Crimée, il avait soutenu Vladimir Poutine et s’était montré hostile envers les Occidentaux qui avaient déjà émis plusieurs sanctions.
Quels sont les risques réels en cas de retrait russe ?
Tout d’abord, il faut relever que le programme de la Station spatiale Internationale a été un bon exemple de coopération pacifique réalisée dans un esprit pragmatique et constructif et des relations cordiales. Ainsi, l’Agence spatiale européenne, engagée dans plusieurs programmes avec la Russie, rappelle que « même en période de fortes tensions politiques, les missions spatiales ont toujours été des exemples de coopération pacifique et concrète dans le domaine de la science et de la technologie, au bénéfice de l’humanité ».
Mais qu’en est-il aujourd’hui avec les menaces russes ? D’abord, beaucoup d’observateurs relèvent que Poutine ne mettra pas à exécution une quelconque attaque contre l’ISS. Le site scientifique de référence Futura relève dans ce sens que « si la Russie peut facilement perturber le bon fonctionnement du complexe orbital, voire le désorbiter de façon incontrôlée et le faire retomber sur Terre, ce n’est pas aussi simple que cela y parait. En janvier 2031, date de la fin de vie de l’ISS, trois cargos russes Progress seront nécessaires pour le désorbiter de façon contrôlée au-dessus du point Nemo. Aujourd’hui, le seul cargo Progress amarré à l’ISS n’est pas suffisant pour cela.
Dans la pire des situations, Poutine pourrait ordonner aux cosmonautes russes à bord de l’ISS de l’évacuer, puis d’allumer les moteurs du Progress en accélérant très fortement avec un biais pour l’amener sur une orbite aussi basse que possible jusqu’à un stade où il ne serait plus possible de la remonter. Parmi les autres possibilités, celle de générer un très fort couple de façon à la faire tournoyer sur elle-même de façon irrattrapable. Dans les deux cas, la Nasa ne pourrait rien faire. »
Il était une fois… Mir !
Mais d’autres scientifiques, tout en écartant une menace directe sur la station, pensent que les russes pourraient faire des dégâts en orbite basse. Le dernier tir Asat du 15 novembre 2021 n’était pas gratuit. En détruisant l’un de leurs vieux satellites à partir du sol, les russes avertissaient l’Occident : si une guerre éclate avec vous, les hostilités ne se limiteront pas à la Terre. Mais la destruction proprement dite de ce satellite ne semblait pas être l’objectif des russes. Voici ce qu’en pensent d’autres spécialistes : « En soit, la destruction d’un satellite en vol n’est pas nouveau mais ce qui a changé dans ce cas, et très peu de personnes s’en sont rendu compte dans un premier temps, c’est que ce tir Asat avait comme objectif caché de perturber le bon fonctionnement des satellites Starlink de SpaceX qui se trouvent sur une orbite complémentaire.
La distribution des débris telle que produite par l’explosion du satellite avait certainement pour but de contraindre les satellites Starlink à réaliser de nombreuses manœuvres. Il faut savoir que les débris russes génèrent des salves, des grappes d’alertes pour de nombreux satellites ! Et ça, c’est inédit. »
Concrètement, plutôt que d’attaquer frontalement un satellite militaire américain, typiquement de type Keyhole, l’idée serait de détruire un satellite russe qui se trouve à proximité, de sorte que le nuage de débris généré, soumette le satellite à un « mitraillage » de débris en règle… »
Pour revenir à la Station, il faut savoir qu’elle dépend de composants russes. Sans allumer les moteurs nécessaires, la station pourrait théoriquement sortir de son orbite. Mais il faut savoir que d’autres éléments ne donnent pas toute sa crédibilité à ces menaces. Explication des experts : « depuis le 21 février, l’équipe américaine de la station dispose d’un moteur d’urgence permettant de faire le travail des Russes depuis leur module en cas de besoin, du moins en partie. Les propulseurs et le guidage seraient en effet toujours russes. Autrement dit, Moscou pourrait non pas faire tomber directement l’ISS mais la faire partir en vrille. À force, les panneaux solaires pourraient ne pas capter assez d’énergie et là, ça deviendrait vraiment problématique. Interrogé sur le sujet, l’ancien cosmonaute Terry Virts ne croit toutefois pas qu’un tel scénario soit possible. Le pire serait une confrontation dans l’espace des astronautes russes avec leurs collègues occidentaux, mais il n’y songe pas sérieusement non plus compte tenu de leur professionnalisme. Enfin, il faut noter que le 1er mars, la Nasa a indiqué travailler à des solutions pour maintenir définitivement la station en orbite sans l’aide de la Russie. L’espace est un des derniers domaines de coopération russo-américaine. »
Rappelons enfin que la Russie dispose d’une longue expérience avec sa station Mir qui permit de battre pas mal de record de longévité de séjours dans l’espace. Les russes, qui ont désorbité et fait descendre Mir à la fin de sa mission, en connaissent certainement un peu plus que leurs collègues occidentaux sur la fin de ces Stations spatiales.
M.F.
Le Soir d’Algérie, 12/03/2022
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