La coopération entre l’Algérie et la Tunisie, entre les discours et la réalité économique : des échanges marginaux
Dans la pratique des relations internationales n’existent pas de sentiments mais que des intérêts et les réseaux décentralisés qui ont remplacé les relations de chefs d’Etat à Etat et de Ministère à Ministre d’où des stratégies d’adaptation de l’Algérie au nouveau monde.
1.-Les principaux indicateurs et partenaires de la Tunisie
Le PIB tunisien a été estimé par le FMI en 2020 à 39,24 milliards de dollars pour une population de 11,82 millions d’habitants. Le taux de chômage est passé, au premier trimestre de 2021, à 17,8% contre 17,4% au quatrième trimestre de 2020, selon l’Institut national de la statistique (INS) et en moyenne annuelle, l’inflation s’est établie en 2020 à 5,6% contre 6,7% en 2019 et 7,3% en 2018 avec plus de 6% pour le premier semestre 2021. La valeur de la monnaie a évolué ainsi par rapport à l’Euro 2016 ? 2,29 – 2018 3,12, en 2020 3,21 et le taux de change au 16/12/2021 a été de 1TND, 1 USD = 2,8868 TND, 1 EUR = 3,2584 TND. Les exportations tunisiennes se sont établies à 29,6 milliards de dinars (10,6 milliards de dollars) et les importations à 40,1 milliards de dinars (14,4 milliards de dollars, creusant le déficit de la balance commerciale. Pour le premier trimestre 2021, cette tendance est accentuée puisque le déficit de la balance commerciale (la différence entre la valeur des exportations et des importations) a augmenté de 14,1 %, soit 933,7 millions de dinars (333,4 millions de dollars), en glissement annuel. En prenant la balance des patients car la balance commerciale est peu significative, n’incluant pas les mouvements de capitaux et les services, la dette extérieure de la Tunisie s’est élevée à 41,038 milliards de dollars en 2020.
Face à ces tensions financières, la Tunisie se trouve contrainte de recourir au FMI, où des discussions sont en cours depuis le 18 novembre 2021 espérant obtenir avant la fin de l’année 2021 un prêt de près de 4 milliards de dollars (3,3 milliards d’euros). C’est que l’économie est en berne où selon les projections de la Banque mondiale 2021, la ventilation sectorielle de la contraction du PIB due à la COVID-19 en Tunisie est telle que les six secteurs les plus durement touchés ou «à haut risque» sont les suivants : tourisme ou hôtellerie, cafés et restaurants (recul escompté de 25 %); textiles (16 %); industrie mécanique et électrique (15 %); transport (13 %); commerce (5 %); et construction ou génie civil et bâtiment (5 %). Ces six secteurs «à haut risque» emploient une part importante de la population allant de 47 % des employés dans le décile le plus pauvre à 53-54 % dans les 4e , 5e et 6e déciles. La structure du commerce extérieur est dominée par le tourisme, des produits issus des PMI,PME dont le textile , l’huile d’olive et les produits d’hydrocarbures constituent les principales importations de la Tunisie (environ 16% de toutes les importations), suivis des véhicules, des appareils électriques, du blé…..
L’Union européenne est le principal partenaire commercial de la Tunisie, représentant plus de la moitié de ses importations et exportations. Selon les données de la banque mondiale pour 2019, les principaux partenaires de la Tunique sont par ordre décroissant la France avec 29,1%, l’Italie 16,2%, l’Allemagne 12,8%, l’Espagne avec 3,8% , l’Algérie avec 2,7%,(390 millions de dollars ) le Royaume Unis avec 2,2%, Pays Bas avec 2,0%, les USA avec 1,8%, la Belgique avec 1,7% et le Maroc avec 1,6%. Les principaux fournisseurs sont l’Italie avec 15,4%, la France avec 14,2%, la Chine avec 9,5%, l’Allemagne avec 6,8%, l’Algérie avec 6,6%,(699 millions de dollars) la Turquie 4,5%, l’Espagne 4,1%, les Usa 3,2%, la Russie 2,3% et l’Egypte 2,2%. En mars 2019, le Parlement tunisien a ratifié l’adhésion officielle du pays au Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA, une zone de libre-échange commune avec vingt États membres s’étendant de la Libye au Swaziland)) et est signataire de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA)
2.-Les principaux indicateurs et partenaires de l’Algérie
Le PIB algérien en 2020 selon la banque mondiale est de 145, 2 milliards de dollars pour une population 43,85 millions d’habitants et le taux de chômage dépasse les 14,5%.Devant prendre ave précaution les données l’indice n’aynt pas été réactualisé depuis 2011, en 2020, le taux d’inflation avait atteint 2,4% contre 2% en 2019, avec une poussée pour 2021 entre 4/5% selon l’ONS . Le stock de la dette extérieure de l’Algérie à fin 2020 a atteint 5,178 milliards de dollars contre 5,492 milliards de dollars en 2019,selon le rapport “International Debt Statistics 2022. La dette publique, s’établirait à 56% du PIB et les réserves de changes, du fait des restrictions drastiques des importations est évalué à 44 Mds USD fin mai 2021. L’Algérie comme la Tunisie, l’impact du coronavirus et de la baisse des recettes d’hydrocarbures principale entrée en devises a impacté l’activité économique qui fonctionne à peine à 50% de ses capacités. La cotation du dinar officiel au 15/12/2021 est de 138,88 dinars un dollar et 156,98 dinars un euro. Les importations de l’Algérie ont enregistré, en 2020, une baisse de 18%, soit 34,4 milliards de dollars, et les exportations de 33%, soit 23,8 milliards de dollars.
Comme la Tunisie l’Europe reste un partenaire clef pour l’Algérie comme en témoigne la structure du commerce extérieur de l’Algérie pour 2020. Les pays de l’UE dans leur ensemble forment le partenaire commercial principal avec 48.5% des importations et 56.8% des exportations pour 2020. Par rapport à 2019, les importations en provenance de l’UE ont enregistré une baisse de l’ordre de 17.7% passant de 18.6 Mrd à 14.8 Mrd USD. De même, les exportations de l’Algérie vers ces pays ont baissé de 34.1%, soit à 13.4 Mrd USD. A l’intérieur de l’UE, on peut relever que le principal client de l’Algérie est à nouveau (comme en 2018) l’Italie avec 14.5% des ventes à l’étranger, suivi de la France, première de cette catégorie en 2019 et désormais en seconde position avec 13.7%, suivie par l’Espagne avec 9.8%. En termes d’importations, la France occupe toujours le premier rang au sein de l’UE avec 10.6%, suivie par l’Italie et l’Espagne avec des taux de 7.1% et de 6.2% du total. Les échanges dans le cadre de l’accord avec les pays de la l’Accord de la Grande zone arabe de libre-échange (GZALE), ont enregistré une baisse de 9.6% en 2020 par rapport à l’année 2019, passant de 1.3 Mrd USD à 1.2 Mrd USD en rappelant que l’Algérie a ratifié fin 2019 l’accord ZLECAf, qui est entré en vigueur en janvier 2021, prévoyant la suppression des droits de douane pour 90 % des lignes tarifaires sur 5 ans pour les pays les plus développés et sur 10 ans pour les pays les moins développés.
Dans le cadre de la Grande zone arabe de libre échange (GZALE), l’Algérie traite essentiellement avec 3 pays, à savoir la Tunisie, l’Egypte et le Maroc, qui représentent 80% des échanges commerciaux entre l’Algérie et les pays arabes et africains, qui ne dépassent pas les 3 milliards USD (1,5 Mds USD d’exportations et 1,5 Mds USD d’importations). Les pays de l’Asie viennent en 2e position par zone géographique avec une part de 32.73% des importations de l’Algérie et de 28.7% des exportations vers ces pays avec une nette diminution passant de 9.2 Mrd à 6.8 Mrd USD. Parallèlement, les importations de l’Algérie en provenance de ces pays ont enregistré une diminution importante de 23.5%, passant de 14.7 Mrd USD à 11.3 Mrd USD. L’essentiel des échanges commerciaux avec cette région étant réalisé avec la Chine, qui reste le premier fournisseur de l’Algérie, malgré une nette baisse des importations en 2020 (24.5% de baisse, soit de 7.6 Mrd USD à 5.8 Mrd USD), la Chine représentant 51.4% des importations et 17.1% des exportations, et l’Inde 6.5% des importations et 9.6% des exportations.
Les échanges avec les pays d’Amérique (majoritairement USA, Brésil et Argentine) ont enregistré une baisse de 27.8% par rapport à 2019 (de 9.5 Mrd USD à 6.9 Mrd USD), les exportations étant passées de 3.9 à 1.5 Mrd USD (baisse de 60.4%), tandis que les importations ont baissé légèrement, de 5.6 Mrd USD à 5.3 Mrd USD (chute de 5.1%). La valeur des échanges avec l’Afrique a enregistré une baisse de 13% par rapport à 2019, soit une diminution de 456.3 Mio USD et les importations ont connu une baisse de de 16.2% (de 1.3 Mio à 1.1 Mio USD) et les exportations chutent également de 11.1% (de 2.2 Mio à 1.9 Mio USD), le volume très faible des exportations vers l’Afrique, 53% étant destinées à la Tunisie et 24% au Maroc.
D’une manière générale, l’Algérie ne connaît pas l’aisance financière du passé et devrait connaître de vives tensions budgétaires et donc sociales entre 2022/2023, rendant urgent une autre gouvernance pour relancer la machine économique en panne.
3- L’intégration, un facteur de prospérité et de stabilité régionale
Il ne faut pas vivre d’utopie, l’intégration ne se décrète pas afin de mieux s’insérer harmonieusement dans le cadre des nouvelles relations tant géo-stratégiques qu’économiques internationales. L’intégration doit reposer comme le recommande plusieurs rapport internationaux sur trois objectifs( voir rapport de la banque mondiale , octobre 2020-107 pages- sur les taux d’intégration de la région Mena) : l’efficacité économique, sous tendue par la promotion du libre-échange à travers l’élargissement et l’approfondissement des accords commerciaux et d’autres instruments, tels que les règles d’origine ; la convergence progressive du revenu par habitant et des niveaux de vie entre les pays, grâce à des réformes sectorielles parallèles, à la coopération interinstitutionnelle et à l’harmonisation des réglementations et enfin la prévention manifeste des inégalités sociales et territoriales qui résulteraient naturellement de la libéralisation des échanges, par la fourniture de biens et des mesures spécifiques ciblant le niveau local et les couches vulnérables.
L’étude de la banque mondiale de 2021 sur les intégrations régionales montrent qu’existent d’importantes disparités entre els zones : Mercorurs entre 14,7 et 16,4%, Cedeao entre 8,7 et 11,5%, Comesa entre 5,7 et 5,9% ; Cea entre 3,7 et 5,9% et l’UMA entre 2,4 et 2,9% étant la zone qui connaît le moins d’intégration se percutant sur le niveau de croissance. Certes pour l’Afrique, avec plus d’un milliard de consommateurs et un PIB combiné d’environ 3 000 milliards de dollars américains, la nouvelle zone de libre-échange continentale crée le deuxième plus vaste marché mondial derrière le Partenariat régional économique global en Asie et dans le Pacifique. Mais reste pourtant un long parcours pour dynamiser les échanges intra africains, où après un pic en 2015, le commerce intra-africain a reculé en 2020 pour atteindre le même niveau qu’en 2012 représentant environ 15,2% selon la CNUECD.
Les échanges dans le cadre de l’accord avec les pays de la l’Accord de la Grande zone arabe de libre-échange (GZALE) sont également dérisoires. .Quant aux échanges entre l’Algérie et la Tunisie, elles sont estimées à environ 1,2 milliard de dollars, les deux pays, à un degré moindre pour l’Algérie, étant arrimée à l’Europe avec des structures d’échange différentes. Il est important par ailleurs de rappeler qu’en plus des prêts anciens et récents de 300 millions de dollars, en février 2020, le président de la république avait annoncé un dépôt de 150 millions de dollars à la Banque centrale tunisienne (BCT), à titre de garantie, et accordé des facilitations pour le paiement par la Tunisie de ses achats de carburants et de gaz algériens. Par ailleurs, pour le Transmed, d’une capacité de 33,5 milliards de mètres cubes gazeux. d’une longueur de 370 km en Tunisie , en contrepartie de la traversée de son territoire et de l’entretien qu’elle assure sur sa section, la Tunisie reçoit environ 6 % du gaz transporté, cette quote-part assurant une part importante de sa propre demande.
En résumé, pour les relations entre l’Algérie et la Tunisie, il ne faut pas s’appesantir uniquement sur le volet économique qui est pour l’instant marginal (voir notre interview à la télévision Algerie24 du 16/12/2021) , existant des données stratégiques, notamment le dossier libyen, où les deux pays peuvent contribuer à la stabilité des deux rives de la Méditerranée et de l’Afrique.
Par Dr Abderrahmane MEBTOUL, Professeur des universités, expert international
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