Mensonges de l’ambassadeur Ed Gabriel sur l’Algérie-07/04/2014- – Maroc, Algérie, Edward Gabriel, Marocleaks,
Ancien ambassadeur des Etats-Unis à Rabat dans les années 1990, Edward Gabriel a servi d’informateur au Maroc. Il envoyait régulièrement des rapports à la DGED sur la situation en Algérie et dans la région. Il a poursuivi son travail de lobbying pour le Maroc sous le post de directeur exécutif du Centre Américain Marocain pour la Politique (MACP)
Voici un rapport envoyé le 07/02/2014
ALGERIE / SÉCURITÉ
02/07/14
« AQMI Central Region » jure allégeance au chef d’ISIS Abou Bakr Al-Baghdadi
Dans un message audio de huit minutes posté sur YouTube le 26 juin, Abou Abdallah El Âssemi[1], présenté comme « Qadi [juge religieux] d’AQMI-Région centrale », a prononcé un long chant de louanges à l’État islamique en Irak et en Syrie (ISIS), le groupe dissident d’Al-Qaïda qui, avec une alliance de forces sunnites irakiennes, a pris les villes de Mossoul et de Tikrit à la mi-juin. Trois jours plus tard, le 29 juin – qui est aussi le premier jour du mois sacré du Ramadan -, ISIS a publié une déclaration proclamant la « restauration » du califat islamique et exigeant l’allégeance (bay’a) de tous les musulmans à son chef, Ibrahim Al-Badri, alias Abu Bakr Al-Baghdadi, en tant que nouveau « calife Ibrahim ». Cette déclaration a été suivie, aux premières heures du matin du 30 juin, par ce qui est censé être un court communiqué écrit du Conseil de la Choura de la région centrale, signé par tous ses membres[2], déclarant officiellement l’allégeance du groupe au « vénérable cheikh et serviteur de Dieu, Ibrahim Bin Awad Al-Quraishi Al-Baghdadi Abu Bakr, le calife des musulmans ». Ces développements pourraient avoir de sérieuses implications pour le mouvement djihadiste en Algérie.
Déjà en mars de cette année, un communiqué écrit avait été publié au nom d’AQMI-Région centrale[3], qui déclarait son soutien à ISIS et exhortait ses combattants à rester fermes et à « obéir au Commandeur des Croyants Abu Bakr Al-Baghdadi Al-Quraishi ». Cette déclaration est intervenue à un moment où Al-Baghdadi avait effectivement été désavoué par le chef international d’Al-Qaida, Ayman Al-Zawahiri, après les affrontements entre ISIS et un autre affilié d’Al-Qaida, le Front Nusra, en Syrie. Dans la mesure où la déclaration d’AQMI-Région centrale prend la défense d’ISIS, elle pourrait être considérée comme prenant le parti de Baghdadi contre Zawahiri et, par extension, contre la propre direction nationale d’AQMI, qui doit allégeance à Zawahiri. Notant que le document est difficile, voire impossible, à authentifier, nous avons évoqué à l’époque la possibilité qu’il s’agisse d’une fabrication du DRS. Cette hypothèse ne peut toujours pas être entièrement écartée : On sait qu’AQMI a eu du mal à concurrencer le djihad plus « à la mode » en Syrie pour les recrues depuis un certain temps, publiant une déclaration en mars 2013 dans laquelle elle implorait « la jeunesse musulmane du Maghreb » de ne pas partir pour prendre part au djihad dans d’autres pays sans l’autorisation des « chefs du djihad dans votre région », et on peut penser que de ce point de vue, il serait logique que les autorités algériennes amplifient les succès d’ISIS afin de détourner les jihadistes algériens potentiels d’AQMI. Et que le DRS ait ou non contribué à faire connaître ISIS, il existe des preuves récentes que des réseaux algériens, vraisemblablement sans aucun lien avec la direction d’AQMI, ont effectivement continué à recruter des combattants pour la Syrie.
Et pourtant, il y a des raisons de croire que les diverses déclarations de la « région centrale » peuvent être authentiques. Si le DRS est sans aucun doute bien versé dans les arts sombres des opérations sous faux drapeau, il connaît également bien le problème du » blowback » : les rapatriés du conflit en Afghanistan ont formé l’épine dorsale du GIA et d’autres groupes islamistes armés au début des années 1990 et des schémas similaires se sont répétés dans de nombreux autres pays depuis lors, au point que le rapport coût/bénéfice négatif de l’envoi de jihadistes wanabee à l’étranger est devenu un principe central de la théorie du contre-terrorisme. En outre, il est peut-être significatif que la direction nationale d’AQMI ne semble pas avoir publié de déclaration condamnant les messages attribués à sa région centrale comme étant des fabrications du DRS (comme on aurait pu s’attendre à ce qu’elle le fasse, de manière préventive, si elle avait des raisons de croire qu’il s’agissait de faux préparés dans une intention hostile). D’autre part, la direction d’AQMI a implicitement reconnu l’existence de vives controverses au sujet d’ISIS et de son rôle en Syrie et en Irak ainsi que dans le mouvement djihadiste mondial dans un communiqué légèrement antérieur (daté du 22 juin) saluant les victoires d’ISIS en Irak mais l’appelant, ainsi que les groupes djihadistes rivaux en Syrie et en Irak, à mettre de côté leurs différends et à coopérer les uns avec les autres, et suppliant tous les » partisans des moudjahidines de cesser leurs campagnes de dénigrement dans les forums en ligne et les médias sociaux « .
Certains éléments indiquent également que, bien qu’il n’existe aucune communication indépendante connue de la » région centrale » avant mars de cette année, la structure elle-même n’est pas imaginaire. En février 2008, des sources de renseignement européennes ont suggéré que, lors de sa transformation en AQMI l’année précédente, l’ancien GSPC[4] avait remanié ses structures internes, les réduisant à deux zones seulement, l’une couvrant tout le nord de l’Algérie et l’autre une vaste zone s’étendant au sud à partir d’environ Biskra et comprenant pratiquement tout le Sahara algérien et une partie du nord du Mali. Dans le même temps, cependant, les sources de renseignement européennes ont admis que les combattants d’AQMI semblaient toujours observer les anciennes formes d’organisation – ce qui suggère que la refonte est peut-être restée lettre morte dans une large mesure dans la pratique. Les rapports ultérieurs (plus ou moins bien informés) des médias algériens ont évoqué une structure à quatre régions, le noyau dur des combattants d’AQMI étant concentré dans la région centrale. Selon diverses sources, cette région comprendrait les wilayas de Tizi Ouzou, Boumerdès, Bouira, Béjaïa, M’sila et Djelfa (Le Soir d’Algérie, mai 2008), ou Tizi Ouzou, Boumerdès, Bouira et Béjaïa (L’Expression, mars 2009), ou encore Tizi Ouzou, Boumerdès et Bouira (Al-Akhbar Alaan TV, 2012) – une réduction de l’empreinte qui semble cohérente avec les pertes subies par l’organisation sous la pression des forces de sécurité au milieu et à la fin des années 2000.
De plus, selon Al-Akhbar Alaan, la région centrale était composée de trois djounds (brigades ou régiments) : Djound El I’tissam, Djound El Ahouel et Djound El Ançar. Djound El I’tissam est mentionné dans des rapports datant de 2003 sur la structure et le développement connus du GSPC dans la Wilaya de Boumerdes, qui indiquent qu’il était à un moment donné à la fin des années 1990 ou au début des années 2000 dirigé par un certain Omar Chaouch, alias Abou Khaled[5]. En 2006, le même Omar Chaouch/Abou Khaled aurait commandé Djound El Ahouel dans la région de Khemis El Khechna, dans la wilaya de Boumerdes ; les mêmes rapports affirment que l’émir national du GSPC, Abdelmalek Droudkal alias Abou Mossaâb Abdelouadoud, aurait placé un certain Abou Houraïra (nom réel inconnu) à la tête d’une brigade opérant » à l’ouest » (sans autre précision). Les noms de guerre djihadistes sont très hétéroclites, les mêmes éléments étant fréquemment réutilisés par différents individus, ce qui rend l’identification sur la seule base d’une konya[6] quelque peu hasardeuse. Il est néanmoins intéressant de noter que parmi les signataires du communiqué de mars 2014 et de la déclaration d’allégeance à Abou Bakr Al-Baghdadi du 30 juin figurent un Abou Khaled Abderrahmane et un Abou Houraïra Thabet. Bien que fragmentaires, ces détails semblent suggérer qu’il pourrait y avoir un certain degré de continuité entre la région centrale du GSPC/AQMI telle qu’elle était au milieu des années 2000 et le groupe qui a commencé à publier des déclarations au nom de la région centrale en mars de cette année.
Bien que cela ne soit pas totalement inédit, le fait d’annexer à un communiqué une liste de plusieurs signataires plutôt que le seul nom de l’émir du groupe ou le simple nom de l’organisation n’est pas une pratique habituelle dans la mouvance jihadiste algérienne[7]. L’inclusion de telles listes à la fin du communiqué de mars et de la déclaration d’allégeance du 30 juin est peut-être révélatrice de la gravité de la controverse sur l’attitude à adopter vis-à-vis d’ISIS : en supposant qu’au moins certains des noms de guerre soient connus au sein du mouvement djihadiste au sens large (comme on pourrait s’y attendre si, comme nous l’avons postulé, certains sont des figures » historiques » du GSPC/AQMI), les citer serait en soi une sorte d’argumentum ad verecundiam. Les légères différences entre la liste des signataires du communiqué de mars et celle de la déclaration d’allégeance du 30 juin peuvent également être significatives. Quatre noms figurant dans la première sont absents de la seconde : Abou Souheïb Oussama (identifié en mars comme l’émir du groupe), Sheikh Ahmed (son trésorier), Abou Fadl Oussama (son responsable des médias) et Abou Youssef Abdelkahar (le chef de son diwan, ou secrétariat). On peut en déduire qu’ils n’étaient peut-être pas disposés à faire le saut final en prêtant allégeance à Abou Bakr Al-Baghdadi, une étape particulièrement grave dans la mesure où elle semble avoir consommé la scission avec AQMI : dans sa déclaration du 30 juin, le groupe ne s’identifie plus comme AQMI-Région centrale mais comme « Maghreb islamique – Région centrale (Front algérien[8]) ».
L’Irak revêt une importance particulière pour le mouvement djihadiste algérien depuis une bonne décennie. Après tout, c’est à la suite de ses contacts directs avec Al-Qaïda en Irak (probablement établi par des volontaires algériens combattant les forces américaines en Irak) que la direction du GSCP a décidé de rejoindre Al-Qaïda en septembre 2006 et de changer officiellement le nom du groupe en Al-Qaïda au Maghreb islamique en janvier de l’année suivante. Il est possible qu’Abdelmalek Droudkel ait choisi sa konya actuelle pour imiter le fondateur et chef d’Al-Qaida en Irak, Abou Moussab Al-Zarqaoui, dont la propre organisation, depuis sa mort en juin 2006, est devenue ISIS. Mais la direction nationale d’AQMI et la région centrale ne sont pas seulement en désaccord sur une question d’attachement sentimental. Leur différend est en train d’évoluer pour englober des différences substantielles sur des questions de tactique, de stratégie et même de théologie : quel degré de priorité accorder à quel théâtre du djihad (leur territoire national ou la lutte plus dynamique et apparemment plus prometteuse en Syrie et en Irak) ; la pertinence du maintien de l’allégeance à la direction internationale d’Al-Qaida ; si oui ou non le moment est opportun pour tenter de restaurer le califat, en théorie le but ultime de beaucoup, sinon de tous les mouvements djihadistes ; et ainsi de suite.
Si l’on part du principe que les communiqués de la région centrale sont authentiques, ces différences semblent déjà avoir conduit à une scission organisationnelle entre les deux tendances. Si l’on en juge par l’histoire des insurrections en général et du mouvement djihadiste algérien en particulier, la prochaine étape logique semble être la confrontation physique entre les groupes rivaux – une perspective qui serait d’autant plus probable si, comme on le suppose généralement, la direction nationale d’AQMI est toujours basée dans le cœur historique de l’organisation dans les forêts et les montagnes de Kabylie, réparties dans les Wilayas de Tizi Ouzou, Bouira et Boumerdes, c’est-à-dire le territoire présumé de la Région Centrale.
Ambassador Edward M. Gabriel, Ret.
President and CEO
The Gabriel Company, LLC
1220 L Street NW, Suite 411
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Phone: +1 202.887.1113
Fax: +1 202.887.1115
Email: ed.gabriel@thegabrielco.com
Website: http://thegabrielco.com
[1] “El Âssemi” meaning “from the capital”, indicating that he hails from Algiers.
[2] Abou Slimane Khaled, Abou Abdallah Athmane [clearly the same individual as Abou Abdallah El Âssemi], Abou Meriem Abdallah, Abou Amama Yaacoub, Abou Houraïra Thabet, Abou Oussama Laayachi, Abou Khaled Abderrahmane and Abou Abdallah Lokmane, “together with all the mujahidin”.
[3] The list of signatories is slightly longer and more detailed than for the June 30 statement of allegiance, comprising: Abou Soheïb Oussama (Emir of the Central Region), Abou Abdallah Athmane (Qadi of the Central Region), Abou Amama Yaacoub (head of the Sharia Committee), Abou Slimane Khaled (head of the Military Committee), Abou Khaled Abderrahmane Zitouni (in charge of training), Abou Meriem Abdallah (in charge of arms manufacturing), Abou Houraïra Thabet (in charge of communications), Sheikh Ahmed (Treasurer), Abou El Fadl Oussama (in charge of media), Abou Oussama Laayachi (head of the medical department), Abou Youssef Abdelkahar (head of the Secretariat of the Central Region).
[4] Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat, or Salafist Group for Preaching and Struggle.
[5] Born in Algiers in 1967, joined the islamist insurgency as of 1993.
[6] The “Abou X” part of the pseudonym.
[7] Intriguingly, Abdelmalek Droudkel a.k.a. Abou Moussab Abdelouadoud, still nominally the national emir of AQMI, has not signed a communiqué since late 2012. He last appeared in a video message issued in early December 2012.
[8] Thaghr Al-Jaza’ir – the word thaghr in Islamic jurisprudence designating a zone situated between the territory ruled by the Muslim community or state and the lands of the infidels
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