Match Algérie-Maroc: Hommage aux Fennecs – Coupe Arabe, FIFA, demi-finale, Les Verts, Les Lions de l’Atlas,
L’équipe algérienne de football vient de battre son homologue du Maroc qui n’a pas démérité, après une prolongation pleine de suspense. Nous avons assisté à un match fair-play et, à travers certaines images, à un respect mutuel des joueurs des deux équipes, ce qui donne l’espoir d’un rapprochement inévitable entre les deux peuples. Pour l’instant, l’équipe nationale algérienne a disputé plusieurs matchs avec des victoires sans faille, montrant qu’avec une nouvelle gouvernance, loin des relations de clientélisme, l’Algérie peut surmonter sa crise multidimensionnelle actuelle.
L’équipe nationale réconcilie l’Algérie avec sa communauté émigrée
Rendons hommage à l’équipe nationale pour ce renouveau d’espoir suscité au profit exclusif de l’Algérie, qui permet à l’Algérie de se réconcilier avec elle-même en souhaitant que les prochains matchs se déroulent dans la sérénité et l’esprit sportif qui a toujours animé notre équipe nationale. Ce message d’espoir renoue avec la génération de ceux qui ont libéré le pays entre 1954/1962 et de celle de 1962 qui avait fêté l’Indépendance nationale en brandissant avec fierté le drapeau de l’Algérie. L’équipe nationale réconcilie également l’Algérie avec sa communauté émigrée, montrant qu’un Algérien sportif, intellectuel, ou opérateur économique, évoluant dans un autre environnement, loin des tracasseries bureaucratiques, s’épanouit. On ne peut faire revenir les « génies ».
Il ne faut pas se tromper de cible. L’on doit d’abord améliorer le sort de ceux qui sont sur place pour éviter également leur départ par leur revalorisation et surtout par la considération supposant un renversement des échelles de valeur reposant sur la morale, le savoir et non sur les rentes où hélas les pratiques sociales contredisent souvent les discours démagogiques de certains responsables. Cette mobilisation citoyenne est donc sans pareille et les autorités devraient la méditer. Eh oui, qui a dit que les Algériens n’aimaient pas leur pays puisque la leçon vient de jeunes qui donnent des leçons aux plus vieux.
La leçon que l’on peut tirer de cette jeunesse et des déclarations de l’entraîneur, qui dit tout haut ce que l’immense majorité des Algériens pensent tout bas, sans arrière-pensées, est que ce serait une grave erreur politique de certains partis politiques – pouvoir et opposition – ou de certaines personnes en mal de publicité de faire de cette mobilisation spontanée une adhésion à leur politique et s’il y a eu cette immense mobilisation, c’est que le politique est hors-jeu.
Urgence d’une refonte de l’État
Car, selon l’adage « l’espoir fait vivre », la majorité des Algériens s’attache, faute de mieux, avec la détérioration de leur niveau de vie sur le plan socio-économique, à des signes d’espoir et que la leçon des harragas témoigne d’une situation de désespoir que certains responsables malveillants tentent de banaliser alors qu’ils constituent un mal social profond.
Aussi, comment ne pas penser donc à l’avenir de cette jeunesse car l’Algérie dans 10 ans, c’est -à dire demain, avec une population qui dépassera 50 millions d’habitants, avec l’épuisement des ressources en hydrocarbures, l’âge moyen de nos filles et garçons d’environ 20 ans, auront 30 ans et entre temps ayant une exigence comme tout Algérien à un emploi, un logement, à se marier, avoir des enfants, donc une demande sociale croissante, donc une obligation, supposant de préparer l’ère de l’après-pétrole pour les générations futures.
Devant raisonner à moyen et long termes, loin des actions conjoncturelles, pour bénéficier véritablement de son intégration au marché international, le football algérien doit absolument construire un modèle dont la professionnalisation lui permettra de conserver ses meilleurs joueurs plus longtemps supposant des mécanismes de régulation qui arbitrent de manière plus équilibrée entre recherche du profit et les aléas des compétitions. Et quel que soit le résultat à la finale, l’équipe nationale aura réalisé ce qu’aucun gouvernement depuis des décennies n’a réussi, à réconcilier les Algériens avec eux-mêmes. Jamais de mémoire depuis l’Indépendance politique une fièvre de liesse populaire en faveur du drapeau national, dans les cafés bombés pour suivre les différentes rencontres, des immeubles, des maisons, des voitures, bus e camions décorés de drapeaux, n’a eu lieu, et ce de l’Est à l’Ouest en passant du Centre au Sud. Même pour les grandes fêtes nationales on n’a pas vu cela, fêtes ces dernières années inaugurées par des officiels au sein de salons climatisés, passées presque inaperçues.
Cela ne signifie pas que les Algériens n’accordent pas une importance aux importants anniversaires comme ceux du 5 Juillet ou du 1er novembre, mais ils les fêtent à leur manière, la plus sûre et la plus sincère, dans le coeur L’urgence est donc la refonte de l’état afin de réaliser la symbiose état-citoyens, d’éviter que la majorité des autres institutions étatiques bureaucratiques du sommet à la base, passant par une réelle décentralisation autour de grands pôles économiques régionaux. Or on assiste à des discours contradictoires d’autosatisfaction de certains responsables, facteurs de démobilisation, des partis politiques et des sociétés dites civiles vivant souvent du transfert de la rente, incapables de faire un travail de mobilisation et de contribuer significativement à la socialisation politique et à l’oeuvre du redressement national et, en cas de malaise social, laissent les forces de sécurité seules face à la population.
Un discours de vérité
La leçon principale que l’on peut tirer est que la population algérienne d’une manière générale et notre jeunesse d’une manière particulière (70 % de la population) est capable de miracles pour peu qu’on lui tienne un discours de vérité grâce à une nouvelle communication et une gouvernance rénovée, permettant une mobilisation citoyenne, condition pour le développement de l’Algérie, cette jeunesse dynamique bien plus importante que toutes les ressources en hydrocarbures.Car, le véritable patriotisme se mesurera à l’avenir par la contribution de chaque Algérien à l’accroissement de sa participation à la valeur ajoutée nationale et aux gouvernants une moralité sans faille.
En fait, la population algérienne à travers cette mobilisation demande plus de liberté, plus de justice sociale récompensant le travail et l’intelligence et non les rentes en contrepartie de soumissions de clientèles, en un mot un état de droit et la démocratie sans renier ses valeurs culturelles. Face à des mesures autoritaires bureaucratiques centralisées sans adhésion et concertation, la faiblesse de contrepoids politiques et économiques, la société enfante ses propres règles qui lui permettent de fonctionner expliquant la dominance de la sphère informelle dans la majorité des segments de la société, économique, politique, social et culturel. Or seuls le dialogue permanent, le respect du contrat gouvernants/gouvernés, la réorientation de la politique socio-économique conciliant l’efficacité économique et une profonde justice sociale, évitant ce manque de cohérence et de visibilité permettent le dépassement du statu quo et résoudre la crise multidimensionnelle. Aussi, il y a urgence de solutionner la crise économique, sur la base d’un dialogue productif afin d’éviter la déflagration sociale de ce qu’aucun patriote ne souhaite. Les derniers évènements et mesures biaisées montrent clairement que certains segments des pouvoirs publics (central et local), du fait de l’ancienne culture bureaucratique et administrative, n’ont pas une appréhension claire de l’essence de la crise actuelle. La lutte contre la corruption implique un véritable état de droit et une nouvelle
gouvernance si l’on veut la combattre efficacement alors qu’elle constitue le plus grand danger, pire que le terrorisme qu’a connu l’Algérie entre 1990 et 2000. Comme j’ai eu à l’affirmer dans plusieurs interventions nationales et internationales, le temps perdu en économie ne se rattrapant jamais, le statu quo conduisant inévitablement à l’épuisement des réserves de change et à de vives tensions sociales et donc sécuritaires. Notre jeunesse a montré une maturité sans faille, devant aller vers un climat apaisé avec des concessions de part et d’autre afin de dépasser l’entropie actuelle. Le dialogue productif, au profit exclusif de l’Algérie, assorti à une profonde réorientation de la politique socio-économique, tout projet étant forcément porté par des forces sociales, impliquant restructuration des partis et de la société civile sur la base de nouveaux réseaux, est la seule voie de sortie de la crise actuelle.
En conclusion, au vu des réalisations notamment de notre équipe nationale de football, je ne suis pas pessimiste vis-àvis de l’avenir de mon pays, l’Algérie éternelle, n’ayant pas d’autre patrie de rechange, gardant l’espoir du renouveau. L’Algérie a besoin qu’un regard critique et juste soit posé sur sa situation, sur ce qui a déjà été accompli de 1963 à 2021, et de ce qu’il s’agit d’accomplir encore au profit exclusif d’une patrie qui a besoin d se retrouver et de réunir tous ses enfants, en respectant les différentes sensibilités, autour d’un même projet, d’une même ambition et d’une même espérance ; le développement économique et social de l’Algérie.
Contribution de Abderrahmane Mebtoul, expert international et professeur des universités
Le Midi Libre, 13/12/2021
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