Algérie-Maroc: Bien plus qu’un simple match – FIFA, Coupe Arabe, CAN, Palestine, normalisation,
L’acharnement des deux équipes algérienne et marocaine à gagner le match qui les a opposées l’une à l’autre, samedi soir au Qatar, avait certes un objectif sportif majeur mais il cachait mal un sentiment profond de cet appel de l’Algérie de remettre la question palestinienne au centre de l’action commune arabe.
Ceci n’a rien d’une extrapolation insensée ou d’une élucubration passagère conséquence de 120 minutes d’affrontements intenses entre les Combattants du désert’ et les Lions de l’Atlas’. Un véritable derby maghrébin où les deux équipes ont mouillé leurs maillots jusqu’à la moelle. La conjoncture est devenue propice pour qu’Algériens et Marocains continuent et continueront pendant longtemps de se mesurer les uns aux autres en raison de dérives diplomatiques qui précipitent, désormais, l’Afrique du Nord dans un enchaînement de faits géopolitiques effrayants.
Le match Algérie-Maroc a ressemblé de très près à un match Algérie-France qui a été enflammé par toute la charge historique qui oppose les deux pays. Match à propos duquel le grand Omar Betrouni a fait savoir que le Président Houari Boumediène a envoyé son chef du protocole, Abdelmadjid Allahoum, dans les vestiaires pour dire aux joueurs algériens «il n’est pas question que la Marseillaise (hymne national français ndlr) retentit dans le stade du 5 juillet».
Comme pour convoquer l’histoire de «la Mecque des mouvements de libération», l’appel insistant de l’Algérie à remettre la question palestinienne au centre des préoccupations des Etats arabes a été traduit à la fin du match par l’explosion de la joie de milliers d’Algériens qui sont sortis dans les rues d’ici et d’ailleurs avec en main -grandeur nature- l’emblème national de la Palestine occupée. Parfois, on pouvait voir le drapeau palestinien flotter seul dans les airs sans le drapeau algérien, par la force de tous ceux qui ont voulu offrir cette victoire au peuple palestinien des territoires occupés, opprimé par l’entité sioniste. Justement, tout est dans cette forte symbolique qui départage profondément l’Algérie et le Maroc depuis que celui-ci a dévoilé officiellement son rapprochement de toujours avec les Israéliens.
L’action magique de M’bolhi
Sauf que pour cette fois, cet entrelacement des intérêts du royaume avec Israël fait peur tant il repose sur des visées d’un expansionnisme sioniste qui veut s’étaler du Moyen-Orient au Maghreb pour infiltrer et déstabiliser les Etats libres et souverains d’ici et atteindre les profondeurs de l’Afrique. Il est certes illusoire de croire que les services de renseignement du Mossad’ n’ont pas encore franchi ce stade puisque le statut de membre observateur qu’il a réussi à décrocher au sein de l’Union africaine, le 22 juillet dernier ne peut être un fait du hasard.
Les poulains de Madjid Bouguera ont arraché une victoire par un geste talentueux et une action magique de Mbolhi, l’homme qui a sauvé un match décisif sur tous les plans. A les voir courir dans tous les sens comme d’ailleurs tous les joueurs marocains, l’on ne peut s’empêcher de penser à tout cela, à ce maudit statut de l’entité sioniste dans l’institution panafricaine, au sommet de l’UA de février prochain et au sommet de la Ligue des Etats arabes qu’Alger va abriter en principe, au cours de la deuxième quinzaine de mars prochain, au nom d’un rôle tournant par ordre alphabétique des Etats membres.
Ce n’est pas pour rien d’ailleurs que Ramatane Lamamra a été le premier et le seul ministre du gouvernement d’Aymene Benabderrahmane à féliciter l’équipe algérienne pour son exploit sportif face à son homologue marocaine. «Félicitations à l’équipe nationale pour sa belle victoire et sa qualification méritée (…). Je suis très fier de nos jeunes, de leur remarquable prestation et leur esprit sportif de haut niveau. Je leur souhaite d’autres réussites durant ce qui reste de ce parcours (coupe arabe au Qatar ndlr)», a twitté le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, juste quelques minutes après la victoire algérienne.
A travers ce message, le chef de la diplomatie algérienne laisse indéniablement penser qu’il a, lui aussi, des tests complexes à réussir pour toutes ces questions complexes et cruciales les unes tout autant que les autres. Les menaces qui pèsent sur le Maghreb et l’Afrique ont été largement évoquées lors de la rencontre de la diplomatie algérienne qui s’est tenue les 8, 9 et 10 novembre derniers au palais de Nations, à Club des pins. Menaces qui visent en particulier à «affaiblir l’Algérie de l’intérieur», avait souligné le président de la République. Les manœuvres pour atteindre ce but, sont multiples et variées.
«Il n’y a pas de pays amis mais des intérêts à préserver»
Des guerres par procuration jusqu’à la guerre de 4ème génération, du Sahel, de la bande sahélo sahélienne à toutes les frontières nationales, rien ne rassure à ce sujet. Les influences étrangères et la prolifération des groupes terroristes au Mali et à la frontière sud du pays, le conflit libyen à l’est dont la complexité et la gravité engendrées et entretenues par les ingérences étrangères et leurs bras armés qui risquent de renvoyer aux calendes grecques la tenue des élections du 24 décembre et même celles de février prochain ou du moins les reporter à des dates ultérieures difficiles à fixer, les frontières ouest qui, en plus du déversement de quantités énormes de drogues produites par le royaume marocain sur les territoires algériens, sont scrutées par les services de renseignement israélien pour répandre des actions hostiles contre l’Algérie et le Front Polisario. Et enfin en face, la mer Méditerranée où les harraga et l’émigration en général et en particulier celle algérienne, sont mis au-devant de la scène politique européenne pour régler des comptes claniques et idéologiques et aussi et en réalité pour mener la vie dure à des pays comme l’Algérie qui refusera toujours de monnayer ses intérêts en se constituant comme le veut l’Europe, en tant que zone tampon pour faire barrage aux flux migratoires africains. Si de la voix de ses responsables, «l’Algérie doit s’engager fermement pour répondre aux manœuvres qui la visent», elle appelle avec insistance les pays arabes à recentrer leurs efforts sur la question palestinienne dont la solution pourrait régler tous les problèmes du monde arabe. «Le Sommet arabe est une occasion importante pour faire preuve de cet engagement collectif à la Cause palestinienne», affirment les diplomates algériens. Alger appelle à cet effet à la convocation de l’initiative arabe de paix qui reconnaît certes Israël mais sous la stricte condition d’un règlement du conflit israélo-arabe (Palestine, Syrie, Liban…), sur la base du principe de «la terre contre la paix».
En parallèle, elle interpelle régulièrement les Africains membres de l’UA pour s’engager à rétablir la paix et la sécurité dans les régions continentales en conflit et à se redresser face aux élans hégémonistes de la Cedeao. Elle œuvre tout autant pour siéger, durant une année, comme membre observateur au sein du Conseil de sécurité de l’ONU parce qu’elle se prépare sincèrement à travailler dur pour «renforcer le rôle de l’ONU, à travers l’exercice de ses responsabilités envers les peuples palestinien et sahraoui.
A ceux qui pensent, ici et ailleurs, que «l’ennemi des Arabes et des musulmans n’est plus l’entité sioniste mais l’Iran et le chiisme» doivent se rendre compte que la propagande israélienne a atteint un niveau de dangerosité sans pareil mettant ainsi en confrontation sanglante l’islam chiite et sunnite. Le cas de la guerre contre le Yémen en témoigne tragiquement. Avant toute chose, Lamamra devra recentrer tous ces débordements pour pouvoir agir efficacement dans un contexte miné par les retournements, la normalisation, la redéfinition des positions et des rôles, les trahisons et les fausses amitiés. «Il n’y a pas de pays amis mais il y a des intérêts à préserver», semble-t-il dire devant ces divisions intempestives des Etats arabes et musulmans et les ingérences étrangères.
Au milieu de tout ce marasme, on se permet une note d’optimisme à travers le fair-play dont ont fait preuve entre eux les joueurs algériens et marocains. Dans les tribunes du stade quatari, on voyait même mis côte à côte les drapeaux algérien et marocain…
Ceci même si en recevant le président de l’Autorité palestinienne, des responsables algériens sont convaincus que «chacun a choisi son camp».
Le Quotidien d’Oran, 13/12/2021
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