Algérie: Paris joue la carte de la mémoire – France, Guerre d’Algérie, Emmanuel Macron, colonisation,
LA FRANCE VA OUVRIR DES ARCHIVES SUR LA GUERRE D’ALGÉRIE
LA CARTE DU DOSSIER MÉMORIEL POUR DÉSAMORCER LA CRISE
Après la crise alimentée par les propos du président français Emmanuel Macron, Paris tente de recoller les morceaux avec Alger en annonçant l’ouverture prochaine des archives sur «les enquêtes judiciaires» de la guerre d’Algérie, qui devront lever le voile sur le sort réservé aux centaines de militants de la guerre de libération emprisonnés, torturés ou exécutés par l’armée coloniale française. C’est ce qu’a annoncé hier la ministre française de la culture, Roselyne Bachelot.
A travers cette annonce, qui intervient au lendemain de la visite en Algérie du chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, la France joue la carte du dossier de la mémoire, considéré comme une priorité par l’Etat algérien et figurant en tête des dossiers bilatéraux, pour tenter d’apaiser les relations diplomatiques avec Alger et désamorcer une crise d’une rare gravité entre les deux pays en cours depuis plusieurs mois.
«Je veux que sur cette question, qui est troublante, irritante, où il y a des falsificateurs de l’Histoire à l’œuvre, soit regarder en face. On ne construit pas un roman national sur un mensonge», a argué la ministre, qui a dans son périmètre la question des archives, près de soixante ans après la fin du conflit et alors que la relation franco-algérienne.
Après avoir annoncé l’ouverture avec quinze ans d’avance les archives sur les enquêtes judiciaires de gendarmerie et de police en rapport avec la guerre d’Algérie (1954-1962), conservées aux Archives nationales d’Outre-mer à Aix-en-Provence, Mme Bachelet a estimé que la France a des choses à reconstruire avec l’Algérie, mais qui ne pourront se reconstruire que sur la vérité.
«C’est la falsification qui amène toutes les errances, tous les troubles et toutes les haines. A partir du moment où les faits sont sur la table, où ils sont reconnus, où ils sont analysés, c’est à partir de ce moment-là qu’on peut construire une autre histoire, une réconciliation». Interrogée sur les conséquences de cette décision, notamment sur la possible confirmation à venir d’actes de torture commis par l’armée française en Algérie, Mme Bachelot a déclaré que «c’est l’intérêt du pays que de le reconnaître».
Le 9 mars 2021, le président français avait «pris la décision de permettre aux services d’archives de procéder aux déclassifications des documents couverts par le secret de la défense nationale (…) jusqu’aux dossiers de l’année 1970 incluse. Cette décision sera de nature à écourter sensiblement les délais d’attente liés à la procédure de déclassification, s’agissant notamment des documents relatifs à la guerre d’Algérie. Peu avant, Emmanuel Macron avait reconnu, «au nom de la France», la torture et l’assassinat de l’avocat et dirigeant nationaliste Ali Boumendjel et du mathématicien et militant Maurice Audin par l’armée française pendant la guerre d’Algérie en 1957. Ces gestes d’apaisement étaient recommandés dans le rapport remis à Emmanuel Macron le 20 janvier par l’historien Benjamin Stora dans le but de «réconcilier les mémoires» et de « regarder l’histoire en face».
La lecture du rapport remis par Benjamin Stora au chef de l’Etat français, qui lui a confié en juillet 2020 une mission de conseil sur les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie, a été perçue comme « décevante » en Algérie. Il est notamment reproché à ce rapport, de 146 pages, de foisonner beaucoup plus des gestes symboliques, d’approches plus événementielles ou commémoratives que d’une réelle volonté de faire éclater la vérité ou les vérités ou de rétablir les droits. Le colonisé et le colonisateur pour Stora sont situés au même niveau. Rappelant que pour les autorités algériennes, l’excellence des relations bilatérales entre Alger et Paris est tributaire des
rapports historiques et de la question mémorielle, lesquels ne pourront faire l’objet d’une quelconque concession.
Mohamed Mecelti
Le Jeune Indépendant, 11/12/2021
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