Israël, normalisation, accord de sécurité, défense – Maroc: L’équivalent d’une « déclaration de guerre » à l’Algérie
Le royaume chérifien semble avoir identifié l’Algérie comme l’ennemi à abattre et s’est ligué avec Israël pour atteindre cet objectif. Tel-Aviv a des visées plus grandes et entend profiter de l’opportunité pour se servir directement des richesses de la région.
Le Maroc est donc passé à l’acte. Après avoir normalisé ses relations diplomatiques avec Israël, voilà qu’il invite son ministre de la Défense, Benny Gantz. Au menu de la visite, la signature d’un accord-cadre qui doit « renforcer la coopération sécuritaire entre les services de renseignement marocains et israéliens ». Contre quel ennemi ? Le Maroc a deux courtes frontières avec le Sahara occidentale et l’Espagne, mais une très longue avec l’Algérie.
Dans le cas du Sahara occidentale, il est en conflit de décolonisation depuis quarante-six ans. Le dossier est d’ailleurs sur la table de l’Onu et les territoires en litige sont sous sa protection jusqu’à ce qu’une solution satisfaisante intervienne entre la République arabe sahraoui (RASD) et Rabat.
Avec l’Espagne, les relations marocaines paraissent stables et sans accrocs, hormis l’épisode de l’envahissement de l’enclave de Ceuta, en mai dernier, par 8 000 immigrants illégaux, dont 1 500 mineurs, en provenance du royaume chérifien. La ville qui, comme Mellila, est située sur son territoire fait partie intégrante de l’Espagne et constitue le seul point d’entrée terrestre de l’UE dans le continent africain. Elle est défendue non seulement par les autorités ibériques mais aussi par la législation européenne. Autrement dit, le partenariat israélo-marocain n’a pas pour objectif la libération de ces deux vestiges coloniaux d’un autre siècle qui pourrait éventuellement opposer l’armée de Mohamed 6 à celles des Etats européens.
Le pays visé
Il apparaît donc clairement que le pays visé par le rapprochement stratégique entre le Makhzen et Tel-Aviv est à priori uniquement l’Algérie. Les deux pays voisins sont en froid depuis près cinquante-huit ans lorsque, les troupes de Hassan II avaient envahi le sud-ouest de l’Algérie avec l’intention de l’annexer. Le souvenir de cette guerre est un traumatisme jamais refoulé par les Algériens qui venaient d’acquérir leur indépendance à l’issue d’une lutte sanglante contre la colonisation française.
Cette blessure s’est de nouveau ouverte lorsque le monarque a rejoué un nouvel épisode expansionniste contre un peuple qui venait de reprendre sa liberté. Idéologiquement et par principe opposée à l’écrasement des peuples faibles par de plus puissants, l’Algérie s’est naturellement rangée du côté de l’opprimé. Depuis, les relations entre les deux Etat voisins ne se sont jamais bien portées. Mais hormis les deux batailles-éclair d’Amgala en 1976 aucun affrontement armé n’a eu lieu entre les deux pays. Il est vrai que ceux-ci se sont mutuellement accusés d’attitude hostile à différentes périodes sauf que cela n’a pas affecté leur bon voisinage.
Multiples provocations
Toutefois, depuis quelques mois, les plus hautes autorités marocaines ont multiplié les provocations contre l’Algérie allant jusqu’à soutenir un mouvement séparatiste qui cherche à faire sécession dans une région sensible du pays. La presse internationale a, d’autre part, révélé qu’elles espionnaient, via le programme israélien Pegasus, des milliers de responsables et personnalités algériennes. Du coup, Alger a riposté en rompant ses relations avec Rabat et refusé de renouveler le contrat gazier dont le Maroc tirer de nombreux bénéfices.
Quelques semaines plus tard, les autorités algériennes ont pointé officiellement du doigt la monarchie dans l’affaire du bombardement par des drones tueurs de camionneurs civil algériens qui se dirigeaient vers la Mauritanie pour des raisons commerciales.
C’est dans cette atmosphère que le palais royal a décidé de mettre la main dans la main d’une tierce partie considérée par l’Algérie et de toute l’opinion arabe comme un ennemi mortel. Cette crainte est maintenant confirmée puisque l’Etat hébreu engage un face-à-face direct avec un des principaux soutiens de la cause palestinienne et, grâce à l’entente qu’il vient de signer avec le Maroc, peut même piloter contre lui des actions armées.
Collusion d’intérêts géostratégiques
En somme, les collusions des intérêts géostratégiques entre Mohamed 6 et Naftali Bennett sont en train de prendre l’allure d’une déclaration de guerre contre l’Algérie. Mais, peut-on se demander, que gagne Israël d’une telle entente ? Il est clair qu’une pression physique sur l’Algérie pour la pousser à abandonner les Palestiniens et, éventuellement, normaliser à son tour ses relations avec l’Etat sioniste peut constituer un gain considérable. Sauf que Tel-Aviv à d’autres visées plus lointaines : s’ouvrir des marchés en Afrique, notamment pour son armement, et se servir des richesses naturelles abondantes dans ce continent.
Le pétrole découvert à Dakhla, en territoire sahraoui occupé, doit aiguiser bien des appétits dont celui des Israéliens. Il y a aussi le phosphate dont le Maroc possède 70% des réserves mondiales. Cette matière qui se raréfie dans le monde est appelée à devenir une ressource stratégique pour la sécurité alimentaire mondiale car étant un composant essentiel dans la fabrication des fertilisants.
Loin des considérations purement politiques, Israël à l’œil grand ouvert sur la manne du Maghreb et, en premier lieu, celle qui se trouve au Maroc et dans la RASD. C’est ce qu’a exprimé le Coordinateur général de l’Instance marocaine de soutien aux causes de la Oumma, le Marocain Fathi Abdessamad qui a dénoncé la visite de Benny Gantz à son pays. « La normalisation avec l’entité sioniste implique deux dangers extrêmes, sans compter les répercussions sur la question palestinienne et la sécurité nationale », a écrit l’activiste sur sa page Facebook. Selon lui, cette incursion nuit « à la sécurité du Maroc et à sa stabilité, car il s’agit de la normalisation avec une entité d’occupation qui a un projet expansionniste ». Il a estimé « cela relève de la pure ineptie que le régime du Makhzen confie son armée à l’entité sioniste, ce serait de la haute trahison à l’encontre de la religion et de la Patrie ».
Abdessamed estime qu’Israël « n’hésitera pas à embraser la région à travers la vente d’armes et l’affaiblissement des Etats ». Tel-Aviv « veut utiliser le Maroc pour contracter des alliances militaires qui ne la concernent pas et régler ses comptes avec les Etats maghrébins au détriment de la sécurité et de la stabilité du Royaume marocain ».
Ali Younsi-Massi
La Nation, 29/11/2021
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