Deuxième année de guerre au Sahara occidental

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La guerre au Sahara occidental entre samedi dans sa deuxième année consécutive, après la rupture par le Royaume du Maroc du cessez-le-feu avec le Front Polisario, à la suite de l’agression militaire menée, le 13 novembre 2020, par les forces de l’occupation dans la zone tampon d’El-Guerguerat, dans le sud-ouest de la dernière colonie d’Afrique.

Entré en vigueur le 6 septembre 1991 pour mettre fin à un conflit militaire de plus de seize ans entre le Front Polisario qui lutte pour l’indépendance du Sahara occidental, et le Maroc, le cessez-le-feu a été finalement rompu le 13 novembre de l’année dernière par Rabat. Des forces marocaines ont agressé des civils sahraouis venant réclamer la fermeture d’une brèche illégale érigée dans la zone tampon d’El-Guerguerat, en violation de la trêve.

L’agression d’El-Guerguerat qui n’était, selon les responsables sahraouis, que le paroxysme de l’entêtement du Maroc et sa défiance pour la communauté internationale durant près de trente ans, a replongé le territoire sahraoui dans une guerre s’avérant au fil des mois largement en défaveur du Maroc, et avait suscité, rappelle-t-on, un tollé international. Il s’agit aussi d’une opération qui constitue une violation flagrante de l’accord militaire n.1 signé entre le Front Polisario et le Royaume du Maroc, sous la supervision des Nations unies, en application de la résolution 690 du Conseil de sécurité de 1991 pour l’organisation d’un référendum d’autodétermination du peuple sahraoui.

Ainsi, la situation se tend de nouveau au Sahara occidental. Et le Front Polisario a annoncé le jour du lancement de l’agression marocaine, la fin de son engagement vis-à-vis du cessez-le-feu. « La guerre a commencé », avait déclaré Mohamed Salem Ould Salek, chef de la diplomatie de la République arabe sahraouie démocratique (RASD).

« Le Maroc a liquidé le cessez-le-feu », avait-il dénoncé en réaction à l’opération militaire lancée par le Maroc dans la zone tampon d’El-Guerguerat, à l’extrême sud-ouest de l’ancienne colonie espagnole au statut encore non défini. Depuis le 13 novembre 2020, le Maroc subit des pertes humaines et matérielles infligées par l’armée sahraouie qui publie quotidiennement, depuis la reprise des hostilités, des communiqués dans lesquels elle indique les sites qu’elle a ciblés par ses tirs alors que l’armée de l’occupation adopte une politique de blackout médiatique.

Une « source informée marocaine » a même avancé il y a quelques jours à l’AFP que six soldats des Forces royales marocaines (FAR) ont été tués par des tirs sahraouis.

Le Maroc dans l’embarras

La décision du Front Polisario de reprendre la lutte armée pour libérer les territoires sahraouis occupés a brouillé les cartes du Royaume marocain qui se trouve actuellement « dans l’embarras », d’après des experts en sécurité. Depuis le 13 novembre également, le régime marocain essuie de nombreux revers surtout après la « normalisation », un mois plus tard, de ses relations avec Israël en échange d’une reconnaissance par l’ex-président des Etats-Unis, Donald Trump, de la prétendue « souveraineté » du Royaume sur le Sahara occidental.

Le Maroc croyait que c’était acquis et que les pays allaient multiplier leur adhésion à ce schéma mais ce n’est pas le cas. L’administration Biden a ainsi dit soutenir un processus politique « crédible » au Sahara occidental, qui sera conduit par les Nations unies en vue de concrétiser la stabilité dans la région.

D’ailleurs, toutes les organisations internationales ne reconnaissent au Maroc aucune souveraineté sur le Sahara occidental, dont la Cour internationale de justice (CIJ) et la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Cette dernière avait reconnu en 2016 et 2018 que le Maroc et le Sahara occidental sont deux territoires « distincts » et « séparés ».

Et fin septembre, le Tribunal de l’Union européenne a annulé deux accords sur la pêche et l’agriculture liant le Maroc à l’Union européenne (UE) et étendus au Sahara occidental occupé, ce qui constitue une énième gifle à Rabat et une victoire triomphale pour le peuple sahraoui. Cependant, les efforts visant à parvenir à une solution juste, durable et mutuellement acceptable piétinent, notamment après le vote par le Conseil de sécurité d’une résolution de prorogation du mandat de la Minurso (Mission des Nations unies pour le référendum au Sahara occidental), vivement critiquée et jugée partiale par plusieurs membres du Conseil de sécurité.

La résolution est ainsi qualifiée d' »échec » par les Sahraouis du fait qu’elle ne contient pas de mesures pratiques devant assurer la pleine mise en œuvre du mandat pour lequel a été créée la Minurso en vertu de la résolution 690 (1991) du Conseil de sécurité.

L’entière responsabilité de cet échec est imputée au Conseil de sécurité qui « n’a pas levé le petit doigt pour traiter l’impact de la violation marocaine de l’accord de cessez-le-feu comme si rien de grave ne s’était produit », selon les propos tenus récemment par le représentant du Front Polisario et coordinateur avec la Minurso, Sidi Mohamed Omar.

C’est ainsi que Sidi Mohamed Omar a exclu pour le moment « un nouveau cessez-le-feu » tant que l’occupant marocain poursuit ses tentatives d’imposer le statu quo de colonisation par la force sur les territoires occupés de la République sahraouie.

L’attention se tourne à présent vers le nouvel envoyé personnel du SG de l’ONU, l’Italo-Suédois Staffan de Mistura, qui a pris ses fonctions le 1er novembre, même si, pour le Front Polisario, la désignation d’un nouvel émissaire n' »est pas une fin en soi », puisque son rôle est de « faciliter un processus de paix vigoureux et limité dans le temps qui conduit à l’exercice libre et démocratique par le peuple sahraoui de son droit inaliénable à l’autodétermination et à l’indépendance ».

Dans ce sillage, les appels se multiplient pour l’abandon des tables rondes jugées inefficaces et la reprise d’un « dialogue direct » entre le Front Polisario et le Maroc, seule voie à même de parvenir à un règlement juste et durable à un conflit qui n’a que trop duré.

APS


Réaction d’Oxfam suite au premier anniversaire de l’effondrement du cessez-le-feu au Sahara Occidental

Un an après l’effondrement d’une trêve qui avait duré 29 ans entre le Front Polisario et le Maroc, Oxfam appelle toutes les parties à immédiatement reprendre les pourparlers de paix. La récente escalade de violence au Sahara occidental menace la stabilité régionale et expose les réfugiés sahraouis, bloqués dans des camps situés dans le désert algérien depuis plus de 45 ans, à de graves conséquences.

Oxfam salue la nomination en octobre dernier, attendue depuis longtemps, du nouvel Envoyé personnel des Nations Unies pour le Sahara Occidental, Staffan de Mistura et demande à la communauté internationale de soutenir activement le processus de paix mené par l’ONU et à y inclure la société civile, en particulier les organisations de femmes et de jeunes.

En renouvelant le mandat de la MINURSO, le Conseil de Sécurité des Nations Unies réaffirme son engagement en faveur d’une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, qui assurera l’autodétermination du peuple du Sahara Occidental conformément au droit international, soutenu par de multiples résolutions adoptées par le Conseil de Sécurité et l’Assemblée Générale des Nations Unies.

Oxfam en Algérie opère dans les camps de réfugiés sahraouis aux côtés d’organisations partenaires locales depuis le début de la crise en 1975.  Chaque jour, nous voyons comment les communautés souffrent et perdent espoir en leur avenir alors que les efforts pour une paix inclusive et durable ont échoué. Aujourd’hui, les taux de malnutrition sont à la hausse et 94% des plus de 173 000 réfugiés sahraouis dépendent de l’aide humanitaire pour répondre à leurs besoins de base tels que l’accès à la nourriture, à l’eau et à un logement décent. Après avoir abandonné les réfugiés sahraouis pendant bien trop longtemps, il est temps pour la communauté internationale de se tenir aux côtés des réfugiés sahraouis et de veiller à ce que leurs droits, leur dignité et leur avenir soient protégés.

OXFAM, 12/11/2021


Sahara occidental: les mines et le mur de sable, un obstacle pour la paix

ALGER – Le mur de sable construit par le Maroc dans les années 1980, lequel a été étendu et cerclé par des milliers de mines plantées après la reprise de la lutte armée au Sahara occidental, constitue un obstacle aux efforts pour l’instauration de la paix et un réel danger pour la vie des civils sahraouis mais aussi pour l’ensemble de la région.

Le mur qui longe sur 2700 km et une hauteur de trois mètres, a causé l’éloignement des familles vivant des deux côtés du mur et affecté la vie des bédouins nomades qui ont perdu de vastes zones de pâturage, source de nourriture végétale et hydrique pour leur bétail.

Dans ce contexte, le chef de l’Association sahraouie des victimes des mines, Aziz Haidar a déclaré à l’APS que les milliers de mines que les forces d’occupation marocaines ont plantées tout le long du nouveau mur construit dans la zone tampon d’El Guerguerat dans le sud-ouest du Sahara occidental représentent un « réel danger » pour la vie humaine.

Alors que ces mines éparpillées sur toute la zone ont fait des milliers de morts et de blessés, l’ONU a exprimé ses craintes en raison de leur propagation, tandis que le Front Polisario, à travers la campagne internationale contre le mur d’occupation marocain au Sahara occidental, a condamné sa « dangerosité », en tant que plus grand champ de mines dans le monde, « sur lequel se trouvent 10 millions de mines de divers types et tailles (antipersonnel et antichar), en plus de grandes quantités de restes d’explosifs de guerre et d’armes à sous-munitions ».        

En octobre 2020, la Mission des Nations unies pour le référendum au Sahara occidental (Minurso) avait repris ses actions relatives aux mines à l’est du mur de sable après un arrêt en raison de la pandémie de Covid-19. Mais au terme de cinq semaines d’opérations seulement, les activités ont de nouveau été arrêtées à cause des hostilités.

Les mines et le mur, un danger pour toute la région

A ce propos, un membre du Bureau sahraoui de coordination de l’action contre les mines, Ghaith al-Nah, a expliqué que le peuple sahraoui ne connaissait pas les mines pendant la période coloniale espagnole, jusqu’à l’invasion marocaine du Sahara occidental qui a fait la première victime sahraouie en 1975.

« Lorsque l’armée d’occupation marocaine a compris que la victoire était impossible en 1980, elle a construit le mur de sable et a planté des mines tout au long de celui-ci », a-t-il ajouté, soutenant que « tout le peuple sahraoui est victime de ces mines, côté est ou ouest du mur ».

Selon l’orateur, l’occupation a posé environ 20 mines pour chaque individu sahraoui (fabriquées par 14 pays et 125 entreprises), soulignant que les mines et le mur n’affectent pas seulement les Sahraouis mais tous les habitants de la région, que ce soit en Mauritanie ou en Algérie et contribuent à « entraver les efforts internationaux ».

« Cela empêche la réalisation de l’intégration maghrébine et l’échange africain, sans parler de la privation du peuple sahraoui de profiter de ses richesses, de cultiver ses terres et d’exploiter son eau », a estimé M. al-Nah.

Selon le responsable, plus de 2500 Sahraouis ont été blessés depuis 1975 jusqu’à aujourd’hui, précisant que « ces chiffres n’incluent pas le nombre de morts par les mines qui reste inconnu ».

Après la rupture du cessez-le-feu en novembre 2020, le Maroc a construit un nouveau mur dans la zone tampon d’El Guerguerat, s’étendant de l’ancien mur de sable à la frontière mauritanienne, sur une distance d’environ 5 km.

Il y a planté des milliers de mines et placé des barbelés pour empêcher les Sahraouis d’entrer dans la zone que le Maroc utilise comme point de passage pour les camions transportant des marchandises en provenance des zones occupées.

A cet égard, il a indiqué que beaucoup d’efforts doivent être fournis pour détruire les nouvelles mines posées par l’occupant, rappelant que le Front Polisario avait préalablement détruit 20493 mines.

Si la République arabe sahraouie démocratique (RASD) a fait preuve de responsabilité et d’un fort attachement à ses engagements liés à l’élimination des mines et des engins non explosés, le Maroc insiste sur son refus de signer le « Traité d’Ottawa » sur l’interdiction d’utilisation, de stockage, de production, de transfert et de destruction des mines antipersonnel, ainsi que la Convention sur les armes à sous-munitions.

L’impact d’une escalade sur la région

Dans les villes sahraouies occupées, fermées à la presse et aux observateurs internationaux, la situation a connu une rapide détérioration du fait de la répression des civils sahraouis à grande échelle par les forces de l’occupation. A Laâyoune, Dakhla, Smara comme à Boujdour, les droits les plus élémentaires des Sahraouis sont ainsi bafoués.

Avant le retour des hostilités au Sahara occidental, des spécialistes avaient mis en garde contre les graves retombées pouvant découler de toute escalade sur la paix et la stabilité dans la région. Ils avaient prévenu également contre la réapparition d’un nouveau foyer de crise dans une région sahélo-saharienne déjà très volatile.

L’expansion et l’agression marocaines visant à modifier les frontières internationalement reconnues, « sont la cause de la guerre et de l’instabilité dans la région du Nord-Ouest de l’Afrique », selon le Collectif des Associations de la communauté sahraouie en France et Europe du Nord.

Pour le collectif, l’utilisation de la brèche illégale d’El Guerguerat, pour le pillage illégal des ressources naturelles du Sahara occidental, et la facilitation de l’entrée de grandes quantités de drogues sur le marché africain, exposent sa jeunesse aux ravages de sa consommation, et compromettent par la même occasion, non seulement le développement de l’Afrique mais aussi la construction et l’intégration du Maghreb.

Cette voie illégale de trafic représente par ailleurs « un danger pour l’Europe, sans parler des moyens de chantage au terrorisme et à l’immigration, qu’elle offre au Maroc ».

APS, 12/11/2021

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