Ross dénonce une campagne d’insultes de la part de Marocains. Christopher Ross a déclaré le mois dernier que c’était l’attitude marocaine qui a poussé les émissaires de l’ONU à jeter l’éponge, dont James Baker.
C’était prévisible. Après les récents témoignages sur sa mission en tant qu’envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU de 2009 à 2017, l’Américain Christopher Ross a fait l’objet d’une vulgaire campagne d’insultes et d’injures orchestrée par le Makhzen. Le témoignage de Ross démontrait clairement les manœuvres du palais royal, ses louvoiements et ses mensonges sur la question sahraouie, ainsi que ses pertes de temps délibérés, avec l’aide de la France, durant le processus de négociations en vue d’aboutir à l’organisation d’un référendum d’autodétermination.
Ces commentaires d’une extrême vulgarité, dont certains ont été cités par M. Ross, interviennent en réaction à une publication dans laquelle il a notamment imputé au Maroc la responsabilité du blocage des efforts visant à inclure la surveillance des droits de l’homme dans le mandat de la Mission des Nations unies pour le référendum au Sahara occidental (Minurso).
Hier, alors que la question du Sahara occidental fait l’objet d’intenses débats au Conseil de sécurité pour adopter une résolution sur la prolongation de la mission de la Minurso et, probablement, l’élargissement de ses prérogatives, notamment concernant l’observation des droits de l’homme dans le territoire occupé, l’ancien diplomate onusien a dénoncé des insultes “vulgaires” proférées à son encontre par des Marocains à cause de ses positions sur le conflit dans ce territoire non autonome. Il a, par la même occasion, réitéré son soutien au droit du peuple sahraoui à l’autodétermination.
“Je ne cesse d’être étonné par les commentaires des internautes marocains quand ils lisent quelque chose qui ne reflète pas entièrement leur pensée et celle de leur gouvernement sur le Sahara occidental”, a écrit Christopher Ross sur son compte Facebook, déplorant “des attaques personnelles vulgaires”.
“De nombreux commentateurs ont choisi d’ignorer que le sujet principal était les droits de l’homme”, s’est-il offusqué, relevant que sa principale préoccupation est que le plan de règlement au Sahara occidental “soit le résultat de véritables négociations entre le Maroc et le Front Polisario, les deux parties engagées dans ce conflit depuis 1975, conformément aux résolutions successives du Conseil de sécurité”.
“En d’autres termes, mon intérêt porte sur l’intégrité du processus de négociation, et non sur son résultat”, a-t-il assuré.
A cet égard, l’ancien envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU pour le Sahara occidental a tenu à souligner trois réalités que toute négociation doit prendre en compte pour être véritablement authentique.
Il a rappelé que “le Sahara occidental est un territoire non autonome séparé du Maroc, comme l’attestent la Cour internationale de justice, les plus hautes juridictions européennes, le secrétariat et les agences de l’ONU, et la plupart des pays du monde”, assurant que “la proclamation de l’ancien président américain Donald Trump n’a rien fait pour changer cette réalité”.
Dans sa publication, Christopher Ross tient également à préciser qu’une “population identifiable de Sahraouis ayant des liens autochtones clairs avec ce territoire existe (…)”, rappelant que “l’identification par la Minurso des personnes ayant le droit de voter lors d’un référendum était dans sa phase finale en 2000 lorsque le Maroc s’est retiré du processus” de règlement.
Enfin, Christopher Ross a signalé que la population sahraouie “a un droit internationalement reconnu de participer à la détermination de son avenir par une certaine forme d’autodétermination”.
“Les internautes marocains vont sûrement rejeter ces trois réalités. Ce n’est pas une surprise, puisqu’elles ne correspondent pas à la pensée marocaine et qu’il n’est pas possible (…) d’avoir une discussion raisonnée sur le Sahara occidental au Maroc”, a-t-il regretté.
Pour rappel, dans un long tweet, le diplomate américain a surtout imputé l’impasse actuelle dans l’ancienne colonie espagnole aux manœuvres du royaume marocain, préconisant notamment une nouvelle approche pour le nouvel envoyé spécial, qui vient d’être nommé récemment.
Il a également expliqué la nécessité de revoir la mission et le rôle de la Minurso, qui ne devrait pas se limiter à des tâches de déminage ou de surveillance du cessez-le-feu, mais à élargir son travail à l’observation des atteintes aux droits de l’homme, notamment chez les populations civiles sahraouies.
Christopher Ross a évoqué, dans son témoignage, son rôle à l’époque, à savoir celui de faciliter les négociations entre le Polisario et Rabat, dont les positions étaient opposées. Il a expliqué comment le Maroc refuse l’organisation d’un référendum d’autodétermination en maintenant seulement son plan de l’autonomie, car il sait que le résultat serait pour l’indépendance du territoire.
Selon Ross, la proposition d’inclure une mission de protection des droits de l’homme à la Minurso, faite en 2000, a été rejetée sans aucune raison. Il a indiqué que Rabat sait très bien que cette proposition serait également fatale pour son régime car elle permettrait de découvrir sa répression, ses violations et ses dépassements.
Il a estimé que les Nations unies se doivent de revoir les missions de la Minurso, d’inclure la protection des droits de l’homme dans le territoire et de donner de larges prérogatives au nouveau envoyé spécial.
Pour rappel, Christopher Ross a déclaré le mois dernier que c’était l’attitude marocaine qui a poussé les émissaires de l’ONU à jeter l’éponge, dont James Baker, lequel a démissionné en 2004 lorsque le palais royal a annoncé son plan d’occupation de facto alors qu’il avait accepté la solution de cessez-le-feu et un référendum en 1991.
Par Mohamed Kouini
Le Jeune Indépendant, 28/10/2021