Un des articles derrière la plainte du Maroc contre L’Humanité

Un des articles derrière la plainte du Maroc contre L’Humanité. Cybersurveillance. Au Maroc, les yeux du pouvoir font aussi les profits de sociétés européennes.

Son titre : « Cybersurveillance. Au Maroc, les yeux du pouvoir font aussi les profits de sociétés européennes ». Il a été rédigé par la journaliste franco-algérienne Rosa Moussaoui, considéré au Maroc comme ennemi juré du Makhzen, le pouvoir profond qui dirige le royaume. Il fait partis des articles cités dans la plainte déposé par les autorités marocaines contre le journal communiste L’Humanité.

Cybersurveillance. Au Maroc, les yeux du pouvoir font aussi les profits de sociétés européennes
Vendredi 30 Juillet 2021
Rosa Moussaoui
Le royaume use depuis longtemps, contre journalistes et opposants, des outils de cybersurveillance que des entreprises européennes ont complaisamment mis à sa disposition.

Qu’il paraît loin, le temps des mouchards, des moukhabarat trop voyants et des concierges fouillant les poubelles en quête de documents ou de déchets compromettants… Les révélations de Forbidden Stories, d’Amnesty International et d’un consortium de 17 médias internationaux sur le système d’espionnage mondial développé par la société israélienne NSO ont mis en lumière, s’agissant du Maroc, le recours à des techniques très sophistiquées de cybersurveillance, par-delà les frontières. Mais, à l’intérieur du pays, les yeux du pouvoir scrutent depuis bien longtemps les moindres recoins de la vie des journalistes, des opposants, des défenseurs des droits humains, en recourant à des outils numériques qui se sont adaptés en permanence aux parades mises en place par les cibles pour se prémunir de ces intrusions.

Mena Media Consulting était en réalité une société de surveillance

En fait, le pouvoir et sa police ont investi ce terrain stratégique voilà bientôt deux décennies. Dès 2004, un Saoudien, Othmane Al Omeir, connu pour ses amitiés royales et pour ses interviews, calées par Riyad, de George Bush, Margaret Thatcher ou Jacques Chirac, fondait, au Maroc, une société baptisée Mena Media Consulting, passée, ensuite, entre les mains de Fouad El Himma, ami intime et influent conseiller de Mohammed VI. « Il s’agissait alors de créer un écosystème médiatique pour contrecarrer le traitement par la presse indépendante des réalités marocaines », se souvient Aboubakr Jamaï, fondateur du Journal, un titre emblématique fermé par le pouvoir en 2010, cible dans son exil français du logiciel espion Pegasus. Mais cette entreprise ne s’en tenait pas aux activités de conseil en communication et en relations publiques mentionnées sur ses cartes de visite. Elle était en contrat avec le ministère de l’Intérieur pour des missions de surveillance sur les réseaux sociaux. Un expert marocain, familier des stratégies numériques, avance sous couvert d’anonymat que Mena Media Consulting « outrepassait la simple agrégation d’informations publiques » pour procéder à « du fichage et du profiling des activistes s’exprimant sur des blogs et des réseaux sociaux ». Dans un article publié en 2015, le journaliste Omar Radi, qui purge actuellement une peine de six ans de prison, avait, lui, épinglé cette entreprise pour son fonctionnement opaque et ses « ardoises fiscales ».

Mena Media Consulting a opéré pour le ministère de l’Intérieur au moins jusqu’en 2014, date à laquelle le français Digimind, spécialisé, entre autres, dans la « social media intelligence », et qui se flatte de disposer d’une « technologie inégalée, facilitant l’écoute et l’analyse du Web et des réseaux sociaux », était pressenti pour reprendre ces activités. Contactée par l’Humanité, cette entreprise confirme aujourd’hui qu’elle est implantée à Rabat pour des activités de « veille stratégique sur Internet et sur les réseaux sociaux », tout en assurant qu’elle ne peut pas « donner de détails sur les activités de (ses) clients, qu’ils soient privés ou publics ».

Cette externalisation des activités de surveillance dans les espaces virtuels est contemporaine des efforts déployés sous le règne du sulfureux Abdellatif Hammouchi, qui cumule depuis 2015 les fonctions de directeur général de la Direction générale de la sûreté nationale et celles de patron de la Direction générale de la surveillance du territoire, pour doter l’appareil sécuritaire de nouvelles armes technologiques. En se posant en partenaire incontournable de la France et de l’Union européenne sur le terrain de la lutte antiterroriste, cet homme fort du régime a concentré entre ses mains un pouvoir démesuré. Et des outils de cybersurveillance, de piratage, d’intimidation et de répression que ses services ont massivement retournés, dès 2011, contre la presse indépendante et l’opposition.

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