Tunisie : le dialogue national ne sera pas Carthage 3

Tunisie : le dialogue national ne sera pas Carthage 3. Le dialogue national passe enfin au premier plan de la scène politique tunisienne, mais sous une forme à laquelle la classe politique ne s’attendait sûrement pas.

Le dialogue national en Tunisie, que bien des bords, nationaux et étrangers, appelaient depuis le 25 Juillet de leurs vœux, passe enfin au premier plan de la scène politique tunisienne, mais sous une forme à laquelle la classe politique ne s’attendait sûrement pas. Abordant la question, à l’ouverture de la rencontre au siège de la présidence, le président Saïed dit sans plus tarder ce que ce dialogue ne sera pas. Il ne sera pas un Carthage 3, en référence aux Carthage 1 et 2 de 2018, des négociations impliquant les partis politiques, tenus au Palais de Carthage, qui avaient débouché sur un compromis boiteux entre le président de l’époque, Béji Caïd Essebci et Ennahdha. En affirmant dès le départ que le dialogue à venir ne sera pas un Carthage 3, Kaïs Saïed a en fait dévoilé l’essentiel, à savoir qu’il n’a pas l’intention de négocier ni avec Ennahdha ni avec aucune des organisations politiques ayant dominé la scène dans la foulée des bouleversements politiques de 2011.

Le dialogue qu’il veut initier sera, dit-il, véritable, en ce sens qu’il se fera directement avec et entre les Tunisiens. Autrement dit, sans la médiation des partis, qui ainsi sont exclus de cette séquence charnière, fondatrice même. Les modalités techniques que le dialogue national prendra sont encore à l’étude, mais quoi qu’elles puissent être en définitive, elles auront pour finalité de récolter l’avis de tous les Tunisiens désireux de donner le leur. Deux questions principales le domineront : la nature du régime et la loi électorale. Etrangement, le président Saïed a évité de prononcer les mots de révision constitutionnelle, bien qu’ils ressortent clairement de ses propos, et qu’il ait suggéré que le document final rédigé à l’issue du dialogue sera adopté par référendum. Résumée comme cela vient d’être fait, son intervention est rendue dans sa teneur, mais pas dans sa tonalité, non moins significative du propos cependant, à supposer que ce ne soit pas plus. Le président Saïed a exalté à cette occasion la souveraineté nationale, pour laquelle tant de Tunisiens se sont sacrifiés, que lui-même entend faire respecter par tout le monde. Il a fustigé, mais sans le nommer, un Etat qui s’était permis de faire de la situation tunisienne une question de politique interne. Sachant qu’un sommet de la francophonie était prévu en Tunisie pour le mois courant, qui n’a pas pu se tenir, on devine aisément de qui il s’agit en l’occurrence. C’est toutefois aux nationaux qui s’en vont quémander l’aide de l’étranger afin de faire échec au nouveau cours en Tunisie qu’il a réservé ses flèches les plus acerbes. L’ancien président de la République, Moncef Merzouki, en était tout particulièrement la cible, dont le nom cependant n’a pas été cité. Que conclure de cela, sinon que le président Saïed n’est pas près de faire marcher, et que son intention est bel et bien de changer la nature du régime politique, considérant que celui qu’il a suspendu le 25 juillet était un danger mortel pour la Tunisie ? On se doute bien qu’un projet aussi ambitieux a besoin pour être mené à son terme du soutien populaire le plus large et le plus constant possible. Sûrement que Kaïs Saïed ne se serait pas lancé dans une entreprise aussi risquée sans être convaincu d’être en phase avec son peuple.

Mohamed Habili

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