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Une lueur déchire le coucher de soleil sur le désert du Sahara. Une fusée du Front Polisario traverse le ciel comme une carte postale et franchit la dune qui cache les guérilleros sahraouis et leurs insolites compagnons. L’objectif est une antenne radar visible à l’horizon, côté marocain. Bien que ce que cette fusée cherche vraiment, c’est d’envoyer un message au monde : nous sommes là, nous sommes vivants, nous n’abandonnons pas.
Depuis près d’un an, les indépendantistes sahraouis mènent, loin des projecteurs, une guerre d’impuissance contre le mur marocain, qui divise l’ancienne colonie espagnole entre la partie contrôlée par Rabat et celle contrôlée par le Polisario. Las d’attendre un référendum d’autodétermination qui s’éloigne, le 14 novembre 2020, les Sahraouis ont déclaré rompu le cessez-le-feu d’il y a 30 ans. Depuis lors, ils ont transporté plus de 330 « parties de guerre ». Pendant ce temps, son ennemi insiste sur le fait qu’il s’agit de simples escarmouches, juste des égratignures pour la puissance militaire marocaine.
Avec les frontières fermées par la pandémie, aucun journaliste indépendant n’avait pu mettre le pied sur ce front. Jusqu’à maintenant. Les invités accroupis derrière la dune avec les militaires sont un groupe de 17 reporters (un espagnol, un portugais et un syrien) que le Polisario a fait venir ici pour montrer que, quoi qu’en dise Rabat, le Sahara occidental est en guerre.
« Les causes justes sont vont gagner la bataille », déclare le Sahraoui Omar Deidih, 23 ans
Deux unités participent à l’action militaire. Il a été conçu pour que les visiteurs puissent prendre des photos, tout en essayant de minimiser les risques, a expliqué Hamudi Nayem, chef de la région militaire VI, avant de quitter le camp de base de Bali, dans ce que le Polisario appelle « le Sahara libéré ». Nous sommes à Mahbes, devant la ville du même nom sous contrôle marocain. Nayem souligne fièrement que 83% des attaques sahraouies ont été lancées d’ici entre le 14 novembre et le 31 août. Sur la base d’informations marocaines, le rapport du secrétaire général de l’ONU, António Guterres, indique pour le Conseil de sécurité, qui doit renouveler le mandat de la Minurso, la mission de maintien de la paix.
La région de Mahbes n’a enregistré aucun décès ni blessé, a déclaré Nayem. Au total, le Polisario parle de neuf morts et d’une vingtaine de blessés depuis novembre. « Nous sommes dans la phase d’échauffement pour ce qui va suivre », explique le militaire. Le rapport de Guterres, qui parle d’« hostilités de faible intensité », note que Rabat a fait état de 1 099 attaques sahraouies, de 22 tentatives d’infiltration sur le mur et de 724 vols de reconnaissance. Nayem nie catégoriquement ce dernier point : « Nous n’avons pas de drones. Le rôle d’invité de pierre de la Minurso ressort clairement du rapport. Il quitte à peine ses bases du côté sahraoui (le Polisario l’en empêche « pour des raisons de sécurité ») et du côté marocain il a passé des mois sans s’approcher du mur. Vos informations sont limitées aux images satellites. Le Maroc dément également avoir utilisé des drones de combat, bien que le Polisario ait dénoncé plusieurs attaques, dont celle qui a tué un haut responsable en avril. Nayem assure qu’ils sont constamment attaqués avec des drones.
Les Sahraouis lancent deux roquettes du côté marocain. A l’horizon, le ciel s’illumine d’éclairs : c’est une unité avancée du Polisario qui, selon le commandant militaire, tire des canons anti-aériens sur les positions marocaines. Soudain, un grondement et une fumée noire s’élève à 500 m de la dune. C’est le premier des trois obus de mortier de 120 mm de fabrication française, dit Nayem. « Bombes marocaines ! », crient les militaires sahraouis. « Yala, yala (allez, allez), nous devons prendre notre retraite. » Des soldats et des journalistes accourent vers les Land Cruiser et se sont enfuis. Au retour, il faut faire un long détour pour rejoindre le camp. Les militaires expliquent qu’ils ont détecté un drone marocain, et qu’ils ne pourront pas y passer la nuit.
Le Maroc dément utiliser des drones de combat, mais le Polisario dénonce plusieurs attentats
« Nous attaquons matin, midi et soir. Notre objectif est de les porter à l’usure matérielle et psychologique. On prend l’initiative, ils sont sur la défensive. C’est notre grand atout », assure le chef militaire. Dans la soixantaine, Nayem est un vétéran ; Il a combattu dans les années 1970 et 1980 contre la Mauritanie et le Maroc et a été blessé à sept reprises. Il est convaincu que, comme alors, ils sauront vaincre leur Goliath. Mais la guérilla qui s’est avérée si efficace est aujourd’hui incertaine. Le Maroc s’est armé des dernières technologies, tandis que les Sahraouis, comme en témoignent les armes archaïques que Nayem a utilisées pour sa performance, continuent avec le même arsenal. « Ce sont de vieilles armes mais elles continuent d’être utilisées partout dans le monde », a-t-il retesté. De plus, la capacité de chaque armée est très différente en termes de dévouement, de conviction et de principes pour lesquels elle se bat. C’est important aussi ».
Omar Deidih, 23 ans, est également confiant dans la victoire. Né dans des camps de réfugiés, il étudiait à l’université d’Alger lorsque le cessez-le-feu a été rompu. Le lendemain, il s’enrôle. « Dans toutes les guerres, il y a toujours un côté plus puissant. Mais les causes justes sont celles qui parviennent à gagner la bataille », réfléchit-il. « Je ne ressens pas de peur mais plutôt de la fierté. Personne n’aime la guerre, mais je pense que c’est une étape nécessaire pour un Sahara libre. Nous avons attendu de nombreuses années une solution pacifique et nous l’attendons toujours, mais c’est ainsi que nous allons y parvenir ».
Gemma Saura
La Vanguardia, 16/10/2021