Diplomate: La France considère le Mali comme sa chasse gardée

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HOCINE MEGHLAOUI, EX-REPRÉSENTANT PERMANENT AUPRÈS DE L’OFFICE DES NATIONS UNIES «La France considère le Mali comme sa chasse gardée»

Alors que le ton monte entre la France et le Mali, la communauté internationale s’inquiète d’un éventuel redéploiement des groupes terroristes dans la région. La réduction des forces «Barkhane» pourrait compliquer la situation qui reste très fragile sur le plan sécuritaire, selon Hocine Meghlaoui ex-représentant permanent auprès de l’Office des Nations Unies à Genève. L’ancien diplomate revient dans cet entretien sur les dernières frictions entre Paris et Bamako et le risque d’une recrudescence des attaques terroristes.

Entretien réalisé par ASSIA BOUCETTA

La reconfiguration de la présence militaire française dans le nord du Mali a été qualifiée par le Premier ministre de transition malien d’«abandon en plein vol». Comment expliquez-vous cette réaction ?

Le redéploiement des forces «Barkhane» a été annoncé depuis quelques temps déjà. Elles cherchent à se positionner au nord du Mali notamment à Ménaka et Tombouctou. La France compte diminuer de moitié ses troupes d’ici 2022, soit 2000 hommes seront retirés des territoires maliens.

Parallèlement à cette dynamique, il y a une nouvelle force opérationnelle qui est en train de prendre ses positions, à savoir Takuba. Composée principalement d’unités des forces spéciales de plusieurs pays de l’Union européenne, Takuba a pour mission de former, d’assister et d’accompagner l’armée malienne. Elle a pour cible les groupes armés terroristes. Le retrait des forces «Barkhane», qui devrait certainement être progressif, a déclenché une mini-crise entre la France et le Mali qui qualifie cette décision d’abandon. Pourtant, il n’est un secret pour personne qu’aucune force ne peut défendre un pays à part ses enfants.

Pensez-vous que les forces armées maliennes sont à même de combler le vide qui sera laissé par les forces françaises ?

Les forces maliennes telles qu’elles sont aujourd’hui sont incapables de combler ce vide. Il en est de même pour les forces onusiennes déployées dans ce pays. Celles-ci seraient incapables à, elles seules, de faire face à une éventuelle détérioration des conditions de sécurité et de la situation humanitaire. Le Conseil de sécurité avait, pourtant, décidé de proroger le mandat de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) jusqu’en 2022, avec un effectif maximal qui reste fixé à 13 289 militaires.

Devant cette situation incertaine, les Maliens estiment probablement nécessaire de faire appel à Wagner pour les seconder, sachant que cette force serait également chargée de mettre en place un plan d’action pour le renforcement des capacités opérationnelles des troupes maliennes.

Y a-t-il un risque de voir les attaques terroristes resurgir après l’engagement plus ou moins réduit des forces «Barkhane» dans certaines positions ?

Les terroristes sont toujours à la recherche de ce vide pour se redéployer sur le terrain, sachant que ces groupes continuent à bénéficier de multiples sources de financement. Il y a lieu de craindre la multiplication des groupes terroristes qui profitent de l’absence de l’Etat et de la faiblesse de l’armée dans certaines zones. Le dernier rapport de l’ONU sur la situation au Mali, sorti au mois de juin, dernier, avait d’ailleurs souligné que «les taxes exigées par les extrémistes sont monnaie courante ».

Le plan français qui consiste à avoir moins d’empreinte sur le terrain en réduisant le nombre de militaires présents au Mali pourrait pousser la mission onusienne à accroître les tâches de la Minusma. La situation demeure, faut-il le rappeler, très délicate et le terrorisme continue à sévir en dépit de la présence de la Minusma et l’opération «Barkhane» dont le bilan reste incertain puisque l’offensive djihadiste ne faiblit pas. Pour preuve, l’insécurité qui était concentrée au nord du Mali, a glissé vers le centre du pays avant de s’étendre vers le sud pour toucher même les pays limitrophes. Le Burkina Faso et le Niger ne sont, ainsi, plus épargnés. C’est pourquoi l’urgence aujourd’hui est de former l’armée malienne à mieux s’organiser pour être plus opérationnelle pour pouvoir faire face aux organisations terroristes qui ont étendu leur emprise au Sahel.

Horizons, 13/10/2021

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