Le repli du Mali vers la Russie, une option de souveraineté

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Par Mahmoud Benmostefa
Le Mali entend s’affranchir de la tutelle de la Françafrique. Après des décennies de mainmise française sur la politique du pays, et une décennie presque de présence militaire directe, le gouvernement malien a affirmé haut et fort vouloir se débarrasser d’un fardeau nommé France au milieu d’un ressentiment contre l’ancienne puissance coloniale de plus en plus fort sur le continent africain.
Ainsi, la réorientation stratégique de Bamako en direction du couple russo-chinois augure d’une nouvelle phase dans le processus de décolonisation «post-coloniale». L’annonce par le gouvernement du président Assimi Goïta de signer des accords sécuritaires avec des sociétés d’experts et de conseillers russes a non seulement courroucé Paris mais également ses alliés au sein de la Cédéao, ce qui présage d’une dégradation des relations entre les deux pays, mais aussi d’une probable recrudescence d’actes terroristes dans la région, ce qui ne manquera pas d’inquiéter l’Algérie.
Répondant aux critiques de journalistes maliens, le Premier ministre du Mali, Choguel K. Maïga n’est pas allé de main morte. «On accuse le Mali de vouloir changer de stratégies, le Président Assimi Goïta a dit simplement à la Cédéao, qu’on ne peut pas être dans une situation où par exemple on apprend qu’il y a une attaque quelque part et on a un hélicoptère qui peut voler pour intervenir, on l’interdit au motif que cette zone est une zone d’entraiment d’autres forces partenaires», a-t-il martelé. 
En réalité, cette affaire de contrats avec les Russes est une réponse à l’arrogance française qui a cru que le retrait du Mali allait faire plier les autorités de Bamako et les amener à redemander le retour des troupes françaises.
Ce que la cécité française refuse d’admettre c’est le refus quasi général au Mali de la poursuite de la présence des troupes étrangères sur le sol malien. Un refus qui renseigne sur les ravages des opérations Serval et Barkhane depuis 2012 et leur impact catastrophique sur la population malienne. 
Des années durant, la présence française a privé le Mali d’importants contrats d’armements avec de tierces parties autres que la France. Le recours à d’autres partenaire consacre l’option de souveraineté qui faisait défaut aux maliens.
D’ailleurs, Choguel Maïga a été direct sur ce sujet. A ses dires, cette situation ne peut pas continuer, c’était par le passé. «On ne peut pas nous interdire d’acheter du matériel avec un autre pays par ce que un pays ne veut pas, on peut nous empêcher d’envoyer nos éléments dans un autre pays pour qu’ils les forment par ce qu’un pays ne le veut pas», a-t-il indiqué.
«Pourtant, ajoute le Premier ministre Choguel Maïga, au départ l’intervention des forces étrangère a été sollicitée pour trois raison: premièrement détruire le terrorisme; deuxièmement aider l’Etat malien à instaurer son autorité sur tout le territoire et enfin appliquer les résolutions des Nations Unies».
Au final, quasiment aucun objectif n’a été atteint ! Ni le terrorisme n’a été vaincu, les troupes françaises ayant quitté le Mali sans gloire, et l’Etat malien n’a pas été consolidé, loin s’en faut. La France ayant semé que désordre et désolation. Enfin, la vision impériale de Paris ne lui a pas permis de faire appliquer les résolutions de l’Onu.
S’agit-il d’un nouveau schéma néocolonial ? Assurément oui ! Paris a considéré sa présence au Mali depuis le putsch de 2012 selon le prisme de la Françafrique légué par Jacques Foccart à ses lointains successeurs. Cependant, l’époque de Foccart est bien loin et les rapports sociaux entre anciens colonisateurs et anciens colonisés ont radicalement changé. Ce que les politiques et militaires français ont feint de ne pas relever.
D’où les conséquences chaotiques de la présence française au Mali sur les plans politiques, militaires, économiques et symboliques. Et c’est libéré de ce complexe du colonisé que le président Goïta a entrepris la recherche de nouveaux partenaires dans le grand bloc eurasiatique. Russes et Chinois sont donc appelé à remplacer, le premier militairement, le second économiquement, la France au Mali en particulier et au Sahel en général.
Mécontents autant que désarçonnés, les Français ont réagis par le biais de leur ministre des Affaires étrangères qui a accusé Bamako de vouloir introduire la société Wagner au Mali. 
Disant connaître Wagner de la Syrie, de l’Ukraine, de la République centrafricaine et de la Libye, Jean-Yves Le Drian a déclaré que «Wagner, qui a offert ses services à la junte (sic) au Mali, est connu pour renforcer l’instabilité des pays où il est positionné, par extorsion, en violation du droit humanitaire». Exit les bavures des troupes françaises dans le cadre de Serval et Barkhane ! De nombreux civils maliens ont été tués par les forces françaises dans le cadre de l’opération Barkhane. En janvier 2021, 19 civils réunis pour un mariage ont tués au centre du Mali. Trois mois plus tard, une enquête de l’Organisation des Nations unies (ONU) conclut à la bavure française.
Le Drian a cependant noté que le président par intérim du Mali, le général Assimi Goïta, a indiqué son intention d’introduire la société Wagner dans le pays, mais qu’il n’y a pas encore d’accord. 
Précisant que la France a fait part de son mécontentement face à un tel accord à l’administration malienne, Jean-Yves Le Drian a déclaré que «le général Goïta sait que la présence de Wagner au Mali, un accord avec cette société, est incompatible avec la présence internationale et européenne dans le pays». Un avertissement que Bamako a résolu d’ignorer, les éléments de langage du chef de la diplomatie française étant d’un autre âge, celui de «l’Afrique de Papa», et non pas celui du 21ème siècle.
Cela d’autant que la menace brandie par Paris de se retirer totalement vise d’abord à faire pression sur l’Union européenne et l’ONU et fragiliser, par la même, l’accord de paix inter-malien signé en septembre 2015 à Alger.
L’anachronisme temporel de la France est la cause de sa débâcle en Afrique, les politiques français étant incapable de dépasser leur complexe de colonisateurs. Le président Assimi Goïta l’a bien compris, il a entrepris de sécuriser son pays avec l’aide des Russes et sa reconstruction avec les Chinois. 
La stratégie malienne renforcera à coup sur le flanc méridional de l’Algérie, au grand dam de Paris.
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