Etats-Unis, Arabie Saoudite, Lloyd Austin, missiles patriotes, houthies, Yémen,
Mohamed Habili
On se demandait hier de quoi donc étaient malades les relations entre ces deux vieux alliés que sont les Etats-Unis et l’Arabie saoudite, pour qu’il ne soit pas facile de leur imputer une ou plusieurs causes, d’autant que les déclarations d’amitié, à vrai dire davantage du côté américain, n’ont pas manqué ces derniers temps. Un exemple récent montre toute la complexité de ce dont il est question en l’occurrence.
Le secrétaire d’Etat à la défense, Lloyd Austin, était la semaine passée en tournée dans les monarchies du Golfe, dans l’intention entre autres de remercier ces pays de leur aide dans les opérations de retrait d’Afghanistan. L’une d’entre elles, le Qatar, y a particulièrement contribué, dans le prolongement d’ailleurs du rôle qui avait été le sien dans les négociations avec les Talibans, et qui ont conduit à l’accord de Doha de février 2020.
Le responsable américain devait terminer son périple par un saut en Arabie saoudite. Cette visite n’a pas eu lieu, les Saoudiens l’ayant annulée, alléguant on ne sait trop quelle excuse, pour autant qu’ils se soient donné cette peine. Tout ce qu’il est possible de supposer raisonnablement, c’est que cette décision n’était pas sans lien avec la récupération par les Américains de leurs batteries antimissiles implantées en Arabie saoudite au lendemain de l’attaque houthie, ou iranienne à en croire certains, de Abqaïq et Khurais de septembre 2019, contre des installations d’Aramco.
Si en même temps qu’ils se donnaient un mal fou pour se désengluer d’Afghanistan, les Américains avaient quand même trouvé le loisir de reprendre une arme défensive installée sur le sol d’un pays ami, auquel elle allait manquer, le danger n’étant pas passé, alors il est facile de comprendre que cet ami l’ait mal pris, et qu’il ait exprimé son mécontentement en annulant la visite de courtoisie du secrétaire à la Défense.
La plus simple explication à ce genre d’amabilités, celle qui en tout cas vient en premier à l’esprit, c’est qu’elles ressortent à une querelle de famille. Les causes immédiates en semblent microscopiques pour un observateur extérieur, sans commune mesure avec leurs conséquences, qui elles par contre peuvent être gigantesques.
Il faut commencer par relever que ce n’est pas avec les Etats-Unis que l’Arabie saoudite est sur la voie de la rupture, mais avec son pouvoir actuel, avec l’administration Biden, même si ses relations n’étaient pas les meilleures avec l’administration Trump.
Du temps de Trump, les Américains installent les batteries patriot, et ils les reprennent du temps de Biden. C’est toute la différence, mais elle est conséquente. Elle peut même bouleverser la relation.
Dans le contexte actuel de forte polarisation de la scène politique américaine, les Saoudiens, aux yeux de l’administration Biden, ont commis deux erreurs impardonnables : d’une part d’avoir affiché leur soutien à Trump au temps où celui-ci dirigeait leur pays, et de l’autre d’avoir en quelque sorte voté pour un deuxième mandat en sa faveur.
Si cela s’était effectivement produit, pour eux, c’était le pire qui serait advenu. Pour eux donc, ce sont les Saoudiens qui les premiers avaient manqué à leur devoir d’amitié envers les Etats-Unis. Leur préférer Trump, c’est parier sur le côté le plus sombre des Etats-Unis. Et par là espérer leur perte. Leur préférer Trump, c’est se placer dans le même camp que les Russes et les Chinois, qui eux du moins ne se considéraient pas comme leurs amis.
Le Jour d’Algérie, 15/09/2021