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Les prix des produits alimentaires flambent. Le pouvoir d’achat dégringole. Le quotidien des Algériens devient de plus en plus difficile. Beaucoup d’entre eux se sentent glisser vers le bas tandis que les mesures prises par le gouvernement peinent à contrôler la situation.
L’humour noir est souvent révélateur du degré de l’impuissance parfois du désespoir qui s’empare à certains moments de la société. Ainsi, l’une des boutades en vogue en Algérie affirme que les Algériens forment le seul peuple capable d’habiter sur la planète Mars puisqu’ils peuvent vivre sans eau, sans oxygène et bientôt sans nourriture vue la cherté des produits.
C’est évidemment exagéré comme toutes les histoires pour rire. Les ménages ne sont pas au bord de la famine. On peut encore remplir raisonnablement un couffin avec un salaire moyen. Toutefois, la récente flambée des prix de plusieurs produits alimentaires de base a créé une angoisse paralysante chez les petites bourses.
Des légumes secs dont le coût passe du simple au double, le café qui augmente, des légumes qui s’apprécient, les hausses soudaines qui coïncident avec la rentrée scolaire, une autre occasion de dépenses importantes pour les familles, n’augure rien de bon.
L’appauvrissement de la population commençait à être ostensible depuis des mois. Les restrictions imposées par la crise sanitaire ont considérablement réduit l’activité dans plusieurs secteurs, particulièrement dans l’informel où beaucoup de pauvres trouvaient leur subsistance. Les licenciements du personnel dans les petites entreprises faute de plan de charge et l’arrêt du recrutement dans pratiquement l’ensemble de la sphère économique ont accru le nombre d’indigents, même si les chiffres officiels ne mentionnent pas une aggravation de la situation.
Tous ces facteurs combinés à la hausse des produits alimentaires sur le marché mondial ainsi que les frais du transport ont tari la source du dinar. Un dinar qui connaît depuis des années dévaluation sur dévaluation et perd, par conséquent, une grande partie de son pouvoir d’achat.
Résultat, l’inflation gonfle à vue d’œil. Selon l’Office national des statistiques, son taux a atteint 4,1% entre juin 2020 et juin 2021. Une performance appelée à prendre plus de poids durant le prochain exercice.
Pendant ce temps, le ministre du Commerce qui, au début de son mandat, investissait par surprise les marchés et faisait des discours enflammés en défense des intérêts des consommateurs semble soudain tétanisé par la tournure que prennent les événements. Lors du dernier Conseil du gouvernement, il a certes présenté un projet de décret exécutif pour fixer des prix et des marges plafonds à quelques denrées importées ou produites localement mais, stratégiquement, son département semble subir la vague plutôt que de la maîtriser.
Par ailleurs, le gouvernement a autorisé les agriculteurs à écouler directement leurs récoltes au client final, sans passer par des mandataires. Une permission temporaire qui a pour objectif d’éviter l’emballement du marché alors que les Algériens désargentés sont de plus en plus nombreux.
Sentant le danger du mécontentement populaire grossir, des députés de l’Assemblée populaire nationale ont mis en exergue la nécessité d’un « plan d’urgence pour éradiquer la pauvreté et lutter contre l’envolée vertigineuse des prix ».
Cela passe par l’instauration d’un système « transparent » capable de réguler les prix, comme l’a préconisé hier l’agroéconomiste, Ali Daoudi, sur les ondes de la Radio nationale. Pour ce faire, « les autorités devraient contribuer à produire des données et instaurer des règles de jeux claires « , a estimé l’expert.
Pour lui, « la divulgation des informations précises sur les coûts de production, les prix des matières premières importées, les besoins du marché, ainsi que le niveau du pouvoir d’achat du consommateur donneraient plus de visibilité aux opérateurs économiques pour mieux réguler leur production et afin d’éviter de travailler à perte ».
Mais il y a loin de la coupe aux lèvres, prévient le proverbe. Le marché des produits de large consommation est perclus d’informel. La facturation est presque un mot obscène aux oreilles des commerçants, des grossistes et des importateurs. Impossible, dans ce cas, de mettre de l’ordre dans cette caverne d’Ali Baba où les intermédiaires et les trafiquants imposent leur loi.
Mohamed Badaoui
La Nation, 14/09/2021