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La rupture des relations algéro-marocaines continue d’alimenter le débat dans le monde, mais de manière de plus en plus biaisée. Les médias internationaux, tant français, hégémoniques dans les pays de l’Union européenne concernant les questions maghrébines, qui anglo-saxons, sont majoritairement entre les mains des banquiers et de la « communauté des usuriers ». Ceci expliquant cela, il devient facile donc d’entendre des échos contraires à ce qui se dit à la source.
Le Maroc, qui ignore s’il agit avec hostilité, peut compter au moins le nombre de journalistes, eurodéputés et personnalités publiques qu’il invite chez lui, ou qu’il soudoie, pour évaluer le niveau de la guerre « à basse intensité » qui est la sienne contre son voisin de l’est.
Dans le groupe des pays constituant la grande famille maghrébine, saharienne et sahélienne, dont l’Algérie fait partie, il est utile de faire observer que seul le Maroc se distingue par une politique absolument, résolument et ostensiblement agressive et pernicieuse vis-à-vis de l’Algérie et nettement expansionniste dans son espace immédiat.
Toute la batterie politique, diplomatique, économique et de lobbying a été mise à contribution pour mettre en minorité l’Algérie et les positions algériennes. Le Maroc s’est aussi distingué par des visites d’Etat dans toutes les capitales africaines, des politiques bancaires favorables au profit des Africains, des aides épaisses au bénéfice des sub-sahariens, une machine de propagande bien huilée, appuyée par celle, extrêmement puissante, des médias pro-israéliens, et un rémunération pour des armés de journalistes véreux payés à 5 et 6 000 l’article (par exemple, les journalistes de « Le Point » gravement mis en cause par les Wikileaks papers), une diplomatie de sous-sol qui sait corrompre les diplomates et les eurodéputés, appuyée efficacement en cela par le couple triangulaire franco-israélo-américain; auxquels s’ajoute une utilisation outrancière et mensongère de l’histoire du Sahara pour en détourner le sens, travestir le cours et s’en approprier les bénéfices.
Un « parcours fléché » coûteux
Cependant, face à son puissant voisin de l’est, l’aventure politico-diplomatique marocaine menée depuis un certain temps dans le voisinage (Mali, Mauritanie, Sénégal, Tunisie et Libye) n’aura servi à rien sans l’implication, devenue aujourd’hui directe, de Tel Aviv, et à un degré plus nuancée, Washington. Un million de Marocains sépharades ont rejoint, à diverses étapes, la Palestine après la proclamation de l’État juif en 1948. 50 000 sont restés au Maroc, dont certains ont occupé des postes de conseillers au Palais royal. D’où l’interconnexion puissante entre les deux pays.
En réalité, le Maroc obéit à une certaine logique. Obsédé depuis bientôt un demi-siècle par le Sahara occidental, il s’allie aux trois puissances du moment, les Etats Unis, Israël et la France, en leur faisant concession sur concession, lesquelles au final, seront sans contredit, préjudiciables, pour les Marocains d’abord.
L’affaire Pegasus, qui a grandement incriminé le Maroc, a été en réalité une affaire de sous-traitance. Israël avait été le premier bénéficiaire des écoutes et des données récoltées. Mais c’est le Maroc qui a porté le chapeau, seul. Et si l’Elysée, dont le président Macron avait été une cible privilégiée de l’espionnage marocain, continue de garder un silence « assourdissant », c’est parce que les lobbys sionistes ont tout fait pour bloquer tout processus de condamnation du Maroc et de son allié stratégique D’israël, suite à l’affaire d’espionnage via le logiciel Pegasus.
Objectifs secrets et informations sous le boisseau
Le Maroc s’est engagé, au nom de l’entité sioniste, dans une sous-traitance d’espionnage coûteuse. La monarchie n’espionne pas uniquement l’Algérie, mais tous les acteurs politiques décisifs qui se greffent autour du dossier Sahara. C’est un processus d’espionnage plus grand que les seuls besoins marocains qui a été mis en place et dont le premier bénéficiaire n’a pas été le Maroc, mais Israël, qui a tenu à garder ses distances avec ce qui s’est passé quand l’affaire s’est ébruitée.
Faut-il encore rappeler que le processus de normalisation entre l’entité sioniste et le Maroc est un processus secret, développé dans la clandestinité ( ce qui est déjà contraire aux principes et textes des relations internationales), et dont les bribes mises à la connaissance du public ne correspondent pas exactement aux objectifs tenus secrets et soigneusement mis sous le boisseau. De toute évidence, le grand public demeurera longtemps tenu à l’écart de ce qui a été décidé et ne sera informé que de la « partie conventionnelle » de cette pièce du puzzle du Pacte d’Abraham.
Pour préserver les intérêts d’Israël et sauvegarder ses intérêts coloniaux, le Maroc continuera d’entraver les efforts de règlement pacifique en cours des crises dans la région, à l’instar du Mali et de la Libye, mais surtout du Sahara occidental.
Membre de la triple entente maroco-israélo-américaine, née de la réunion du 22 décembre 2020, le Maroc emprunte depuis lors un parcours fléché et il lui sera difficile d’en remettre en cause l’itinéraire. Israël n’a jamais fait une guerre de longue durée ou de haute intensité, parce qu’il n’en a pas la capacité; aussi, fait-il faire d’autres à sa place, comme il le fait déjà depuis deux mille ans.
Tout le monde sait que le roi du Maroc délègue ses pouvoirs à ses principaux collaborateurs, dont certains sont imposé par des lobbys franco-sionistes, qu’il lit et écoute les rapports qui lui parviennent et prend les décisions déjà esquissées dans ces mêmes rapports, qui corroborent les intérêts du jeu des stratégies de puissance. Historiquement, ce furent des causes pareilles, des compromissions outrancières avec des juifs, qui menèrent à des problèmes politiques graves pour les Marocains, dont l’exemple-type demeure l’extinction de la brillante dynastie mérinide au Maroc.
Une présence souhaitée aux portes sud de l’Algérie
Depuis 2007, lorsque les faucons ont chuchoté dans l’oreille du président Bush la nécessité de mettre sur pied un commandement militaire pour l’Afrique, ultérieurement dénommé Africom, Israël était associé au projet et méditait à la manière la plus efficace de prendre racine au Sahel. Unanimement rejeté par la communauté africaine, Israël adopte la politique des doses homéopathiques pour réussir son pari. Une stratégie qui s’avérera payante. Jour après jour, pays par pays, le Mossad s’infiltre, manipule, corrompait, calculait, payait et aidait gratuitement pour parvenir à ses fins. Proposant son aide au Sahel pour venir à bout du terrorisme, tout l’arsenal était mis à contribution. On sait comment le Soudan avait été disloqué et placé sur la trajectoire d’Israël.
Aujourd’hui, cet ancien grand pays d’Afrique, a été réduit à quémander auprès des instances financières internationales pour éponger ses dettes et acheter à son peuple de quoi manger. En 2020, Khartoum normalise avec Israël. En 2021, elle commence à bénéficier des premières aides financières de la part des banques internationales. Le parcours fléché ne sert pas uniquement au Maroc.
La présence d’Israël au Maghreb avait été une obsession de longue date. Pour certains rabbins, il s’agissait d’un retour aux sources : les royaumes du Toukrour n’avaient-ils pas été prospères lorsque les juifs étaient maîtres du commerce de la poudre d’or et des esclaves sur les routes caravanières Tamentit-Tidikelt-Abalessa-Tombouctou-Jennée-Aoudaghoust ?
Le deal contracté permettait aussi d’étendre les activités marocaines de lobbying vers les pays de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), et là encore, c’est aussi au bénéfice d’Israël, qui avait besoin de l’appui de tous pour intégrer l’Union Africaine et s’implanter au cœur de la région Maghreb-sahélienne. L’Algérie étant, de toute évidence, et de l’aveu même des hauts responsables du Mossad, le dernier objectif à atteindre.
Avant d’intégrer l’UA, Israël avait tenté de contourner le problème et d’espionner l’Algérie par la Méditerranée. Pour ce faire, il a demandé (et obtenu, dès 2005) une participation au sein des forces de l’Otan stationnées en Méditerranée, sous le motif fallacieux de pouvoir ainsi surveiller les navires qui pouvaient transporter secrètement des armes au profit du Hamas et les intercepter dès qu’ils pénétraient l’embouchure du détroit de Gibraltar, avant de pousser plus vers l’est. Cette information a été confirmée par diverses sources occidentales.
Aujourd’hui encore, le Mossad continue à jouer les éclaireurs et déblayer le terrain politique au bénéfice d’Israël. Interdit de mettre pied dans le Sahel, il emprunte des chemins détournés, par le biais, par exemple, des entreprises israéliennes spécialisées dans la High Tech et les équipements militaires de pointe, au point de prendre le marché de la Minurso au Nord-Mali, et dans d’autres pays de la région sous le sigle de NSO Group, Aéronautique Israël Industries, Elbit Systems, entre autres sociétés de l’industrie guerrière d’Israël. En quelques petites années, il a pu convaincre, par divers stratagèmes, plus de quarante Etats africains pour arriver à faire imposer la présence d’Israël en tant que membre observateur à l’Union africaine.
Voici, en mots sobres, les objectifs, les outils et les itinéraires qu’emprunte le Maroc, en faisant en même temps le jeu de la sous-traitance. Ce qui se passe en Palestine ne restera pas en Palestine, note le groupe de recherche Who Profits : «Une raison essentielle pour laquelle Israël cherche perpétuellement à diversifier son arsenal est qu’il peut ensuite le transformer en profit économique et en gains politiques. »
L’Express, 30/08/2021