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Le directeur de la rédaction de Jeune Afrique, un spadassin médiatique du Makhzen !
Par Nadji Azouz
C’est de notoriété publique : le Makhzen dispose en France de lobbys efficaces et de relais médiatiques partagés entre sympathisants spontanés et agents d’influence intéressés à divers titres. Chose normale. Mais il existe parmi ces serviteurs des intérêts stratégiques du Maroc et de son image de marque dans l’Hexagone, des spadassins médiatiques dont fait partie François Soudan, directeur de la rédaction de Jeune Afrique.
Ce vice-président du groupe éponyme éditeur, a signé un récent éditorial anti-algérien, un de plus, s’érigeant en la circonstance en avocat de la diplomatie alaouite et en procureur de la diplomatie algérienne.
Commentant la rupture des relations diplomatiques entre Alger et Rabat, à l’initiative de l’Algérie, le célèbre laudateur médiatique des autocrates aux longs règnes en Afrique, présente le ministre des Affaires étrangères algérien comme un « pyromane ». « Ramtane Lamamra, pompier ou pyromane ? », s’interroge-t-il d’emblée, et sur un ton faussement détaché.
En effet, le titre interrogateur de son plaidoyer éditorial pour le Maroc est juste une clause de style pour mieux suggérer que M. Lamamra serait plutôt du genre incendiaire. Sous-entendu, un faucon belliqueux soucieux d’envenimer les relations bilatérales déjà au point mort. Et François Soudan de s’appliquer par la suite à « décrypter » le communiqué par lequel l’ancien Commissaire à la paix et à la sécurité de l’Union africaine a annoncé, le 24 août, la rupture des relations diplomatiques avec le Maroc.
Dans un exercice de style combinant plaidoyer et réquisitoire, le courtier médiatique du Makhzen s’attarde, d’entrée de jeu, sur la phrase du communiqué qui dit qu’il est « historiquement et objectivement établi que le royaume du Maroc n’a jamais cessé de mener des actions hostiles, inamicales et malveillantes à l’encontre de notre pays et ce, depuis l’indépendance de l’Algérie. »
Il s’en empare pour mieux inverser les rôles, et souligner que le Maroc pourrait dire la même chose en affirmant que ce serait plutôt l’Algérie qui aurait œuvré délibérément à placer la relation bilatérale dans une nouvelle impasse diplomatique. Pour mieux illustrer l’idée de l’arroseur arrosé, le directeur de la rédaction de Jeune Afrique revisite l’épisode de la Guerre des sables (1963) en en « retraçant le contexte ».
Cette manière de réécrire l’Histoire est destinée à suggérer, sans ambages, que c’est l’Algérie qui aurait déclenché cette guerre, mue qu’elle aurait été par sa supposée volonté de ne pas céder au Maroc les territoires de Tindouf. Il évoque alors le soutien bien réel du roi Mohamed V aux indépendantistes algériens et son prétendu « refus, qui fut déterminant pour la suite, d’accéder au troc que lui proposaient les Français : la rétrocession de la wilaya de Tindouf (laquelle était rattachée à la province d’Agadir jusqu’en 1952) en échange de la liquidation des sanctuaires de l’ALN dans l’Oriental » marocain.
Sur ce point du rattachement territorial de Tindouf au royaume, François Soudan ne semble même pas craindre le ridicule en prenant le risque d’être confronté à la simple réalité historique. Il feint d’ignorer que Tindouf, auparavant objet de rivalités violentes entre tribus des Réguibat et des Tadjakant, qui vivent à cheval dans les zones frontalières, a été définitivement occupée le 31 mai 1934, au nom de la France, par le colonel Trinquet, commandant de la place militaire de Ain Sefra (Algérie). Une fois occupée, Tindouf est d’abord rattachée à la « commune indigène » de Béni-Abbès (dans le Territoire de Aïn Safra), avant de devenir en 1935 le centre administratif de la « commune indigène » de la Saoura, puis quatorze ans plus tard, en vertu de l’arrêté préfectoral du 5 septembre 1949, le chef-lieu de l’annexe de Tindouf. Enfin, le 9 décembre 1956, est créée la Commune de Tindouf dont le conseil municipal est présidé par un fonctionnaire nommé par le Préfet de l’Oranie.
Le 7 août 1957, le nouveau département de la Saoura est mis en place, dont Tindouf est l’un des nouveaux arrondissements. Tindouf qui fera partie intégrante de l’Algérie en 1962, du fait d’avoir été libérée grâce au sang des martyrs, et en vertu du principe de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation définie dans la charte de l’OUA à sa création en mai 1963.
La suite de l’éditorial est à l’avenant. François Soudan banalise notamment l’annonce par le représentant du Maroc à l’ONU du soutien actif au séparatisme en Kabylie. Et il le fait pour mieux mettre sur le même pied d’égalité l’appui clair, constant et connu depuis toujours de l’Algérie à la lutte du peuple sahraoui pour sa libre autodétermination.
Alors même que le Premier ministre marocain s’applique à dire que cette position de son diplomate aux Nations unies n’est pas celle, officielle, de l’Etat marocain, l’éditorialiste complaisant de Jeune Afrique s’ingénie pour sa part à mettre sur une balance équilibrée une question de décolonisation (reconnue comme telle par l’ONU) et une entreprise de division territoriale de l’Algérie. Il a même justifié cette même position comme étant une réaction logique à ce qu’il a considéré comme étant de la part de l’Algérie une réactivation de « la crise saharienne » via l’abcès de fixation de Guerguerat, point de passage économique stratégique pour le Maroc vers l’Afrique de l’Ouest.
Le pistoléro médiatique du Makhzen refuse par ailleurs de voir en la nouvelle alliance stratégique entre le Maroc et Israël une des raisons essentielles à la base de la décision de rupture des relations diplomatiques avec le voisin de l’Ouest. Un voisin «enhardi par la reconnaissance américaine de sa souveraineté sur l’ex-Sahara occidental et le rétablissement de ses relations avec Israël », comme il le reconnait lui-même. Un Maroc « enhardi » par le fait d’être désormais une base arrière franche et une tête de pont israéliennes contre l’Algérie. Une Algérie leader de la résistance à la normalisation dans le monde arabe, et d’autre part hostile à la présence d’Israël, à quelque titre que ce soit, au sein de l’Union africaine (UA).
François Soudan veut se convaincre enfin que la décision de rupture des relations diplomatiques serait un acte de « diversion » de la part du pouvoir algérien « très critiqué en interne pour sa gestion déficiente des incendies de forêts qui ont ravagé une partie du pays et l’ont contraint à solliciter l’aide de l’ancien colonisateur ». N’échappant pas lui-même à la tentation de la diversion, le supplétif médiatique du Makhzen verse alors, et allègrement, dans l’indignité. Précisément, en établissant un lien indu entre l’achat ancien de l’Airbus médicalisé du président Abdelaziz Bouteflika et le nombre de Canadairs anti-feux que l’Algérie aurait pu acquérir avec le prix de cet appareil onéreux. Quant on est à court d’arguments convaincants, on choisit alors, hors contexte, hors temps et hors sujet, une rhétorique spécieuse !
Le zèle déployé par François Soudan à cirer les babouches royales à coup d’arguments captieux et jésuitiques n’est guère étonnant.
Pas si surprenant que ca de la part d’un pilier d’une entreprise de presse qui ne sépare pas toujours publireportages rétribués et reportages, et qui maîtrise, à la perfection et quand cela arrange ses intérêts financiers, le journalisme de connivence.
Comme dans le cas de la République du Congo où son épouse, une parente du président Denis Sassou Nguesso et ex-attachée de presse à la présidence de la république, est ministre de l’Environnement, du Développement durable et du Bassin du Congo. Et en même temps, membre du politburo du Parti congolais du travail, le PCT au pouvoir. C’est aussi le cas du Burundi, de la Guinée Conakry, du Bénin et surtout du Maroc.
En 2017, suite à la publication d’une Une du magazine qui a fortement déplu au Palais royal après les attentats terroristes de Barcelone et de Cambrils, perpétrés par des djihadistes marocains, François Soudan est discrètement allé à Rabat présenter ses plates excuses au cabinet du roi. Après la parution de cette Une illustrée par un drapeau marocain dans lequel on pouvait distinguer les visages des terroristes, avec la mention « born in Morocco », plusieurs contrats publicitaires avaient été annulés, dont ceux de l’OCP, la BMCE et Attijariwafa Bank. 200000 euros pour chaque contrat ! Il a alors supplié le cabinet de les rétablir et a obtenu gain de cause, selon des publications confidentielles françaises.
Le Jeune Indépendant, 28/08/2021
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