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La succession de déclarations hostiles à l ‘Algérie faites par des responsables de l’entité sioniste confirme le constat selon lequel les Israéliens ont bel et bien fait intrusion dans le champ politique maghrébin, qui n’aurait pas été possible sans l’aide du Maroc.
Quelques jours après les propos hostiles à l’Algérie tenus par le chef de la diplomatie israélienne, deux autres responsables de l’entité sioniste ont pris le relais dès l’annonce par Ramtane Lamamra de la rupture des relations avec le Maroc, allié des Israéliens au Maghreb. Le ministre des Affaires étrangères israélien avait critiqué, lors de sa récente visite à Rabat, le fait que l’Algérie se soit opposée à l’adhésion de l’entité sioniste à l’Union africaine en tant qu’observateur, exprimant son «inquiétude» quant à l’existence d’une «coopération entre l’Algérie et l’Iran».
Ce même reproche a été exprimé, quelques jours plus tard, par le porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères. Un troisième responsable de l’entité sioniste, s’exprimant sous le couvert de l’anonymat à l’AFP, a critiqué lui aussi les positions algériennes.
Lors de la conférence de presse du 24 août, durant laquelle il a annoncé la rupture des relations diplomatiques entre l’Algérie et le Maroc, le ministre algérien des Affaires étrangères a pointé du doigt l’intrusion israélienne dans l’espace maghrébin et le rôle joué, dans ce sens, par le Maroc. «Il faut bien se rendre compte que jamais depuis 1948 un membre d’un gouvernement israélien n’a été entendu émettre des jugements et proférer des messages contre un pays arabe à partir du territoire d’un autre pays arabe», a-t-il déclaré.
Le 15 août courant, le ministère algérien des Affaires étrangères a réagi aux propos du chef de la diplomatie israélienne estimant que ses «déclarations fallacieuses et malveillantes» traduisaient une «sourde volonté» d’entraîner l’entité sioniste dans une «aventure hasardeuse» dirigée contre l’Algérie. Il s’agissait, selon la diplomatie algérienne d’une «sortie intempestive, dont le véritable instigateur n’est autre que Nasser Bourita en sa qualité de ministre des Affaires étrangères du royaume du Maroc».
Dans leur démarche de rapprochement avec le royaume du Maroc, les responsables israéliens ont mis en avant une prétendue volonté d’assurer la paix et la prospérité pour «toute la région». Un pari d’autant plus difficile que l’entité sioniste est impliquée dans des crimes de guerre contre les populations palestiniennes. Elle est notamment accusée par l’organisation Amnesty international d’avoir commis des crimes de guerre, au moins, depuis l’année 2014.
Entretien réalisé par Karima Alloun
L’analyste politique et président du think tank Club Emergences, Badis Khenissa, aborde, dans cet entretien, les retombées de la décision de notre pays de rompre ses relations diplomatiques avec le Maroc, sur les deux pays et leur environnement.
Quelles sont les motivations qui ont poussé l’Algérie à couper ses relations diplomatiques avec le Maroc ?
Sa diplomatie hyperactive traduit, à elle seule, la volonté de notre pays de reprendre la place qui lui revient de droit : être au rang des grandes nations comme par le passé. Ce retour retentissant sur la scène internationale par une implication dans la résolution de conflits régionaux, sa médiation dans les contentieux géopolitiques et son soutien indéfectible aux causes justes font de l’Algérie une cible désignée.
Le Maroc, animé par des ambitions hégémoniques en Afrique subsaharienne et au Maghreb, voit en l’Algérie un un acteur sécuritaire de l’Union africaine et un allié privilégié de grandes puissances. En somme, un véritable rempart et un pays à isoler quoi qu’il en coûte.
Un think tank allemand très influent avait, dès la fin 2020, conseillé à l’Union européenne de revoir ses relations avec le Maroc et freiner sa boulimie d’expansionnisme violent et sauvage en Afrique subsaharienne et au Maghreb. Il a souligné avec prémonition sa volonté d’exacerber les tensions avec l’Algérie. L’Allemagne et l’Espagne sont excédées par l’attitude hautaine du Maroc dopée virtuellement par le deal Trump, un troc illégal, enterré définitivement avec son départ.
La rupture est une riposte logique aux tentatives incessantes du Maroc et de son allié historique, à vouloir depuis des décennies, porter atteinte à notre intégrité nationale et contrecarrer nos avancées depuis l’élection d’Abdelmadjid Tebboune.
Dans un plaidoyer à charge, Lamamra n’a laissé planer aucun doute sur le bien-fondé de la regrettable décision qui était inéluctable, voire salutaire. L’Algérie souveraine dans ses décisions, et dernier bastion de résistance à la doctrine du remodelage du grand Moyen Orient, a adressé au monde un message ferme : elle doit être respectée, entendue et sera intransigeante contre toute attaque.
Une campagne médiatique hostile est déclenchée contre l’Algérie. Quels en sont les instigateurs ?
Le vrai travail commence pour l’Algérie, dès lors que le commis de l’Etat hébreu a eu gain de cause en poussant l’Algérie à ce qu’il croit être une erreur diplomatique. Il va vouloir la diaboliser davantage, l’isoler et la terrasser à base de millions de dollars, en s’appuyant sans nul doute sur les médias occidentaux mercenaires ou aux ordres afin d’orchestrer une opération médiatique internationale: l’«Algérie bashing ». Il est question d’acculer l’Algérie pour la pousser à terme à normaliser ses relations avec l’ennemi juré dans un deal qui aurait pour devise : la stabilité contre la paix. Mais, c’est mal connaître l’Algérie et son armée digne héritière de l’ALN. Par contre, le Maroc, lui, à la veille d’échéances électorales incertaines et une instabilité politique risque d’avoir un retour de bâton.
Cette rupture de mon point de vue qui risque de s’éterniser quelques années aura pour conséquences immédiates pour le Maroc l’exacerbation des agitations sociales, du mécontentement populaire, l’expression de plus en plus franche et claire du rejet massif de la normalisation du Makhzen avec l’entité sioniste que le peuple marocain rejette.
Des organisations arabes et des Etats appellent à la retenue. Les relations en Alger et Rabat pourront-elles se rétablir ?
Certaines organisations régionales seront le théâtre d’une course au soutien. L’Algérie, par son aura et position juste et respectueuse des Etats, a un avantage considérable. Elle a su être un partenaire fiable, une valeur ajoutée aux peuples et pays affaiblis, un catalyseur de solidarité économique et coordinateur de premier choix des efforts internationaux, pour la souveraineté des Etats africains, leur droit au développement, l’unité de L’UA. Le Maroc ne voit en l’UA qu’un levier pour son essor et influence. En 1984, il n’a pas hésité à quitter l’UA qui a reconnu la Rasd. Cela va sans doute jouer en faveur de l’Algérie.
L’Algérie a des alliés de poids, comme la Russie et la Chine, qui n’hésiteront pas à réagir si besoin. Nous aurons 3 groupes : les médiateurs, les neutres et les soutiens. Je n’exclue pas que des pays membres du Conseil de coopération du Golfe aient un penchant pour le Maroc. Un risque de distorsion et fragmentation au sein de ces organisations à l’instar de l’UA et de la Ligue arabe… va imposer inexorablement des statu quo et blocages.
Le Maroc aidé par le lobby israélien risque de créer des interférences dans les relations entre l’Algérie et des pays d’Afrique de l’Ouest, la Corne africaine dont l’Ethiopie.
On risque aussi d’assister à une course effrénée au contrôle de la Banque africaine de développement.
Toutes les hypothèses sont ouvertes mais un conflit armé est exclu.
Le projet du grand Maghreb risque d’être enterré et les pays occidentaux vont engager rapidement des pourparlers car la situation est préjudiciable en matière de lutte antiterroriste et de gestion des flux migratoires.
Horizons, 28/08/2021