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Exacerbations des relations algéro-marocaines: L’inévitable rupture ?
Par Nadji Azouz
Dans un ultime et court (7 lignes) communiqué, le Haut Conseil de Sécurité évoque, de manière nette, et à deux reprises, des « actes d’hostilité répétés et persistants » du Maroc et de « son allié sioniste » contre l’Algérie. Dernier de ses actes belliqueux, le soutien du binôme maroco-israélien au MAK sécessionniste.
En conséquence, le Haut Conseil de Sécurité, réuni mercredi en session d’urgence autour du chef de l’Etat et ministre de la Défense en titre, a annoncé une révision déchirante des relations avec le Maroc.
Si rien n’a été précisé à ce sujet, on pourrait supposer toutefois que la rupture des relations diplomatiques avec le voisin, qui a redoublé d’agressivité et de malveillance depuis la conclusion de son alliance stratégique avec Israël, pourrait être à l’ordre du jour. Elle est en tout cas une solide probabilité. Mais on sait déjà que la frontière terrestre, fermée en 1994 et depuis cette date en militarisation accrue, fera l’objet d’une plus grande surveillance sécuritaire de la part de l’Algérie.
Et on imagine d’autre part, et assez aisément d’ailleurs, que les relations économiques, déjà presque au point mort, seraient réduites à leur plus simple expression. C’est-à-dire à la contrebande, dans des marges de plus en plus étroites, de matières de première nécessité en provenance d’Algérie où leurs prix sont soutenus par l’Etat et qui sont donc bon marché (produits alimentaires et carburants notamment).
Au cœur des relations économiques, qui n’ont cependant jamais été d’une importance vitale pour l’Algérie, il y le gazoduc Maghreb-Europe reliant les champs gaziers algériens à l’Espagne via le Maroc. En revanche, pour ce dernier, il est d’un intérêt économique évident.
En échange du droit de passage du gaz algérien (13,5 milliards de mètres cubes depuis 2005), le Maroc perçoit depuis 2011 une redevance annuelle d’un demi milliard de mètres cubes, soit environ la moitié de la consommation annuelle du royaume.
Propriété de l’Espagne, il passera fin 2021 entre les mains du Makhzen, et le contrat de son exploitation expirera au mois d’octobre de l’année en cours. A cette date, le voisin de l’Ouest héritera d’un immense tas de tubes et de boulons, pour la simple raison que l’Algérie ne demandera pas le renouvellement du contrat. Mais aussi parce qu’elle a déjà crée à partir de son propre territoire une bretelle de 200 Km qui fait la connexion avec le Medgaz, l’autre gazoduc éminemment stratégique transportant le gaz algérien vers l’Espagne, à travers la Méditerranée à partir de Béni Saf, non loin de la frontière avec le Maroc.
La jonction avec Medgaz, déjà opérationnelle depuis plusieurs mois, a totalement autonomisé le système de transport du gaz algérien vers l’Europe. En termes de souveraineté nationale, cela signifie que l’Algérie n’a plus besoin du Maroc pour vendre un seul centimètre cube de gaz à l’Espagne et à l’Europe.
On comprend d’autant mieux la nervosité du Makhzen et l’agitation de son appareil diplomatique et des medias meanstream que le Maroc devrait nécessairement trouver le moyen le plus avantageux pour remplacer la rente gazière qu’il touchait comme droit de passage.
De manière concrète, il devrait dénicher les quantités nécessaires pour approvisionner ses deux grandes centrales électriques construites dans la région orientale limitrophe de l’Algérie. Il pourrait donc acheter éventuellement du gaz algérien en seconde main sur le marché espagnol proche, ou en acquérir, à prix fort, sur le marché spot. Et par conséquent payer cher, très cher même, ce qu’il avait gratuitement auparavant et qui était bénéfique pour ses besoins en énergie bon marché et pour sa production d’électricité.
Aussi ne resterait-il plus au Makhzen que de continuer à vendre à son opinion publique la grande chimère du projet de gazoduc de transport du Nigeria vers l’Europe en passant par le Maroc, projet pharaonique et faramineux nécessitant un investissement d’au moins 25 milliards d’Euros pour acheminer juste trois milliards m3/an.
De même que l’autre fiction de la mise en place d’un hub gazier à Tanger pour la liquéfaction de gaz américain ou de gaz en provenance des pétromonarchies du Golfe, habituées à mettre le royaume chérifien sous perfusion financière. Un Hub nécessitant des investissements très lourds que personne n’est prêt à consentir pour l’instant. Trop onéreux.
Le Makhzen est donc habitué à produire des bulles de gaz et des boules puantes. Depuis la reconnaissance par le président Donald Trump du fait accompli annexionniste marocain au Sahara occidental, et l’établissement de relations diplomatiques entre Rabat et Tel-Aviv, on a même observé qu’il avait la djellaba en poupe, de plus en plus gonflée à l’hélium de l’arrogance diplomatique et au fiel de l’agressivité médiatique.
Ultime illustration spectaculaire par l’annonce en juillet dernier par l’ambassadeur du Maroc à l’ONU, non sans morgue et outrecuidance, de la volonté du Palais royal de soutenir activement le MAK factieux dans son action pour la scission du pays. Et on avait découvert, dans la foulée et grâce à un consortium de presse occidentale, que le Makhzen espionnait à grande échelle notre pays, avec l’aide technologique décisive d’Israël (affaire Pegasus).
Le roi Mohamed VI a ensuite fait mine de faire une offre de réconciliation à l’Algérie, dans une vaine tentative de faire oublier que sa diplomatie avait franchi une ligne rouge avec l’annonce ostentatoire de son appui au MAK séparatiste. Cet acte d’évidente duplicité est une expression paradoxale de l’état de guerre froide ou de paix armée actuel, résultat d’une longue tradition d’inimitié entre les deux frères ennemis.
Quand ils n’ont pas vécu depuis l’Indépendance de l’Algérie (1962) des crises diplomatiques sévères, avec comme point d’orgue la rupture des relations diplomatiques en 1976 et 1994, à l’initiative du roi Hassan II, les deux voisins se sont affrontés militairement à la faveur de la Guerre des sables en 1963 et des deux confrontations d’Amgala en 1976.
Dans les relations entre les deux pays, marquées par la tension diplomatique permanente ou carrément par la confrontation militaire, les moments de paix franche et de coopération économique mutuellement fructueuse sont rares. Les deux pays n’auront connu en effet qu’une relative période d’embellie (1988-1994), caractérisée par le rétablissement des relations diplomatiques, la création de l’Union du Maghreb arabe (UMA) et le découplage des rapports bilatéraux du dossier du Sahara occidental laissé aux bons soins des instances régionales et internationales.
Le Jeune Indépendant, 20/08/2021