Afghanistan, réfugiés, Europe, Union Européenne, UE,
BRUXELLES, 19 août (Reuters) – La prise de contrôle de l’Afghanistan par les talibans a alimenté les craintes d’un exode des Afghans et d’une répétition de la crise migratoire européenne de 2016/16, lorsque plus d’un million de personnes du Moyen-Orient ont fui vers le continent et s’y sont réinstallées. Lire la suite
Des milliers d’Afghans sont déjà partis ou tentent désespérément de monter dans des avions au départ de Kaboul, craignant un retour à l’interprétation austère de la charia (loi islamique) imposée lors du précédent régime taliban qui a pris fin il y a 20 ans.
Y AURA-T-IL UN EXODE MASSIF D’AFGHANISTAN ?
La peur de la dure charia n’est pas la seule raison pour laquelle les Afghans pourraient fuir. La violence, la sécheresse et le COVID-19 ont déjà laissé des millions d’Afghans dans le besoin d’une aide humanitaire, et nombre d’entre eux pourraient devenir des migrants économiques dans les mois à venir.
Les talibans ont fermé des points frontaliers clés et il y a eu un nombre « très limité » d’Afghans traversant les frontières, mais l’Union européenne dit qu’elle s’attend à « une pression migratoire accrue » à plus long terme en raison de l’instabilité sous le régime taliban.
L’agence des Nations Unies pour les réfugiés indique que plus de 550 000 Afghans ont été déracinés à l’intérieur depuis janvier en raison de l’aggravation de la situation en matière de sécurité, et l’Union européenne a exhorté les États membres à augmenter les quotas d’admission pour les Afghans ayant besoin de protection, en particulier pour les femmes et les filles.
La Grande-Bretagne a annoncé qu’elle accueillerait jusqu’à 5 000 Afghans au cours de la première année d’un nouveau programme de réinstallation, en accordant la priorité aux femmes, aux filles et aux minorités, et jusqu’à 20 000 à long terme.
LES PORTES DE L’EUROPE SERONT-ELLES AUSSI OUVERTES QU’EN 2015 ?
Bref, non.
L’Allemagne a ouvert ses frontières en 2015/16 aux Syriens et à d’autres fuyant la guerre et la pauvreté, une décision qui a valu les applaudissements de la chancelière Angela Merkel à l’étranger mais l’a blessée politiquement chez elle.
Merkel prévoit de démissionner après les élections fédérales du 26 septembre et ne prendra donc plus les devants. Dans tous les cas, elle dit maintenant que les réfugiés devraient avoir la sécurité garantie dans les pays voisins de l’Afghanistan avant que l’UE n’envisage d’accueillir des personnes.
Le Pakistan abrite déjà 1,4 million de réfugiés afghans, tandis que l’Iran en accueille près d’un million, selon les données de l’agence des Nations Unies pour les réfugiés début 2021. On estime que le nombre d’Afghans sans papiers dans les deux pays est beaucoup plus élevé.
D’autres pays de l’UE sont déterminés à éviter une nouvelle élection de 2015/16, en partie en raison des craintes d’une réaction des électeurs.
L’Autriche a suggéré de créer des « centres d’expulsion » pour les migrants afghans rejetés et était l’un des six pays de l’UE qui ont mis en garde la semaine dernière contre l’arrêt de l’expulsion des Afghans auxquels l’asile a été refusé dans le bloc. Depuis, trois des six – le Danemark, l’Allemagne et les Pays-Bas – ont fait marche arrière.
Les forces frontalières grecques sont en alerte pour éviter une répétition des arrivées massives de migrants syriens via la Turquie en 2015, et ont récemment empêché des personnes d’entrer dans ses eaux, bien qu’elles nie tout « refoulement » illégal.
Depuis la dernière crise, l’UE a renforcé son agence de garde-frontières et de garde-côtes Frontex, qui dispose désormais d’une plus grande capacité de dissuasion et de rapatriement des migrants illégaux.
LES AFGHANS TROUVERONT-ILS DES ITINÉRAIRES DE TRANSIT FACILES VERS L’EUROPE ?
Se rendre en Europe sera plus difficile pour les Afghans qu’avant.
L’Iran, dont l’économie est étouffée par les sanctions américaines, a encouragé bon nombre des plus de 2 millions de réfugiés afghans sans-papiers et plus de 800 000 enregistrés en République islamique à rentrer chez eux.
La Turquie est déjà le plus grand pays d’accueil de réfugiés et de demandeurs d’asile au monde, avec plus de 4 millions d’habitants, dont la grande majorité sont des Syriens. Soucieux d’empêcher une nouvelle vague, il construit un mur le long d’une grande partie de sa frontière avec l’Iran.
L’UE a également un accord avec la Turquie qui a été mis en place après la dernière crise en vertu duquel Ankara arrête le flux de migrants vers l’Europe en échange d’argent et d’autres avantages.
Les routes de transit vers l’UE via les Balkans occidentaux sont également devenues moins ouvertes qu’elles ne l’étaient auparavant.
QUELS LEVIERS DISPOSE L’EUROPE SUR LES TALIBAN ?
Les pays occidentaux n’ont pas encore officiellement reconnu les talibans comme les dirigeants de l’Afghanistan, mais reconnaissent que l’aide pour le pays frappé par la pauvreté est nécessaire, et cela pourrait être une incitation pour les talibans à empêcher un exode.
Merkel a déclaré cette semaine que l’aide humanitaire serait essentielle pour éviter une répétition de la crise des migrants de 2015.
La Grande-Bretagne a annoncé qu’elle doublerait son aide humanitaire et au développement à l’Afghanistan à près de 400 millions de dollars cette année, et la Commission européenne souhaite voir davantage de soutien aux voisins de l’Afghanistan pour y maintenir les migrants.
Reuters, 20/08/2021