#Maroc, Maroc, Zakaria Moumni, Abdellatif El Hammouchi
Un citoyen français va-t-il bientôt obtenir l’asile politique au…Canada ? La demande -jugée recevable- sera examinée d’ici à quelques semaines. Elle émane de Zakaria Moumni, qui joue un rôle dans le volet franco-marocain de l’affaire Pegasus. Et elle en dit long sur les relations très révérentes que la France entretient avec le régime de Mohammed VI.
Tout commence en 2010. Moumni, alors marocain et as du kick-boxing – il a remporté le championnat du monde quelques années plus tôt-, fait un esclandre : il réclame publiquement l’application d’un dahir (« décret ») du précédent roi, Hassan II, permettant aux sportifs médaillés de devenir fonctionnaires des Sports, que ne lui a pas été appliquée. Pas de réponse. Moumni sollicite alors une audience au Palais.
Il est reçu fort mal, par Mounir Majidi, le tout-puissant secrétaire du monarque qui l’envoie sur les roses. En France, il décide de manifester devant la grille de l’une des propriétés du roi, alors en visite.
Réfugié français au Canada
Mauvaise idée. En septembre 2010, il est arrêté et conduit au centre secret de Témara (utilisé aussi par la CIA comme annexe de Guantanamo, non loin de Rabat. Torturé pendant 4 jours, il identifie, affirmera-t-il par la suite, un certain Abdellatif El Hammouchi, chef des services secrets (DGST) marocains alors peu connu, venu superviser un interrogatoire. Le site Backchich et « Le Canard » ayant révélé ses malheurs, il est libéré sur grâce royale, après 17 mois de cabane, de la prison où il devait en purger 30 pour « corruption » (sic). Réfugié en France, où il obtient la nationalité (2012), il n’abandonne pas pour autant son combat.
Des policiers puis une juge parisienne du pôle crimes contre l’humanité prennent au sérieux sa plainte pour tortures visant Hammouchi. D’autant que trois autres marocains, dossiers à l’appui, lui ont emboîté le pas et que, même dans l’Hexagone, Moumni continue de subir diverses intimidations d’ « amis » du Palais, dont une agression à l’arme blanche… Autant de facéties qui vont l’inciter à s’exiler au Canada.
En février 2014, en visite à Paris, le chef de la DGST marocaine se voit notifier une convocations judiciaire liée à la plainte de Moumni. Les relations avec Rabat deviennent glaciales : Mohammed VI refusera notamment de participer à la marche en hommage aux victimes de « Charlie ». Quelques mois plus tard, la France consent à s’asseoir sur la plainte et signe avec le Maroc un invraisemblable amendement à la convention judiciaire d’entraide pénale entre les deux Etats. Ce dernier permet, entre autres, au présumé responsable d’un crime contre un français de ne pas être inquiété s’il est présent dans l’Hexagone. Qui ça, par exemple ?
Mais ce baisemain tricolore n’a visiblement pas suffi à calmer Hammouchi et ses services puisque, à en croire les résultats de l’enquête internationale sur Pegasus, il avait invité beaucoup de Français à sa table d’écoute…
J.-F. J.
Le Canard enchaîné
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