La raison pour laquelle nous avons besoin d’un moratoire sur la vente de technologies mortelles à des régimes voyous est la même raison pour laquelle les soldats ne devraient pas donner leurs armes aux bébés et aux chimpanzés (vidéo dans le premier commentaire).
La possession de ces technologies par des États puissants, à l’intérieur d’un État de droit, est déjà problématique, pour ajouter leur possession par des régimes voyous par-dessus le marché. Des régimes que l’on ne pourrait pas traduire en justice même si la violation est obvie.
Je parle d’abord en tant que cible directe de spywares moi-même en 2011-2012 (et probablement en 2018-2021 au moins indirectement, en attente de confirmation) et en tant que cible de menaces en ligne répétées au cours des 11 dernières années. Non seulement nous n’avons pas pu poursuivre en justice ceux qui nous ciblaient, (nous= Mamfakinch), mais certains d’entre nous qui ont essayé d’alerter l’opinion publique plus large sur la question ont été soit forcés de quitter le Maroc en exil (le cas d’un brillant médecin et l’un de nos cofondateurs à mamfakinch), soit sont maintenant emprisonnés par le régime (journaliste Free Omar Radi).
Why we need a moratorium on selling deadly technologies to rogue regimes is the same reason these soldiers should not give their AK-47 to this chimpanzee.
— El Mahdi El Mhamdi – #26011 #23052 (@L_badikho) July 21, 2021
(possession of these technologies by powerful states, internally under the rule of law, is already problematic)#Pegasus pic.twitter.com/tNnil2eNiT
Mais je parle aussi en tant que scientifique qui a passé un certain temps à travailler sur la question : l’histoire du logiciel espion de #pegasus, avec un régime voyou qui cible les présidents et les premiers ministres des démocraties occidentales les plus puissantes, n’est que la partie émergée de l’iceberg. La plus grande partie de l’iceberg est constituée par la désinformation ciblée, qui agit sur l’opinion publique, en utilisant ironiquement les caractéristiques des démocraties, telles que la liberté d’expression, comme une vulnérabilité et un point d’entrée. Un exemple est le sujet de l’islam et de la migration, les monarchies arabes utilisent fréquemment la désinformation sur ce sujet pour attirer la population européenne vers leur propre programme de division, contre l’intérêt des États européens, mais d’abord et avant tout, contre le propre intérêt de la population ciblée. D’autres sujets plus opportuns et plus importants : la désinformation sur la maladie actuelle, où nous connaissons des cas d' »influenceurs » européens payés pour rejeter la politique de leur propre gouvernement, etc. Et nous devons nous attendre à pire sur les défis à venir, comme la désinformation sur le changement climatique.
Si le problème des logiciels espions peut être résolu par la loi, une fois révélé, le second problème est plus dangereux que celui des logiciels espions, car les victimes de la manipulation ciblée ne se rendent souvent même pas compte qu’elles ont été trompées dans ce qu’elles croient être leurs véritables opinions. Le droit est une solution robuste et évolutive, mais uniquement lorsqu’il s’agit de résoudre des problèmes facilement identifiables et dans des pays où règne l’État de droit.
Avec la désinformation, il existe des besoins sans précédent en matière de recherche et de développement de nouveaux outils, notamment dans les domaines de la science des données et des statistiques, de la psychologie, de la sociologie, des politiques publiques, de la gouvernance mondiale, du droit international…
Les photos sont tirées de la version actuelle de notre prochain livre avec Lê Nguyên Hoang (The Fabulous Endeavour : Robustly Beneficial Information) déjà disponible en français sous le titre « Le fabuleux chantier » (EDP Sciences 2019).
Source : Facebook, 21/07/2021
Etiquettes : Maroc, NSOGroup, Pegasus, LogicielsEspions, Mamfakinch,