L’histoire est compliquée, et croyez-le, c’est fait exprès. Rappel des épisodes précédents… En 2007, la société de services informatiques Amesys vend à Kadhafi un système d’écoute global pour espionner toute la population libyenne. 2010, Bull annonce racheter Amesys. En fait, Bull est offert sur un plateau à Philippe Vannier, Dominique Lesourd et Marc Hériard-Dubreuil. Pour la totalité ou presque du groupe Amesys, les trois amis, réunis avec d’autres au sein de la holding Crescendo Industries, deviennent actionnaires majoritaires, de très loin au sein de Bull. Pris la main dans le sac libyen par Reflets, Owni, puis le Wall Street Journal, Bull finit par annoncer la vente de ses activités Eagle (le système d’écoute global). Il faut se refaire une virginité. L’image d’une société vendant des outils de surveillance à des Etats franchement fâchés avec les Droits de l’Homme, est mauvaise. Reflets et quelques autres montrent que la vente est une cession déguisée, Bull vendant cette activité à un actionnaire de Crescendo Technologies, Stéphane Salies. La société qui rachète s’appelle Nexa Technologies. Elle vend en France des outils de Deep Packet Inspection (DPI) pour les entreprises. C’est la vitrine officielle. Mais à Dubaï, Advanced Middle East Systems (lire AMESys), contrôlée par le même Stéphane Salies vend des outils d’interception massifs. C’est là que les gros contrats peuvent se faire en toute discrétion. 2014, consécration pour les trois ingénieurs du contrat libyen et de tous ceux qui ont suivi, au Maroc, au Gabon, au Kazakhstan, au Emirats, etc, Atos leur rachète Bull. On peut tirer deux leçons de ce parcours.
La première, il suffit de bons appuis pour partir de presque rien et arriver avec beaucoup. Selon les syndicats, Crescendo Industries aurait fait une plus-value de 100 millions d’euros en quatre ans… La seconde, il est possible de vendre à un terroriste notoire (Abdallah Senoussi) un système de surveillance global pour qu’il espionne la population (comprenez les opposants) sans aucun souci, la trajectoire ascendante se poursuivra. Ni Thierry Breton (patron de Atos et ancien ministre) qui rachète Bull aux trois amis, ni les clients étatiques ou privés de Bull et d’Amesys n’y trouvent quoi que ce soit à redire.
Mais revenons à Nexa Technologies. La vente à Atos semble inquiéter quelque peu Philippe Vannier. Une fois Bull vendu, il n’est pas impossible qu’Atos lui plante un couteau dans le dos. Parfois, les grands squales se mangent entre eux. En 2013, Philippe Vannier fait modifier ses conditions de départ et affine la partie concernant son éventuelle éviction. Et puis, Atos pourrait-il conserver Philippe Vannier si la justice le rattrapait ? Pour mémoire, un juge d’instruction planche actuellement sur l’éventualité d’une complicité de tortures pour l’affaire libyenne.
Reflets avait bien compris depuis le début que Nexa était une coquille mise en place par Philippe Vannier pour mettre au chaud la juteuse activité Eagle rebaptisée pour l’occasion Cerebro. D’une part Nexa avait été hébergée pendant des mois dans les locaux mêmes d’Amesys, d’autre part, Stéphane Salies est l’homme qui a mis en place cette activité au sein d’Amesys puis de Bull. En outre, il est actionnaire de Crescendo Industries, la holding qui chapeaute Bull et Amesys.
La rentrée 2014 a été l’occasion de quelques mouvements au sein de Nexa.
Premier point, Nexa Technologies avoue enfin qu’elle a été montée pour exfiltrer l’activité Eagle. Elle n’est pas un acheteur sorti du bois, elle est une « spin off de Bull ». Sans blagues ?
Deuxième point, Nexa n’appartient visiblement plus à Bull ou à Stéphane Salies, mais à un groupe allemand, Plath Group. Si ce n’est pas limpide dans les documents de Nexa Technologies, ça l’est un peu plus sur le site allemand qui explique que Nexa fait partie de son groupe.
Nexa Technologies a augmenté son capital social le 12 septembre 2014. Il est passé de 1.071.000 euros à 1.530.000 euros. Quelque 45.900 actions nouvelles dénommées ADP 2014 ont été créées et portent des droits particuliers. Notamment en cas de versement de dividende. Après cette augmentation de capital, l’organigramme de la société est profondément remanié.
Stéphane Salies abandonne le poste de président à Olivier Bohbot, ex-salarié d’Amesys, ex-salarié de Bull.
Stéphane Salies est toutefois nommé Directeur général et, ouf, on a eu peur, il dispose des mêmes pouvoir que ceux du président.
Entrent au Comité de gestion (nouvellement créé), deux Allemands, nommés par Palth GmbH : Hinrich Albert Brügmann et Nico Scharfe.
Enfin, troisième point, Nexa Technologies prévoit les modalités de versement de dividendes.
A croire que cette activité d’interception globale est quand même rentable… Lors de la vente des activités Eagle par Bull, Philippe Vannier faisait tout ce qu’il pouvait pour en minimiser l’intérêt.
Interrogé par Les Echos, Philippe Vannier a déclaré la semaine passée que les activités liées à Eagle “pèsent moins de 0,5% du chiffre d’affaires du groupe, elles ne sont pas stratégiques ou significatives pour nous“.
Pas stratégiques, pas significatives, mais tout de même utiles pour recaser des gens ou pour gagner quelques sous à Dubaï.
Dubaï, justement… La préparation du versement de dividendes par Nexa Technologies inclue étrangement une société domiciliée dans la zone franche à Dubaï :
Les éventuels bénéfices d’Advanced Middle East Systems FZ-LLC, établie dans la zone franche, là où personne ne peut aller creuser, sont pris en comptes pour l’éventuel versement de dividendes par Nexa Technologies.
Bref, tout ce que Reflets expliquait après la vente des activités Eagle à Nexa Technologies est désormais gravé officiellement dans le marbre : Nexa est une spin off de Bull, elle contrôle Advanced Middle East Systems et Stéphane Salies est à la tête de ces deux entreprises.
Reste à comprendre pourquoi Plath Group prend le contrôle de Nexa (et de AMESys ?) et si cela a été fait avec ou sans l’accord tacite ou pas des autorités françaises, grosses consommatrices des outils d’Amesys, canal historique.
Une jolie galaxie de sociétés holdings
C’est compliqué… Nous le disions en introduction. C’est d’autant plus compliqué que les trois amis, Philippe Vannier, Dominique Lesourd, Marc Hériard-Dubreuil et Stéphane Salies se sont fait une spécialité de la création de sociétés holdings aux participations croisées. Or la plupart de ces entreprises ne publient pas leurs comptes.
Première Holding, Crescendo Industries. Derniers comptes disponibles : 2012.
Voici l’actionnariat de cette entreprise qui détenait jusqu’à la vente à Atos, le plus gros volume d’actions Bull :
Parmi les actionnaires de Crescendo, on trouve : RSFJ
Domiciliée à MARSEILLE 14 (13014), au 36 Impasse des Petits Champs, la société RSFJ est active depuis 5 ans. Cette société civile a vu le jour le 13 octobre 2008, immatriculée à Marseille, sous le numéro d’enregistrement 508 517 166, cette entreprise est spécialisée dans le secteur d’activité des fonds de placement et entités financières similaires. Actuellement, le capital social de la société RSFJ est de 6 143 260,00 euros.
M. Raymond AUPHAN, né en 1968, en tant que associé-gérant, est dirigeant de l’entreprise RSFJ.
Raymond AUPHAN
Président
AMESYS SYSTEMS ENGINEERING
13080 AIX EN PROVENCE
RSFJ ne publie pas ses comptes
Raymond Auphan était jusqu’il y a peu l’un des dirigeants d’Amesys, aux côtés, à la grande époque, de Philippe Vannier, Stéphane Salies et Olivier Bohbot.
Allegro Asset Management
Il s’agit de l’une des sociétés holding détenues par Stéphane Salies.
Installée à BOULOGNE BILLANCOURT (92100), au 94 Rue de Paris, l’entreprise ALLEGRO ASSET MANAGEMENT est active depuis 8 ans. Cette société à responsabilité limitée unipersonnelle a vu le jour le 27 avril 2006, immatriculée à Nanterre, sous le numéro d’enregistrement 489 291 526, cette société est spécialisée dans le secteur d’activité du conseil pour les affaires et autres conseils de gestion. A ce jour, le capital social de l’entreprise ALLEGRO ASSET MANAGEMENT est de 691 000,00 euros.
M. Stephane SALIES, né en 1964, en tant que gérant, est dirigeant de l’entreprise ALLEGRO ASSET MANAGEMENT.
Stéphane Salies :
Président
AMESYS TRANSPORT
13080 AIX EN PROVENCE
Gérant
ALLEGRO ASSET MANAGEMENT
92100 BOULOGNE BILLANCOURT
Gérant
ALLEGRETTO ASSET MANAGEMENT
92100 BOULOGNE BILLANCOURT
DG
NEXA TECHNOLOGIES
92100 BOULOGNE BILLANCOURT
Gérant
MODERATO ASSET MANAGEMENT
92100 BOULOGNE BILLANCOURT
REINNAV
Située à NEUILLY SUR SEINE (92200), au 36 Boulevard Georges Seurat, la société REINNAV. Cette société civile, enregistrée à Nanterre, sous le numéro d’immatriculation 513 067 470 est spécialisée dans le secteur des activités des sociétés holding. Actuellement, le capital social de l’entreprise REINNAV est de 7 563 452,00 euros.
M. Philippe VANNIER, né en 1960, en tant que associé-gérant, est dirigeant de la société REINNAV.
Reinnav ne publie pas ses comptes
MANTATECH
Implantée à PARIS (75008), au 123 Avenue des Champs Elysees, l’entreprise MANTATECH est active depuis 6 ans. Cette société par actions simplifiée a vu le jour le 10 mars 2008, enregistrée à Paris, sous le numéro d’immatriculation 502 936 321. Actuellement, le capital social de la société MANTATECH est de 246 400,00 euros.
M. Vivien HERIARD DUBREUIL, né en 1979, en sa qualité de président, est dirigeant de l’entreprise MANTATECH.
L V L F
L’entreprise L V L F a été radiée le 30 juillet 2013.
Implantée à PARIS (75008), au 123 Avenue des Champs Elysees, la société L V L F a été en activité durant 17 ans. Cette société par actions simplifiée avait vu le jour le 29 février 1996, enregistrée à Paris, sous le numéro d’immatriculation 404 126 070, cette société était spécialisée dans le secteur des activités des sociétés holding.
M. Marc HERIARD-DUBREUIL, né en 1951, en tant que président, était dirigeant de la société L V L F.
LVLF ne publiait pas ses comptes
LVLF 2
Localisée à PARIS (75008), au 123 Avenue des Champs Elysees, la société LVLF 2 est active depuis 1 an. Cette société par actions simplifiée à associé unique a vu le jour le 5 décembre 2012, immatriculée à Paris, sous l’enregistrement 789 752 862, cette entreprise est spécialisée dans le secteur des activités des sociétés holding. A ce jour, le capital social de l’entreprise LVLF 2 est de 10 000,00 euros.
M. Marc HERIARD, né en 1951, en tant que président, est dirigeant de l’entreprise LVLF 2.
F.N.L.V
La société F.N.L.V a été radiée le 2 septembre 2011.
Implantée à PARIS (75008), au 123 Avenue des Champs Elysees, l’entreprise F.N.L.V a été en activité pendant 5 ans. Cette société par actions simplifiée avait vu le jour le 5 avril 2006, enregistrée à Paris, sous l’immatriculation 489 454 975, cette société était spécialisée dans le secteur des activités des sociétés holding.
M. Pierre HERIARD-DUBREUIL, né en 1948, en sa qualité de président, était dirigeant de la société F.N.L.V.
F.N.L.V ne publie pas ses comptes
Zephyros Invest
Société anonyme contrôlée par Monsieur Dominique Lesourd. Introuvable sur Société.com puisque visiblement immatriculée au Luxembourg.
Vienergie, 14/10/2014
Etiquettes : Amesys Nexa, Technologies, Kadhafi, Al Sissi, Libye, Egypte, espionnage, opposants, répression, torture,
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