par Abdelkrim Zerzouri
La menace Haftar est-elle à prendre au sérieux par l’Algérie ? Les forces loyales au maréchal Khalifa Haftar ont affirmé avoir fermé la frontière entre la Libye et l’Algérie et la déclarant zone militaire dans laquelle les opérations sont interdites à un moment où l’on se préparait, côté algérien, en collaboration avec le gouvernement d’unité nationale et le nouveau Conseil Présidentiel libyen, à rouvrir le poste frontière terrestre «Debdeb-Ghadamès», qui est l’un des points de passage vitaux entre les deux pays. La cheffe de la diplomatie libyenne avait également souligné, lors d’une visite à Alger à la fin du mois de mai dernier, que l’Algérie « avait également promis d’ouvrir incessamment un autre poste frontalier pour faciliter les voies de coopération entre les deux pays », sans fournir plus de détails. Il s’agit de voies commerciales qu’on s’apprêtait à rendre opérationnelles, et qui se retrouvent inopérantes à l’ombre de ce déploiement militaire dans la zone frontalière, très éloignée de l’Est libyen dirigé par le maréchal Haftar, et où ce dernier ne dispose que de quelques milices à cette frontière stratégique pour contrôler les nombreux trafics dans la région, selon des observateurs. Ce n’est pas, donc, ce déploiement militaire des milices en question, au nom de la lutte contre le terrorisme mais compromettant pour les activités commerciales entre les deux pays, qui pourrait déranger outre mesure l’armée algérienne, déployée en force en face. Que vise réellement le maréchal Haftar ?
Exécute-t-il un agenda qui rend service à des pays étrangers, dérangés par une coopération économique qui se dessine dans plusieurs domaines entre l’Algérie et la Libye ou veut-il se positionner à la veille d’une conférence ’bis » de Berlin sur la crise libyenne, annoncée pour aujourd’hui, qui discutera des prochaines étapes politiques et sécuritaires de la stabilisation de la Libye ?
L’influence du maréchal Haftar dans le devenir de la Libye est très amoindrie par les revers politique et militaire subis ces derniers mois, il est même devenu personnage embarrassant pour de nombreux pays qui lui assuraient leur soutien après la découverte de charniers près de la capitale libyenne, mais il ne se lasse pas de nourrir encore et toujours l’espoir de peser sur la scène politique de la nouvelle Libye. Dans son isolement, il aurait choisi de provoquer l’Algérie à travers ce déploiement militaire près des frontières algériennes. La relation entre Alger et le maréchal Khalifa Haftar n’a jamais été au beau fixe. Déjà, en 2018, il avait lancé des menaces, et aujourd’hui il est passé à un cran supérieur de la provocation, autant contre l’autorité du nouveau Conseil Présidentiel libyen que le pays voisin, en affirmant avoir fermé les frontières alors qu’il n’est pas habilité à le faire. Que va faire l’Algérie ? Qu’il soit manipulé par des pays étrangers hostiles à la participation de l’Algérie dans l’effort de reconstruction de la Libye, ou animé par un souci de repositionnement sur la scène libyenne, le maréchal risque de perdre ses dernières forces en s’engageant dans ces manœuvres.
Le Quotidien d’Oran, 23 juin 2021
Etiquettes : Algérie, Libye, Khalifa Haftar,
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