Maroc-UE : conflits sur le Sahara et la pêche

Les relations entre le Maroc et l’UE : désaccords sur le Sahara et la pêche

Javier Otazu

Rabat, 10 juin (EFE) – La résolution approuvée aujourd’hui par le Parlement européen, qui condamne le Maroc pour l’utilisation de l’émigration comme moyen de pression contre l’Espagne, est le dernier désaccord en date dans une relation complexe qui, ces dernières années, n’a pas été exempte de représailles de la part de Rabat, presque toujours avec le Sahara et la pêche en toile de fond.

À une majorité écrasante (397 voix pour, 85 contre et 196 abstentions), la résolution adoptée par les quatre principaux groupes du PE (Populaire, Socialistes, Libéraux et Verts) a condamné le Maroc pour avoir « utilisé les contrôles aux frontières, la migration et les mineurs non accompagnés » pour « exercer une pression politique » sur l’Espagne.

En prévision de la résolution, le ministre marocain des affaires étrangères, Nasser Bourita, a déjà accusé hier l’Espagne de « tenter d’européaniser une crise bilatérale », mais la commissaire européenne à l’égalité, Helena Dalli, a clairement exprimé aujourd’hui « l’entière solidarité avec l’Espagne » et a espéré que « des situations similaires ne se reproduiront pas ».

Pour l’instant, le Maroc reste silencieux, mais au cours de la dernière décennie, Rabat a réagi aux différentes décisions des tribunaux européens ou du Parlement européen, même si le Conseil ou la Commission ont pris de la distance de leurs organes législatifs ou judiciaires.

2016 : SUSPENSION DES CONTACTS PENDANT UN AN

Le désaccord le plus grave du Maroc avec les institutions européennes est survenu en janvier 2016 : une note interne (d’abord tenue secrète) du ministère des Affaires étrangères envoyée aux autres ministères marocains leur demandait de cesser tout contact ou réunion avec les différents services de l’Union européenne à Rabat.

Cette décision a été prise pour protester contre la décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) un mois plus tôt (10 décembre 2015), qui avait considéré l’accord agricole et de pêche entre l’UE et Rabat comme nul et non avenu pour avoir inclus le Sahara occidental.

Peu après, le 25 février 2016, le gouvernement marocain a rendu publique « la suspension de tout contact avec les institutions européennes », accusant l’UE d’une « attitude déloyale » envers le pays maghrébin, alors que quelques jours plus tôt, le Conseil des ministres de l’UE avait fait appel de la décision de la CJUE, montrant ainsi sa compréhension avec la thèse marocaine.

En attendant la résolution de l’appel de la Commission, le ministre de la pêche, Aziz Akhannouch, s’est permis de lancer l’avertissement suivant : dans une interview accordée à Efe en février de l’année suivante, il a déclaré que l’UE devait « clarifier sa position » et mettre fin à « la dissonance » à l’égard du Maroc, sous peine d’en subir les conséquences, tant commerciales que migratoires.

M. Akhannouch a ensuite exprimé ce qu’il pensait de la répartition des pouvoirs au sein de l’UE : il y a « des désaccords concernant le Maroc entre la Commission, le Conseil, les tribunaux et les députés européens, mais ce n’est pas notre problème ; laissons-les régler cela entre eux », a–il déclaré.

Et bien que la décision finale de la CJUE, connue en février 2018, ait nié la souveraineté du Maroc sur les eaux du Sahara, la Commission a trouvé une astuce juridique qui a permis la signature d’un nouvel accord de pêche, arrivé en juillet de la même année.

2011 : ORDRE DE DÉPART URGENT POUR LES NAVIRES EUROPÉENS

Ce qui est plus frappant, c’est ce qui s’est passé en 2011 : le 14 décembre de cette année-là, le gouvernement marocain a donné un délai de quelques heures seulement aux navires européens (principalement espagnols) pour quitter ses eaux « avant minuit » ce jour-là.

Cette expulsion des eaux est la conséquence du vote précédent du Parlement européen qui, le même jour, a rejeté – par 326 voix pour, 296 contre et 58 abstentions – la prorogation de l’accord de pêche euro-marocain, car il a estimé qu’il entraînait la surexploitation de certaines espèces et qu’il était également illégal, selon le droit international, pour interférer dans les ressources de la population sahraouie locale.

C’est également à ce moment-là que la Commission a voulu montrer sa sympathie envers le Maroc et, par l’intermédiaire de son ambassadeur à Rabat, a informé le gouvernement marocain que le vote du Parlement européen avait été pris « contre l’avis des États membres, de la Commission européenne et de la Haute représentante pour les affaires étrangères et la sécurité, Catherine Ashton ».

En vain : le gouvernement marocain a alors brandi la menace d’une « réévaluation complète de son partenariat avec l’UE », citant les négociations bilatérales alors ouvertes dans les domaines du commerce des services, de la mobilité et de la réadmission et de la mise en œuvre d’un « statut avancé », ainsi que la perspective d’un accord de libre-échange ».

S’ensuivent plusieurs cycles de négociations où les représentants européens tentent de plaire aux Marocains sans passer outre le Parlement européen, et finalement, en juillet 2013, Européens et Marocains signent un nouvel accord qui se contente de mentionner qu’il  » prend en compte la population locale « , sans inclure le mot  » sahraoui  » à la demande expresse de Rabat, qui refuse de faire la distinction entre Sahraouis et Marocains. EFE

Swissinfo, 10 juin 2021

Etiquettes : Maroc, Espagne, Union Européenne, Parlement Européen, accord agricole, accord de pêche, Sahara Occidental,

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