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Eléments d’histoire sur l’agriculture algérienne

Par: Mohamed Khiati

Partout l’histoire avance. Elle laisse de lourds héritages, mais les Hommes s’arrêtent, de temps en temps, pour marquer une halte rétrospective, pour se situer par rapport à leur histoire ; par rapport à leur passé glorieux ou lugubre, en vue d’en établir les acquis qui, du reste, constituent les références et les référents pour l’amorce du présent et l’affront du futur.

Espace physique sur lequel, se sont entrecroisés, depuis la nuit des temps, des flux Humains, l’Algérie fut l’objet de toutes les convoitises, car terre d’attraction et de légende, le pays, tant par sa position stratégique que par sa diversité et ses richesses naturelles multiples et diverses, offre d’immenses garanties de prospérité.

Les Algériens d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Ceux qui sont d’hier, d’aujourd’hui et de demain ont gardé et garderont toujours le même sentiment d’appartenance à la patrie. Ils sont nourris du sens de fierté. C’est l’histoire qui le confirme, à travers les âges. C’et un fait dont nul ne peut en disconvenir.

Dans ce modeste essai, nous tenterons de traiter quelques éléments d’histoire sur l’évolution de l’agriculture algérienne avant la colonisation française notamment en ce qui concerne le mode de vie de la société, la paysannerie algérienne contemporaine, l’occupation de l’espace, les vocations naturelles et le foncier agricole.
Déjà examiné en profondeur, le territoire algérien dans sa globalité apparaît comme écrit par des sociétés successives à tel point que dans cet espace composite, chaque legs du passé se lit avec une étonnante schématisation, font valoir de nombreux historiens et essayistes.

Dans cet immense espace composite, le territoire agricole, apparaît comme dépendant parfaitement des aléas naturels et notamment climatiques,  » c’est le produit de transformations inséparables d’un contexte historique (mouvements démographiques, histoire politique, évolution des techniques et politiques agricoles et/ou économiques d’ensemble) qui a conditionné l’adaptation des hommes à ces contraintes » (1)

De tout temps, les sociétés rurales se sont constituées autour de la gestion et de l’exploitation des ressources naturelles : eau, terre, pâturage, selon l’abondance des terres et la densité des populations.  » Les terres étaient réparties, partagées entre terroirs de groupements familiaux et à réserves à usage collectif en fonction des modes d’exploitation des ressources par l’activité agricole intensive et l’arboriculture, l’agriculture et l’élevage extensif.
Cela dit et en prélude, faut-il dire que du temps de la Numidie antique, les espaces ruraux étaient déjà complémentaires et les populations adaptaient leurs cultures et pratiques agricoles aux éléments naturels offerts par les divers types de territoires de telle manière, affirment les récits historiques, que les montagnes étaient caractérisées par la pratique de l’arboriculture notamment les oliveraies ; les plaines sèches, par l’orge, les blés et les élevages. Les forêts quant à elles étaient utilisées pour le bois, la chasse et la cueillette. Tandis que les terres de cultures étaient réputées pour le maraichage, les vergers et autres cultures vivrières.


Le retour à l’histoire confirme pour autant, cette tendance d’édification du territoire agricole. Samir AMIN dans son ouvrage  » Le Maghreb Moderne, en parlant de ce bloc indivise à l’époque de la préhistoire, devenu Le Maghreb depuis la conquête musulmane ( les Foutouhate) dont fait partie l’Algérie actuelle, souligne que :  » (le Maghreb) situé à la lisière du monde des agriculteurs méditerranéens et du domaine de parcours des éleveurs … a été depuis la préhistoire disputé entre ces deux modes de vie irréductibles. Depuis des siècles, des millénaires peut être, les nomades berbères – les Gétules des Romains- l’ont emporté sur les paysans, berbères eux aussi, confinés dans de minuscules régions, le plus souvent montagneuses  » (3)

L’histoire, la plus ancienne, retiendra qu’à coté des berbères, populations autochtones, les Phéniciens s’installèrent pour créer des comptoirs côtiers dont, le plus célèbre, dit-on, fût Carthage. Ces derniers n’ont pas essayé d’entamer inexorablement l’arrière pays. Les phéniciens à vocation mercantiliste ne s’occupèrent pas de l’agriculture au moment où les autochtones pratiquaient une gamme variée de spéculations alliant arboriculture, maraîchages, céréales et élevage. Certains récits d’histoire font état de ce fait que depuis leur installation sur les côtes du Maghreb en général, les phéniciens ont initié la culture de la vigne et introduit les cultivars orientaux, conduisant à cette conclusion que ce sont ces vignes croisées avec les formes sauvages autochtones qui ont donné le fond de l’encépagement maghrébin le plus ancien qui, au cours des siècles a donné naissance à des variétés locales.
Les montagnards s’occupèrent de l’exploitation du potentiel existant et des ressources disponibles en zones de montagnes de telle sorte que vergers et oliveraies occupaient de larges superficies. Par ailleurs pour des raisons liées à la guerre et à la chasse, les numides élevaient des chevaux.

Beaucoup de récits historiques et de vestiges attestent qu’à l’époque les céréales (blé et orge de la Numidie) étaient développées avant le 3ème siècle et que Massinissa, le chef berbère, qui tenta d’asseoir la propriété individuelle et familiale des populations des massifs montagneux dans le cadre d’une politique de construction de l’Etat,  » envoya régulièrement des quantités importantes de grains et suppléait à l’insuffisance de la production en Sicile, dans l’Empire romain et en Grèce « (4).

Mais bien que les céréales furent l’une des principales productions, il n’en demeure pas moins que l’élevage restait l’activité première de l’époque. Les cheptels d’élevage furent si importants que l’historien grec Polybe ayant vécu au 2ème siècle avant .J.C  » ne pensait pas que l’on puisse trouver rien de semblable dans tout le reste de la terre « (5)

A cette époque même, dans la Numidie antique, les Romains tentèrent de remodeler l’espace et le territoire agricoles. Ils introduisirent la monoculture céréalière en établissant une rupture d’avec les pratiques agricoles complémentaires déjà existantes en ne faisant qu’accroître les superficies de cultures traditionnelles (céréales, vignes et oliviers), sans toutefois introduire de nouvelles spéculations. A titre d’illustration, l’époque romaine, la production viticole de l’Algérie était connue et exportée en Italie. Il s’agissait notamment de raisins de table tardifs à baies résistantes

Or et cependant, concernant la production céréalière, l’euphémisme  » Algérie grenier de Rome » n’était en fait qu’une mystification et une vue de l’esprit. L’Algérie romaine  » n’a jamais exporté plus de 800.000 quintaux de grains, ce qui, compte tenu des techniques de stockage et de transport, paraît considérable  » fait remarquer Roger Dumont (6)

Les algériens contemporains continuèrent de pratiquer la céréaliculture et l’arboriculture (oliviers et figuier notamment) corrélativement avec les élevages, mais Rome, avec sa frontière bien gardée -les Limes- a permis l’extension de la civilisation agraire que les autochtones, cultivateurs pour la plupart, ont pu adapter et étendre avec une grande capacité de telle sorte que même les nomades refoulés au delà des frontières, au sud des Limes, avec les sédentaires ont imprégné le pays de leur civilisation agraire.  » Dans l’ensemble du domaine méditerranéen, la culture sèche des céréales, les plantations de vigne, d’oliviers, de figuiers et d’amandiers ont donné aux plaines favorisées comme aux montagnes un aspect riant et ordonné » (7)

Dans une grande partie de la steppe de l’Algérie orientale, ils ont su installer une vie agricole sédentaire en construisant des points d’eau et des réseaux d’irrigation dont les ruines témoignent encore aujourd’hui de leur importance.

Par contre, les œuvres de civilisation agraire, dans l’Algérie numide occidentale furent beaucoup moins importantes, liées à ce que les Limes suivaient en gros, la limite sud du Tell, c’est à dire celle du domaine méditerranéen, laissant les Hautes Plaines aux nomades gétules. Il en découle que le territoire agricole apparaît très disparate et loin d’être homogène. Les conditions de relief et de climatologie ont par ailleurs agi en tant que facteurs de différenciation.

L’instauration de cités, de conglomérations urbaines et de réseaux de villae (villes) et d’exploitations agricoles à leurs pourtours a permis aux sédentaires y résidant de s’adonner aux cultures et aux élevages. Les nomades, quant à eux, refoulés vers le sud, continueront à pratiquer l’élevage pastoral sur des territoires échappant à l’emprise de l’Empire romain.

Toutefois les populations urbaines romanisées et celles ralliées à la cause romaine vont, pour longtemps, avoir une emprise sur le monde rural en s’adonnant à des prélèvements de vivres et de richesses créées. Aux romains se succèdent vandales et Byzantins. La domination vandale s’est traduite dans les faits, par l’expropriation des romains et le partage du butin conquis entre ces nouveaux vainqueurs. Les meilleures terres furent redistribuées et sur l’ensemble de l’espace agricole occupé, l’on reconduit les anciens modes de faire-valoir indirects en vigueur, avec toutefois, cette mention que les terres sont ici, confiées moyennant des redevances aux romains qui, parmi eux, ceux qui n’ont pas été dépossédés, payaient un impôt, mais néanmoins moins lourd que celui des temps du gouvernement impérial.

A l’époque, on assistait à l’extension de la nomadisation que les conquêtes romaines et vandales n’ont pu freiner et  » les campagnes militaires des Byzantins se trouvent limitées aux couloirs de communication entre les massifs montagneux où l’indépendance des sédentaires berbères se renforce… (Et) jamais elles ne pénètrent sur les Hauts plateaux et dans le désert où les tribus chamelières nomadisent librement  » (8).

La conquête musulmane à partir du 7ème siècle donne un nouvel essor au territoire; Le nomadisme qui était déjà une pratique ancestrale en Orient, marque une ère florissante dans ce pays du Maghreb associé toutefois, avec l’introduction de nouvelles races animales, des cultivars et des espèces végétales.

Du mode de vie à l’ère précoloniale

Les populations algériennes contemporaines peuplèrent les villes anciennes ou nouvelles auxquelles, ils imprimèrent un nouveau mode à la vie, avec cependant cette observation, qu’ils ne sortirent que rarement de leurs cités laissant les campagnes du Tell et particulièrement le Constantinois aux humbles paysans berbères. Les nomades, quant à eux, plus ou moins confinés dans le sud de l’ancien Limes romain, s’associèrent aux tribus arabes venus de l’Orient. Ils s’adonnèrent au pastoralisme dans de vastes zones steppiques dont les systèmes de production restent toutefois, marqués par les mêmes dominantes et les mêmes modes d’organisation commandés par la difficulté à domestiquer un milieu soumis parfaitement à l’aléa climatique.

Arrêtons-nous ici pour dire que pendant des siècles  » les cultures n’ont dominé que dans des aires particulières et exiguës, oasis, hautes vallées atlasiques, périphérie des villes, et, plus largement, dans l’arrière pays des ports. Les oasis et les vallées de montagne, où des quinteniers (Khammès) et des paysans indépendants pratiquaient une agriculture intensive, pourvoyaient le nord du Maghreb en produits fortement valorisés, dattes, henné, noix et brou, miel…Etapes des caravanes qui convoyaient de nombreuses marchandises à travers le Sahara et jusqu’aux ports atlantiques et méditerranéens  » (9).

M. KH.

Le Maghreb, 03 juin 2021

Etiquettes : Algérie, agriculture, sociétés rurales, Numidie, Maghreb,

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