Ce que fut une ambition démesurée dans les années 1960/70 est aujourd’hui une réalité palpable, attestée par quelques 9000 km bitumés, aptes à relier le Sahel aux ports méditerranéens. Plus qu’une réalisation la route transsaharienne, diront beaucoup, est le projet du siècle d’une Algérie plus que jamais déterminée à reconquérir sa place dans le continent noir.
Au début des années 1960, lorsque surgit l’idée de construire une route transsaharienne (RTS) sur un linéaire qui s’étend sur plus de 9.400 km afin de désenclaver la région du Sahel et favoriser les échanges commerciaux entre l’Afrique de l’Ouest et l’Algérie, certains n’y ont pas cru. Il a fallu le lancement des travaux vers le début des années1970 pour que ce projet prenne forme. Infrastructure d’envergure continentale, la Transsaharienne qui relie 6 pays de l’Afrique (Algérie, Tunisie, Mali, Niger, Nigeria et Tchad) est plus qu’une route ordinaire, un corridor de développement et un outil d’intégration régionale. Une fois achevée, chose qui ne saurait tarder, cette infrastructure «interconnectante» redynamisera, à coup sûr, le commerce intra-africain. Et pas seulement. Ses concepteurs, en effet, veulent désenclaver de vastes régions désertiques du Sahara avec tout ce que cela entraîne comme création d’axes d’échanges commerciaux, outre la réduction des coûts de transport grâce à l’écourtement des distances entre les pays traversés par l’ouvrage. Structure multimodale, la RTS favorisera l’interconnexion et l’intégration de l’Afrique et l’amélioration des conditions de vie des populations et l’éclosion de nouvelles activités. Selon une étude de la Société nigériane des ingénieurs (NSE), «une fois la Transsaharienne construite, plusieurs millions d’emplois pourraient être créés avec le coup d’accélérateur donné aux activités socioéconomiques du Sahel, le ralentissement de la désertification dans la partie nord de l’Afrique et le désenclavement des régions du Niger, du Mali et du Tchad». A cela s’ajoute le fait que le corridor de la RTS se situe dans une zone aux importantes richesses pour le continent : halieutiques avec le lac Tchad, du sous-sol avec l’exploitation de l’uranium à Arlit au Niger, sans omettre les richesses exceptionnelles du sous-sol algérien ainsi que les grandes richesses pétrolières du Nigeria et ses vastes ressources minières. La mise en œuvre de la Zone de libre-échange africaine a eu pour effet de rendre encore plus capitale la contribution de la Transsaharienne dans le développement des échanges commerciaux et à l’intégration régionale.
L’Algérie n’a jamais cessé d’affirmer la volonté de valoriser économiquement cette route. Une enveloppe de 300 milliards de dinars a été consacrée à ce projet depuis le début de sa réalisation, a indiqué, lundi dernier, le ministre des Travaux publics et des Transports, Kamel Nasri, s’exprimant lors d’une allocution prononcée par visioconférence lors de la réunion du Comité de liaison de la route transsaharienne (CLRT) avec les ministres des pays membres et les représentants d’institutions internationales de financement.
Pour offrir un accès direct aux principaux ports nationaux et de renforcer le commerce entre l’Afrique et l’Europe, la Transsaharienne a été reliée à la pénétrante autoroutière reliant le port de Djendjen (Jijel) à l’autoroute Est-Ouest sur 110 Km en cours de réalisation. La réception de la route transsaharienne devrait avoir lieu en juin prochain, après l’achèvement total du projet reliant Alger à la ville de Lagos (Nigeria) sur un linéaire de plus de 4.000 km.
«Une liaison économique par excellence»
Lors d’une rencontre, ce mardi à Alger, le directeur des travaux publics de la wilaya a rappelé l’importance de la Transsaharienne qui va relier la capitale à d’autres villes du continent. Selon Abderrahmane Rahmani, le tronçon qui traverse l’Algérie est en voie d’achèvement. Il reste les parties des pays africains concernés par ce projet de grande envergure. Quant à la valeur ajoutée, Rahmani estime que ce projet assurera une liaison économique d’excellence. «Elle va permettre la transition de la marchandise à titre d’exemple par Alger, le port et l’aéroport d’Alger, le port Djendjen et le futur port de Cherchell», a-t-il ajouté. Ainsi la route facilitera la transition des marchandises de l’Afrique vers l’Europe à travers les ports maritimes d’Alger.
La Transsaharienne va capter tout le trafic routier des pays voisins africains, a-t-il ajouté. En effet, cette voie a été reliée à la pénétrante autoroutière reliant le port de Djendjen à l’autoroute Est-Ouest sur 110 km, en cours de réalisation, a fait savoir le ministre. Ainsi, le grand port du Centre à Cherchell (Tipasa) sera un point d’accès pour les échanges entre l’Afrique et l’Europe.
Interrogé sur la mise en place des stations de péage, Rahmani est catégorique : «Ce n’est pas utile de mettre en place ces stations vu que ce projet va drainer un trafic routier africain vers l’Algérie, c’est une valeur ajoutée palpable.» Rahmani est confiant et prévoit un accueil favorable des citoyens algériens, notamment les routiers.
Amokrane H et Samira S
Un corridor pour booster la Zlecaf
Opposée jusque-là à la mise en place d’un corridor au niveau de la Route transsaharienne, l’Algérie a fini par donner son aval.
S’inscrivant dans l’optique du renforcement de l’intégration régionale, notamment avec la signature de l’accord de zone de libre-échange du continent africain (Zlecaf), l’Algérie, à travers le corridor, aspire d’un côté à booster les échanges commerciaux avec le continent noir, mais aussi impulser la coopération économique interafricaine. L’objectif est d’atteindre un niveau d’échange interafricain de 52%, contre 16% actuellement à la faveur de la Zlecaf. L’Algérie devra se mettre dans la course et se frayer un chemin dans ce marché à fort potentiel avec1,3 milliards de consommateurs et une valeur de 3.000 milliards de dollars. L’Algérie est loin d’être au premier rang des fournisseurs. Elle occupe la 20e place pour une valeur marchande ne dépassant pas les 2,2 milliards de dollars dont une grande partie se fait avec la zone arabe de libre échange (Zale). Nombreux sont les opérateurs économiques qui ont affiché leur intérêt pour y accéder et se positionner avec des produits diversifiés et de qualité. Ils attendent qu’ils soient accompagnés dans cette démarche avec plus de facilitations en termes de logistique ou sur le plan de la mise en place de représentations bancaires. «Le corridor au niveau de la Route transsaharienne est une multiple application de la Zlecaf», a expliqué Mohamed Ayadi, secrétaire général du Comité de liaison de la route transsaharienne (CLRT). Contacté, ce responsable a expliqué que le corridor facilitera les échanges, le transport et les investissements avec l’harmonisation des réglementations. «La mise en œuvre de corridors par ceux qui nous ont devancés dans notre continent nous a appris qu’autant les retombées économiques des corridors sont probantes, autant le parcours de mise en œuvre de la commercialisation est longue, difficile, et exigeant des compétences, de l’engagement et de la coordination». Ayadi a fait savoir qu’une étude récente financée par la Banque islamique de développement (BID) et conduite par la Commission des Nations unies pour le commerce et le développement (Cnuced) a corroboré «la maturité de notre projet pour devenir un corridor économique avec l’objectif d’accélérer les échanges et tendre vers l’intégration régionale». Le corridor permet, selon lui, «la valorisation économique de notre pays», a-t-il dit, avant de rappeler que «cela fait un demi-siècle que nous construisons la Transsaharienne. Nous avons demandé la mise en œuvre du système de gestion des corridors. L’Algérie a toujours été opposée à ce système. Aujourd’hui, la porte est ouverte. Nous avons fait une étude il y a dix ans et une autre récemment avec la Cnuced, laquelle a démontré la maturité pour la mise en place du corridor». Le siège de gestion du corridor sera abrité par le ministère du Commerce. «Pour aller ensemble vers le système de gestion de corridor, pour une plus grande rentabilisation de notre projet, dans la cohérence et la complémentarité entre les six pays membres du CLRT, nous avons besoin d’accompagnement et d’assistance technique», a conclu Ayadi.
Wassila Ould Hamouda
Horizons, 27 mai 2021
Etiquettes : Algérie, Afrique, transaharienne, commerce, ZLECAF, libre échange,
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