Algérie/ Elections : nationalistes vs islamistes (1&2)

Par Mohamed Habili

Contrairement à ce que l’on croit dans une certaine frange de l’opinion, reconnaissable tout particulièrement à ceci qu’elle croit dur comme fer qu’elle est majoritaire dans l’opinion, l’enjeu des prochaines législatives n’est pas seulement dans le taux de participation, ou à l’inverse dans celui de l’abstention, mais tout autant et même davantage dans leurs résultats. Il est déjà arrivé au chef de l’Etat de dire que ceux-ci seront pris en compte quel que soit le volume de l’abstention. Partant ils le seront également quels qu’ils soient en eux-mêmes, aussi déplaisants ou même inacceptables qu’ils puissent paraître à ceux qui auront perdu les élections. Nombre de partis minoritaires, dont d’éternels groupuscules, ayant pris la décision de ne pas prendre part à ces dernières, des gens aussi futiles que bruyants, parce que disposant de la faveur de médias ou les possédant, font ouvertement campagne pour le boycott, comme si leur propre sort en dépendait directement. Ils se trompent, il dépendra en premier lieu de la majorité de ceux des Algériens qui auront voté. Le champ politique n’a pas changé au cours de ces deux dernières années.

Ce qui peut avoir changé en revanche, ce sont les poids respectifs, ou plus exactement les poids relatifs, des partis qui vont se mesurer le 12 juin prochain, non pas les grands courants politiques traversant la société algérienne depuis l’indépendance du pays, et même avant que celle-ci ne soit acquise. Au point de vue politique, l’Algérie est comme tous les pays arabes, structurée par deux grands courants, ceux-ci pris indépendamment des partis qui s’en réclament. C’est le nationalisme d’une part, de l’autre l’islamisme. Bien entendu, d’autres courants, d’autres idéologies sont présentes dans l’opinion algérienne, et depuis assez longtemps pour certaines, comme le communisme par exemple, mais ils sont minoritaires. Ceci vaut pour quasiment tous les pays de la région, de l’océan à la mer et même au-delà. Ce sont ces deux courants majeurs à travers leurs organisations qui vont s’affronter le 12 juin prochain. Les nationalistes seront représentés pour l’essentiel par le FLN et le RND, et les islamistes par le MSP, outre deux ou trois autres partis de même inspiration quoique de moindre implantation. D’autres listes que les leurs seront proposées aux électeurs, notamment celles des indépendants, mais cela n’implique pas qu’elles portent d’autres offres politiques. On ne peut parler en l’occurrence de listes identitaires, ou berbéristes, ceux-ci ayant opté pour le boycott, bien qu’il ne soit pas impossible qu’au final des indépendants issus de cette mouvance soient de la partie, dans l’une ou l’autre des wilayas berbérophones notamment. Pas plus que les organisations ayant pignon sur rue, les indépendants ne sont pas indépendants des grands courants de pensée, produits de la longue durée non des circonstances ou de l’histoire immédiate. Si l’on admet le fait qu’il existe bel et bien des courants dominants, et qui sont l’islamisme et le nationalisme, alors il ne faudra pas s’étonner que les résultats soient à l’avenant. La seule question qui se pose est de savoir qui des deux familles sera majoritaire. Et par suite, laquelle sera appelée à former le gouvernement. Cela dit, le chef de l’Etat n’a pas directement affaire à des courants diffus dans la société mais à des partis légaux. C’est au chef de celui qui aura remporté le plus de sièges qu’il demandera de former le gouvernement. Dans la mesure évidemment où il s’en trouvera un qui à lui seul aura engrangé une majorité de sièges. Autrement, ce sera une autre affaire.

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Logiquement il n’y a pas lieu de supposer une abstention massive dans une élection à laquelle prennent part les formations politiques les plus importantes, en plus d’un grand nombre d’indépendants issus de la société civile. La nature même de la consultation à venir s’inscrit en faux contre une telle perspective. En Algérie, traditionnellement, les législatives et les locales donnent lieu à une participation plus grande que lors des autres échéances, présidentielles et référendums. Après tout l’appel à l’abstention dans ce cas précis provient de formations minoritaires, d’associations et d’activistes dont rien ne laisse penser qu’ils sont particulièrement influents. On ne peut leur dénier ce droit bien sûr. Une élection, ce n’est d’ailleurs pas que des votants, et des voix exprimées, mais tout autant de l’abstention, du boycott le cas échéant, et des voix blanches. Au bout du compte, tout le monde y aura pris part à sa façon, sauf, si du moins il s’en trouve, des Algériens qui n’en auront même pas entendu parler. On objectera sans doute à cela que les circonstances actuelles sont exceptionnelles, qu’il règne aujourd’hui une atmosphère particulière, que d’aucuns ne cessent de qualifier de révolutionnaire, et que pour tout cela, ce qui serait en jeu véritablement, ce n’est pas le partage des sièges à l’Assemblée et le pouvoir législatif qui s’y attache, mais le volume de l’abstention.

S’il est aussi important que lors du référendum constitutionnel, ou davantage, cela voudra dire que la victoire à l’occasion de cette consultation sera revenue à ceux qui de façon délibérée et même concertée se sont opposés à sa tenue. Avant ce référendum, il est vrai marqué quant à lui par une faible participation, une autre échéance a eu lieu, la présidentielle, où l’abstention n’a pas été aussi considérable, bien qu’elle fût grande. Si celle-ci a été de façon nette plus importante que lors de la présidentielle, qui pourtant s’est déroulée dans le même contexte houleux, c’est probablement dû au fait que les gouvernants n’ont pas su garder mobilisés les quelque 10 millions d’électeurs du 12 décembre 2019. Ils se sont plus préoccupés en effet à cette deuxième occasion de convaincre ceux qui se nomment les hirakistes d’aller voter que d’en appeler à leurs fidèles. Une erreur de communication dont tout indique qu’ils sont revenus. Et que du reste il leur serait aujourd’hui difficile de commettre, la nature de la consultation faisant porter sur les compétiteurs le poids de la mobilisation. Aux partis et aux indépendants de donner envie aux électeurs de s’exprimer massivement, de leur accorder ce faisant la victoire. La campagne étant à sa première semaine, il n’est pas facile de voir dès maintenant s’ils en sont ou non capables. Toujours est-il qu’il semble que cette tâche soit plus facile pour les islamistes que pour les nationalistes, dont les partis, le FLN et le RND, ont été mis à mal ces derniers temps. D’anciens secrétaires généraux, deux du premier et un du second, purgent pour l’heure des peines de prison. La candidature du secrétaire général en exercice du FLN a été rejetée par l’ANIE, ce qui est un comble, sinon le coup de grâce. A la suite de quoi l’Organisation des moudjahidine elle-même a demandé que le sigle FLN lui soit enlevé.

Le Jour d’Algérie

Etiquettes : Algérie, élections législatives, candidats, taux de participation, taux d’abstention, résultats, campagne de boycott, partis politiques, nationalisme, islamisme, 12 juin 2021,

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