L’arrivée de 8 500 migrants à Ceuta, l’enclave espagnole au Nord du Maroc, a fourni à Rabat un argument supplémentaire dans sa crise diplomatique avec Madrid.
C’est encore une fois une photo, celle d’un bébé, un bébé de 2 mois sauvé de justesse de la noyade par un garde civil espagnol, qui a ému l’opinion, et rappelé, aux portes de l’Europe, le drame incessant des migrants.
Enclave espagnole
Depuis lundi, les relations entre le Maroc et l’Espagne sont en crise ouverte. Une crise diplomatique, aux racines multiples, où des jeunes gens, des femmes, beaucoup d’enfants, ont été utilisés, manipulés par Rabat pour signifier son mécontentement et faire pression sur Madrid.
L’arme migratoire avait été brandie, on s’en souvient, par la Turquie d’Erdogan, mais là ce sont pour la plupart des Marocains, encouragés par le soudain laxisme des gardes-frontière, qui tentaient d’échapper à la misère pour rejoindre l’enclave espagnole de Ceuta, pour eux la première étape vers l’eldorado européen. 8.500 personnes se sont ainsi précipitées, dans le chaos, plus de la moitié ont été refoulés.
L’épisode illustre la volatilité de la géopolitique migratoire, et aussi la nouvelle géographie des flux – le Maroc, l’Algérie et la Tunisie fournissent aujourd’hui le plus gros des candidats au départ, en sus du transit venu d’Afrique sub-saharienne. L’Espagne est devenue le premier pays européen de débarquement, avant l’Italie et la Grèce.
Entre Rabat et Madrid pèsent aussi les relents d’une longue histoire, celle d’un empire colonial espagnol réduit aujourd’hui à deux enclaves en territoire marocain, et d’un conflit jamais résolu sur le statut du Sahara occidental, revendiqué à la fois par Rabat et par le Front Polisario.
Pourquoi le Maroc est-il ainsi passé à l’offensive, alors qu’il est depuis longtemps un allié stratégique majeur pour l’Espagne et pour l’Union Européenne dans la lutte contre l’immigration clandestine ? Comment le royaume, qui mène une politique africaine active, fait-il face aux pressions migratoires venues du sud du continent ?
La crise actuelle peut-elle se résoudre uniquement au niveau bilatéral ? Quelles réactions à Bruxelles, où le chantier d’un pacte migratoire commun paraît au point mort ?
Christine Ockrent reçoit Virginie Guiraudon, directrice de recherches CNRS au Centre d’études européennes et comparées de Sciences Po Paris
Mehdi Alioua, sociologue enseignant chercheur à Sciences Po Rabat de l’Université Internationale de Rabat
Gerald Knaus, président-fondateur du think-tank spécialisé dans la défense des libertés fondamentales, « European stability initiative » (ESI)
Benoît Pellistrandi, historien, spécialiste de l’Espagne contemporaine, professeur en classes préparatoires au Lycée Condorcet à Paris, auteur de « Les relations internationales de 1800 à 1871 » (Armand Collin, 5 mai 2021)
France Culture, 22 mai 2021
Etiquettes : Maroc, Espagne, Ceuta, Melilla, Migration, chantage à l’émigration,
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