L’Algérie est secouée par une nouvelle agression contre des institutrices. Deux enseignantes ont été agressées dans leur logement de fonction dans le quartier Al-Alia à Biskra.
C’est ce qu’on a appris hier auprès de Boualem Amoura, SG du Satef (Syndicat autonome des travailleurs de l’Éducation) dans une déclaration faite au site électronique TSA. « L’agression a eu lieu dans la nuit de vendredi à samedi, vers 3h du matin. Elle est l’oeuvre d’un individu qui s’est introduit dans l’appartement des enseignantes, situé au rez-de-chaussée de l’immeuble, après avoir cassé une fenêtre », relate M. Amoura. « Deux enseignantes étaient restées dans l’appartement après que leurs collègues aient rejoint leur famille pour le
week-end », a précisé le SG du Satef quiajoute que « l’agresseur a volé les smartphones et les PC portables des institutrices sous lamenace d’une arme blanche ».
M. Amoura a précisé que les « institutrices sont originaires de différentes wilayas, leur affectation est intervenue suite à l’adoption de la nouvelle plateforme nationale ». Cette agression survient quatre jours seulement après l’attaque abjecte contre une dizaine d’institutrices à Bordj- Badji- Mokhtar ayant été sauvagement agressées par plusieurs individus dans leur logement de fonction. Absence de protection « Comment se fait-il qu’on fasse loger des enseignantes sans aucune protection dans des quartiers malfamés ? », s’interroge Boualem Amoura, faisant remarquer que ce quartier, comme celui où « logeaient les institutrices de Bordj-Badji-Mokhtar, sont des repaires pour les délinquants et autres consommateurs de drogue ». Le SG du Satef s’interroge sur la simultanéité des agressions contre des enseignants à BBM et à Biskra et les motivations qui seraient derrière. Il se demande à voix haute si « ces deux incidents graves ne seraient pas planifiés pour faire diversio sur les revendications des enseignants pour l’amélioration de leur pouvoir d’achat ». Retour sur l’agression des enseignantes à Bordj-Badji-Mokhtar La lâche agression contre des enseignantes au sein de leur domicile de fonction à Bordj-Badji-Mokhtar à l’extrême sud de l’Algérie a produit une onde de choc nationale. Elle a révélé les conditions de travail et de vie des enseignants dans les zones loignées.
« Nous tenons à dénoncer avec force ce qui s’est passé qui est plus qu’un crime. C’est inqualifiable, abominable. Nous en faisons porter la responsabilité à la direction de l’Éducation, aux Collectivités locales, etc., sachant que ce n’est pas la première fois qu’il y a une agression dans cette école. C’est la quatrième fois », a dénoncé Bachir Kiouas, enseignant de français et membre de la Coordination nationale des enseignants du cycle primaire. « Rien qu’en avril dernier les institutrices concernées avaient organisé un rassemblement devant la direction de l’Éducation de Bordj-Badji- Mokhtar pour demander une protection », précise-t-il. « Elles n’ont même pas de réseau ou de ligne téléphonique pour alerter en cas de nouvelle agression. Elles ont demandé des agents de sécurité, ce qui leur a été carrément refusé faute de postes budgétaires ». M. Kiouas revient sur les conditions de vie des enseignants et décrit leur misère et les difficultés qu’ils rencontrent pour se loger. « Dans les grandes villes, ils logent carrément dans des dortoirs ou dans des appartements en colocation. Dans les zones éloignées comme à BBM et le Grand Sud, les enseignants affectés dans ces régions sont logés dans des conditions lamentables en l’absence de conditions rudimentaires comme l’eau courante ou l’électricité, etc. Même le minimum de protection avec l’installation d’agents de sécurité, ne serait-ce que pour lancer des alertes, n’existe tout simplement pas », a déploré le syndicaliste. L’enseignant dénonce les multiples agressions et harcèlements dont sont victimes les enseignantes, y compris sur leur lieu de travail.
« Il est temps de donner suffisamment de protection dans les textes de loi, qu’il y ait plus de campagnes de sensibilisation pour dire justement que la victime en tant que telle n’est en rien responsable de ce qui lui arrive », a exhorté M. Kiouas. Élan de solidarité national Après la lâche agression contre les institutrices de BBM, un élan national de solidarité s’est vite mis en place avec des grèves et des rasse blements devant les directions de l’Éducation de wilayas. « Nous réfléchissons actuellement à une action nationale en soutien aux victimes, en attendant bien entendu que les choses s’éclaircissent dans cette affaire », a annoncé Bachir Kiouas. Le calvaire des dix institutrices de BBM est également vécu comme un acte inexcusable par leurs confrères des autres cycles de l’Éducation nationale. « Agresser des enseignantes dans leur logement de fonction pendant deux heures et leur subtiliser leurs affaires personnelles est très grave. Cela démontre l’insécurité que vivent les enseignants de ces régions isolées », peste Messaoud Boudiba du Cnapeste (secondaire et technique). « Cette agression n’est pas la première contre ces enseignantes. Elles ont déjà signalé qu’elles n’étaient pas en sécurité. Une alerte qui n’a pas été prise en considération, la preuve c’est qu’elles ont été violentées une nouvelle fois », s’offusque le coordinateur du Snapest, Meziane Meriane. « Il ne faut pas se taire », s’exclame M. Meriane qui en appelle à situer les responsabilités. « On fait des pieds et des mains pour compenser le manque d’enseignants dans le Sud et voyez ce qui arrive », dénonce M. Meriane qui réclame plus de protection pour les enseignants notamment ceux qui sont affectés dans les zones éloignées.
L’impact de cette agression n’est pas seulement sur les victimes mais aussi sur d’autres enseignants qui exercent dans la même localité, s’inquiète Abdelkader Azzoug coordinateur du Satef à Adrar. « D’autres enseignants exerçant au même endroit ont vu de leurs propres yeux ce qu’il s’était passé. Comment vont-ils pouvoir poursuivre = leur travail après tout ce que leurs consoeurs ont subi ? Cet incident s’est répété quatre fois ou plus durant la même année. Après que le sang ait coulé cette fois, dans quel état d’esprit vont-ils reprendr l’enseignement ? », s’interroge M. Azzoug. « En tant que syndicats, nous voulons sensibiliser les responsables quant à rassurer ces enseignants et leur trouver des solutions en matière de sécurité par l’amélioration des conditions de travail. Surtout les soutenir matériellement quand on sait qu’un paquet de lait en poudre coûte 300 ou 400 DA sachant que 80 % des enseignants affectés vers les régions éloignées sont des contractuels. Comment dans ces conditions un enseignant peut-il travailler sereinement ? », se demande le représentant du Satef.
Par : KAHINA HAMMOUDI
Le Midi Libre, 23 mai 2021
Etiquettes : Biskra, viol, enseignantes violées,
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