Sous un climat d’intranquillité qui dure depuis plus de deux ans et d’une étouffante crise économique, les autorités parviennent tout de même à maintenir l’échiquier en place et imposer, étape par étape, leur agenda.
En dépit d’une contestation populaire massive de plus de deux ans, d’une pandémie mondiale et d’une crise économique étouffante, le système politique algérien a conservé l’avantage de l’initiative et à imposer son agenda. Cette démonstration de force va se poursuivre, contre vents et marées, par la tenue de législatives le mois prochain auxquelles participent 16 partis controversés et des indépendants sans ancrage.
Mieux, les pouvoirs publics durcissent le ton et resserrent l’étau contre tout réfractaire à leur stratégie de bâtir une « Algérie nouvelle ». Bien que le climat soit au dissensus, ils ne laissent transparaître aucune hésitation, agissant comme s’ils naviguaient sur une mer d’huile. Leur dernière contre-offensive a ainsi ciblé le mouvement sécessionniste de Ferhat M’henni et l’organisation d’obédience islamiste Rachad en les inscrivant sur la liste des organisations terroristes. Aussi, désormais, le moindre témoignage de sympathie envers ces deux appareils politiques, dont les têtes se trouvent à l’étranger, sera considéré comme une apologie de la terreur et combattu comme telle.
Vendredi dernier, les forces de l’ordre ont également empêché la marche hebdomadaire du Hirak et arrêté plusieurs activistes et journalistes avant de relâcher une partie d’entre eux. Ce serrage de vis s’ajoute à la fermeture de sites d’information jugés tendancieux en plus de la surveillance des réseaux sociaux.
Cette main de fer qui ne s’embarrasse même pas d’un gant de velours s’explique, selon les décideurs, par la crainte d’un effondrement de l’Etat que la fin chaotique du régime de Bouteflika a failli provoquer. Voilà pourquoi, les gouvernants s’activent dans l’urgence à consolider les institutions républicaines en vue d’assurer leur pérennité dans un contexte géopolitique enflammé.
Pour l’instant, c’est l’armée et les services de sécurité en général qui s’acquittent de la tâche ingrate d’éviter la dispersion des rangs de la communauté nationale, en faisant fi des accusations de restrictions des libertés et des droits. D’ailleurs, les dernières mises en garde du Haut-commissariat des Nations-Unies aux droits de l’homme n’ont eu, vraisemblablement, que peu d’effets sur les dirigeants. Il est vrai que les priorités du moment dépassent le souci de projeter une belle image à l’extérieur. L’heure est à la manifestation de la capacité à tenir les choses en main pour dissuader d’éventuelles convoitises. Les mésaventures des pays arabes à la suite des révoltes de 2011 forment un souvenir encore brûlant. Il ne faut donc pas s’attendre à un assouplissement de la gestion policière et judiciaire de la crise. Au contraire, toute tentative visant à empêcher le scrutin du 12 juin sera sévèrement punie, avertissent les autorités.
Sauf que de nombreuses incertitudes planent toujours sur l’Algérie. Personne ne sait comment réagira le mouvement populaire dans les prochains jours et semaines. Au galop, le pouvoir a préféré s’appuyer sur un cheptel politique acquis mais discrédité que d’ouvrir les portes à d’autres alternatives. Mais tout semble indiquer que, en haut lieu, la nécessité du changement est déjà acceptée. Un changement, tout le monde l’admet, qui doit avoir une épaisseur plus consistante qu’une fine couche de cosmétiques.
Mohamed Badaoui
La Nation, 19 mai 2021
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