(Togo First) – Le Maroc ouvrira bientôt son ambassade à Lomé. La nouvelle a été annoncée par Robert Dussey, chef de diplomatie togolaise à l’issue d’un entretien en visioconférence avec son homologue marocain, Nasser Bourita. Dans la foulée, Lomé et Rabat ont annoncé le passage de 70 à 100, du quota annuel de boursiers togolais au Maroc.
Il faut dire que les deux pays se sont rapproché ces dernières années, à la faveur de l’offensive diplomatique menée par Rabat en Afrique de l’ouest depuis la seconde moitié des années 2010 (voulant notamment intégrer la CEDEAO).
Le Royaume Chérifien, en appui technique de choix
En Avril 2019, lorsque le président Faure Gnassingbé annonçait la mise en place d’un Conseil Économique et Social devant participer à l’élaboration des politiques économiques et sociales du pays, le modèle marocain inspirait déjà du coté de Lomé. En effet, depuis 2011, le royaume dispose de l’un des plus performants conseils économique et social en Afrique. En mars 2021, lors d’une visite de travail dans la capitale togolaise, le royaume chérifien s’est engagé à soutenir le processus à travers l’expertise de son Conseil Économique Social et Environnemental (CESE), qui préside par ailleurs l’Union des Conseils Économiques et Sociaux et Institutions Similaires d’Afrique (UCESA).
Sur le plan agricole, la fondation de l’Office Chérifien des Phosphates (OCP), acteur majeur dans la production des fertilisants, a financé en 2020, un appui technique de l’Université Mohamed VI à l’Institut Togolais de la Recherche Agronomique (ITRA) pour l’établissement de la carte de fertilité, Ferti Togo, outil de conseil et d’aide à la décision à la disposition des agriculteurs, pour une fertilisation raisonnée des cultures.
De la coopération bilatérale au renforcement des liens économiques
Si l’axe diplomatique Lomé-Rabat se renforce au fil des années, la même dynamique est observable sur le plan des échanges économiques entre les deux pays.
En effet, le royaume chérifien est le cinquième partenaire commercial du Togo en Afrique. Sur l’année 2019, le Togo a importé pour un peu plus de 13 milliards FCFA de produits en provenance du pays de Mohammed VI, essentiellement des fertilisants, des équipements électroniques et électriques, et denrées agro-alimentaires.
Les exportations togolaises à destination du Maroc se sont élevées à près de 4 milliards de FCFA. Il s’agit en grande partie de produits agricoles, le marché marocain étant notamment la quatrième destination du café togolais. Globalement, 1% des exportations de Lomé vont vers le pays nord-africain.
Les deux États ont par ailleurs entrepris depuis 2017 d’augmenter considérablement le volume de leurs échanges. Cette année-là, un forum Doing Business with Togo a réuni une délégation de la Chambre de Commerce et d’Industrie du Togo (CCIT) et l’Association marocaine des exportateurs (Asmex).
Le Togo, place forte des investissements marocains
Dès 2013, année où le Togo devient une véritable destination d’investissement pour les capitaux en provenance du royaume, 323 millions de dirhams, soit près de 19,8 milliards de FCFA d’investissement direct sont injectés dans l’économie togolaise. Ces placements réalisés dans l’économie vont continuer et atteindre, à la fin 2017, un encours total de 578 millions de dirhams, soit 35,2 milliards de FCFA. Faisant du Togo, la cinquième destination des investissements chérifiens dans l’espace CEDEAO.
Plusieurs holdings et grands groupes du royaume ont accéléré leur ancrage dans la petite Suisse d’Afrique. Maroc Telecom a par exemple racheté en 2014 pour 650 millions $, les activités de l’émirati Etisalat dans six pays africains dont le Togo via le réseau Moov. L’opération portait alors de 4 à 10, le nombre de filiales du groupe sur le continent. Fin 2020, la dizaine de filiales est réunie sous la marque Moov Africa, Maroc Telecom amorçait ainsi son ancrage panafricain, avec notamment comme promesse de déployer un câble sous-marin au départ de Casablanca, qui devra desservir le Togo.
Télécoms, Finance, Assurances, mais pas que …
Le rachat de la Banque Internationale pour l’Afrique (BIA-Togo) par le puissant groupe bancaire Attijariwafa Bank, et l’implantation de la Bank Of Africa, réseau bancaire appartenant au groupe BMCE Bank Of Africa (BOA), filiale depuis 1995 de la holding FinanceCom du milliardaire Othman Benjelloun, symbolisent parfaitement cette offensive marocaine sur le marché togolais courant 2013.
En 2017, la filiale togolaise du groupe Saham, basé à Casablanca (ville portuaire et pôle économique à l’ouest du Maroc), devient le premier assureur du pays en termes de chiffres d’affaires (8,55 milliards de FCFA). Passant devant l’Ivoirien NSIA (7,68 milliards de FCFA). Position qu’elle consolide en 2019 sur le segment de l’assurance non-vie avec un chiffre d’affaires de 10,5 milliards de FCFA, soit une part de marché globale de 16,5% dans un secteur qui compte 12 acteurs.
La même année, Saham a participé à l’installation du mastodonte de la relation client Majorel à Lomé, en investissant 1,3 milliards de FCFA dans l’agencement et l’équipement de l’immeuble devant en abriter les bureaux.
Toujours dans l’assurance, sur le segment vie, GTA Assurances Vie, se classe numéro un avec un chiffre d’affaires de 11,7 milliards FCFA sur l’exercice 2019. Sa sœur GTA Assurances, numéro deux de la non-vie derrière Saham, avec 6,7 milliards FCFA de CA.
Toutes deux (fusionnées pour devenir GTA Assurances depuis 2020) appartiennent à la holding Atlantic Business International (ABI), filiale de la Banque Centrale Populaire (BCP) qui siège à Casablanca. Basée à Abidjan, ABI est, par ailleurs, détentrice du réseau Banque Atlantique, troisième groupe bancaire de l’UEMOA en termes de parts de marché. Sa filiale togolaise est aussi la troisième banque du pays en termes d’actifs, avec un total bilan s’élevant à 263 milliards de FCFA en 2019.
Mis à part la finance, plusieurs PMEs marocaines de premier plan opèrent également au Togo dans l’industrie pharmaceutique et l’informatique, sans compter la communauté de commerçants installés au grand marché de Lomé, principal pôle commercial togolais.
Le pays est par exemple un des marchés commerciaux subsahariens du groupe Cooper Pharma. Gemadec, le spécialiste de la gestion documentaire et de la transformation digitale est aussi présent au Togo, proposant des services d’hybridation de courrier et de recensement biométrique.
Alors que le Togo dispose depuis quelques années d’une ambassade à Rabat, l’installation d’une mission diplomatique marocaine à Lomé devrait être un facteur impulsif de l’accroissement des échanges économiques entre les deux pays.
Klétus Situ
Togo First, 17 mai 2021
Etiquettes : Maroc, Togo, Afrique, Afrique de l’Ouest, CEDEAO, relations bilatérales,
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