Mohamed Habili
De la guerre de 2014 entre le Hamas et Israël à celle qui fait rage aujourd’hui, bien des évolutions sont intervenues qui ont fait passer au second plan la cause palestinienne. Les dernières normalisations entre des Etats arabes et Israël en sont la conséquence directe. Normalisation est du reste bien le mot qui convient en l’occurrence, s’il est discutable s’agissant des accords de paix antérieurs liant Israël à l’Egypte et à la Jordanie. Or ce reflux politique, dont l’autre traduction est le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem, pourrait bien ne pas s’être accompagné d’un recul correspondant en termes de capacités militaires du côté de la résistance palestinienne, mais plutôt d’une avancée.
Pour la première fois les roquettes du Hamas sont tombées dans la profondeur d’Israël, forçant du coup ses autorités à fermer l’aéroport de Tel Aviv. Pour la première fois aussi le spectre de la guerre civile plane sur Israël, mettant fin à la cohabitation pacifique tant chantée entre les communautés arabe et juive dans les villes mixtes. La tactique du Hamas notamment a consisté jusqu’à présent à saturer le système israélien d’interception de roquettes et d’obus de courte portée, dit le Dôme de fer, en tirant un maximum de projectiles dans un minimum de temps dans toutes les directions et plus loin à l’intérieur d’Israël qu’en 2014.
Ce ne sont plus seulement les localités proches de Ghaza qui sont atteintes, mais des villes plus éloignées. De là la question qui se pose maintenant de savoir si le deuxième aéroport israélien en fonction, éloigné pour sa part de plus de 200 kilomètres, sera ou non touché par les tirs palestiniens. Le Hamas prétend qu’il l’a été déjà, tout en appelant les compagnies aériennes à cesser tout trafic avec Israël, ce que nient les Israéliens. Il suffit qu’un seul tir tombe sur lui, ou même le rate, mais de peu, pour qu’il n’y ait plus aucun avion civil à s’aventurer dans le ciel israélien.
La guerre de 2014 a duré une cinquantaine de jours. Celle d’aujourd’hui n’est pas près de s’arrêter, Israël n’ayant aucun intérêt à un cessez-le-feu avant d’avoir réduit considérablement les forces du Hamas, qu’il n’a pas vues s’amasser. Il en est de l’issue de cette guerre comme de l’aéroport d’Eilat. Le Hamas et les autres groupes ghazaouis n’ont pas besoin de le détruire ou de l’endommager sérieusement pour le rendre impraticable, mais de montrer qu’ils peuvent le faire. Leur message n’est pas à l’adresse de l’armée israélienne mais des compagnies aériennes. Cela suffirait en effet à lui faire subir le même sort qu’à celui de Tel Aviv.
De même, ils n’ont pas besoin que 100% de leurs tirs passent le Dôme de fer. Leur objectif est atteint si 10% d’entre eux seulement ne sont pas interceptés par lui. Leur guerre étant asymétrique, défaite et victoire n’ont pas pour eux la même signification que pour Israël, qui lui n’a pas d’autre choix que celui de les saigner à blanc. S’il en est ainsi, c’est pour une raison d’ordre stratégique. Le Hamas, comme beaucoup de gens à travers le monde, ne commenceront à se convaincre qu’Israël est indestructible, car une véritable nation, non une création artificielle, que lorsqu’il aura survécu à une défaite. Lui en faire subir une de défaite, une seule, même une de petite, puis voir s’il tient le coup, s’il ne commence pas déjà à se défaire. Le Hezbollah a mené cette expérimentation avant lui, en 2006, mais elle n’a pas été concluante, bien que lui-même ait alors crié victoire.
Le Jour d’Algérie, 14 mai 2021
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