Le meurtre de l’Algérienne Chahinez par son mari il y a une semaine a choqué tant en Algérie qu’en France, suscitant partout les mêmes réactions d’indignation et de condamnation.
Même si beaucoup en France se trompent encore une fois de cible, pointant du doigt les origines du meurtrier au lieu de s’en prendre à un phénomène de société qui n’est l’apanage d’aucune communauté, les violences conjugales ou les violences faites aux femmes.
La victime, âgée de 31 ans, est morte dans des circonstances atroces. Son bourreau, lui aussi algérien, voulait la faire souffrir. Les circonstances du drame sont maintenant connues de tous, après les aveux faits par le meurtrier devant la police et la justice.
Le meurtre est prémédité, minutieusement préparé. Mardi 4 mai, Mounir, 44 ans, se rend devant le domicile de sa femme, de laquelle il est séparé, et attend patiemment qu’elle rentre.
Une fois sur place, il lui tire dessus plusieurs fois avec un fusil, et alors qu’elle gisait au sol, toujours vivante, il l’asperge d’essence puis met le feu. Il en fera de même avec la maison qu’il filmera en flammes pour poster la vidéo sur les réseaux sociaux.
La presse française a consacré de larges espaces au drame, fouiné dans la vie du couple et dans son passé, et grâce aux informations livrées par le parquet, les portraits de la victime et du meurtrier sont dressés, ainsi que la trame de leur histoire tourmentée.
Chahinez est arrivée d’Algérie il y a cinq ans, en compagnie de ses deux enfants, issus d’un précédent mariage. Mounir, lui, est un repris de justice qui a fait plusieurs séjours en prison pour des faits de violence et de vol.
En juin 2020, il a été condamné à 18 mois de prison, dont 9 avec sursis, pour violences conjugales. La victime, c’est toujours Chahinez. Il a été libéré en décembre de la même année, avec obligation de se soigner et de ne pas s’approcher de sa femme. Une mesure qu’il n’a jamais respectée, rodant dans le quartier où elle habite.
39 féminicides en France en seulement 4 mois
Dans tout ce qui a été rapporté concernant cette affaire, un détail ne pouvait échapper à la fachosphère. « Chahinez n’était pas libre. Son mari voulait qu’elle vive comme une Française en France, alors que son mari voulait qu’elle vive comme une Algérienne en Algérie. »
La phrase, prêtée par le Figaro à « une source proche du dossier » est mise en grosse manchette par le journal puis largement reprise, notamment par une partie bien connue de la France, celle qui a l’habitude de tout mettre sur le dos de l’immigration.
Suffisant pour déclencher un déchaînement d’amalgames comme on en a l’habitude à chaque attentat terroriste ou acte répréhensible commis par un individu immigré ou d’origine étrangère, spécialement un maghrébin ou un musulman.
Sur les autres réseaux sociaux, les commentaires mettant en cause l’Islam, l’Algérie, la Charia, les Arabes, le Maghreb, les immigrés, foisonnent.
Pourtant, il y a bien des défaillances dans cette affaire qui méritent qu’on s’y attarde.
« Elle se savait en danger », témoignent les proches de la victime. La jeune femme n’a pas bénéficié d’un téléphone grand danger et son mari n’a pas été mis sous bracelet électronique malgré ses antécédents et les plaintes de sa femme.
La justice a annoncé qu’elle se penchera sur ces dysfonctionnements, car c’est là le véritable problème. À quoi servent les lois et les procédures si elles ne sont pas appliquées ? Dans le cas de Chahinez, si les autorités avaient fait ce qu’elles avaient à faire, suivant la loi, le drame aurait peut-être pu être évité.
L’occasion pour l’extrême-droite de tenter de récupérer l’affaire à son profit, notamment cette histoire de Bracelet. Il est vrai que la présidente du Front national (RN), Marine Le Pen, n’en a pas cette fois profité pour développer sa rhétorique anti-immigrés.
Mais elle ne s’est pas empêchée d’utiliser le drame pour régler ses comptes avec le ministre de la Justice, Eric Dupont-Moretti, candidat aux régionales dans les Hauts-de-France, sur « les terres » de Mme Le Pen.
« L’obsession d’Eric Dupond-Moretti à mon égard commence à devenir relativement étrange (…) Il paraît qu’il reste quelques bracelets anti-rapprochement en rab, je suis preneuse », a-t-elle ironisé.
Autre sujet qui ne doit pas être éclipsé par les clichés anti-immigrés, le phénomène des féminicides.
Les 39 meurtres de ce genre qui ont été commis en France ces quatre derniers mois seulement, et ceux plus nombreux enregistrés dans d’autres pays de l’Occident, montrent clairement que la violence conjugale n’a pas de nationalité, ni de religion.
Mounir a tué sa femme non pas parce qu’il est Algérien ou musulman, mais parce qu’il est un mari violent, un délinquant, un dérangé.
TSA-Algérie, 09 mai 2021
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