Les deux entretiennent depuis des siècles un mariage d’intérêt. Et le prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salmane, ne fait que rajouter une date dans l’histoire de cette relation.
En affirmant au monde qu’il n’y a pas d’écoles de pensée fixe ni de personne infaillible, l’homme fort de la monarchie décrète en effet la mutabilité de l’islam saoudien. Si l’Etat change, la religion change aussi, enseigne MBS.
L’histoire des religions est meublée d’épisodes similaires. Toutes les puissances politiques ont employé la religion pour servir leurs desseins. La fin des colonialismes et l’avènement des économies pétrolières au milieu du siècle dernier ont favorisé la résurgence de l’idéologie islamiste. Mais c’est le wahhabisme, doctrine salafiste née à la fin du XVIIIe siècle d’une alliance entre la dynastie Al Saoud et la confrérie de Mohammed Abdelwahab, qui va s’imposer et s’exporter dans le Maghreb et le Moyen-Orient.
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Pour asseoir son influence géostratégique, le royaume saoudien distribue, à partir des années 1980, des aides financières aux Etats, accueille des foules de jeunes avides d’endoctrinement et finance des guerres. Les imams prêchant à partir de La Mecque deviennent des superstars adulées et suivies à la lettre.
Les chaînes satellitaires et internet sont des vecteurs exponentiels de propagande salafiste. Mais aujourd’hui, la maison-mère baisse le rideau. L’Etat rigoriste, qui pratique la lapidation des femmes et influence partout les mouvements islamistes, déclare obsolète la doctrine qu’il a fondée. Le contrat d’intérêt mutuel est ainsi rompu pour satisfaire les exigences de la conjoncture. Un contrat à durée déterminée réalisé sur les corps de millions de victimes collatérales. Et ça se résume à cela. Les utopistes de la «dawla islamya», royaume de Dieu sur Terre reçoivent une douche froide. En Algérie, les pratiquants de l’islam politique et les adeptes de la religion d’Etat doivent être déstabilisés par cette tournure. Ils devraient ruminer en tout cas la leçon saoudienne.
Un pouvoir politique légitime et fort n’aurait pas attendu MBS pour mettre la religion à l’abri des calculs. Mais il est encore temps, et le basculement saoudien est une opportunité historique pour nous. Un moment favorable pour enclencher la «dé-wahhabisation» des universités islamiques et des mosquées, la dé-wahhabisation des programmes scolaires et des médias. On ne peut pas être plus royaliste que le roi.
L’élite religieuse ainsi que l’élite universitaire et politique doivent aux Algériens de lancer le débat et faire leur autocritique après avoir suivi aveuglément une doctrine éphémère et servi les desseins importés, qui nous ont coûté des milliers de morts, la haine entre frères et l’hypothèque de l’avenir de notre nation. La leçon saoudienne nous enseigne qu’entre politique et religion, c’est toujours un marché de dupes.
El Watan, 10 mai 2021
Etiquettes : Arabie Saoudite, MBS, Mohamed Ben Salmane, wahhabisme, politique, religion, Islam, salafisme, chaînes satellitaires,
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