Les positions anticolonialistes de l’Allemagne concernant le dossier du conflit au Sahara occidental ne sont pas du goût de Rabat qui joue la carte du chantage diplomatique et économique contre Berlin depuis des mois.
Les relations diplomatiques entre l’Allemagne et la Maroc continuent de se détériorer, après la décision de Rabat de rappeler son ambassadrice à Berlin, officiellement “pour consultation”, dans ce qui est clairement un nouveau coup de pression du royaume chérifien contre ce pays européen aux positions tranchées concernant notamment le dossier de la colonisation du Sahara occidental. Tout en affirmant n’avoir pas été informé d’avance d’une telle décision, le ministère allemand des Affaires étrangères a indiqué “ne pas comprendre les accusations” proférées par Rabat qui reproche à Berlin de jouer un rôle actif dans le règlement des dossiers régionaux, comme celui de la guerre en Libye. “Nous sommes d’autant plus surpris par cette mesure que nous faisons des efforts constructifs avec la partie marocaine pour résoudre la crise”, a-t-on indiqué au MAE allemand qui précise avoir “demandé une explication” aux autorités marocaines, a rapporté l’AFP.
Rabat s’est lancé dans une escalade diplomatique contre Berlin depuis mars dernier, en décidant dans un premier pas de suspendre “tout contact avec l’ambassade” d’Allemagne dans le royaume, lui reprochant son “activisme antagonique”, après la reconnaissance américaine de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, concomitamment à la normalisation par ce dernier de ses relations avec l’occupant israélien de la Palestine.
En décembre 2020, la délégation allemande à l’ONU avait mis en garde contre la partialité des États-Unis, porte-plume des résolutions sur le Sahara occidental, après la décision de Trump. L’ambassadeur allemand à l’ONU, Christoph Heusgen, avait alors déclaré qu’“être porte-plume vient avec de la responsabilité. Cela s’accompagne d’un engagement fort pour résoudre un problème, il faut être juste, il faut être impartial, il faut avoir à l’esprit l’intérêt légitime de toutes les parties et il faut agir dans le cadre du droit international”.
Ce que le Maroc refuse, en s’appuyant sur Washington et Paris pour empêcher toute résolution du conflit sahraoui dans le cadre d’un référendum d’autodétermination du peuple sahraoui, en suspens depuis 29 ans. Rabat reproche aussi à l’Allemagne son exclusion de la Conférence de janvier 2020 sur la Libye, qui a débouché sur le processus politique en cours, soutenu par l’ONU. Autre raison de l’exacerbation de la crise diplomatique entre les deux pays, l’accusation par le Maroc des autorités allemandes de “complicité à l’égard d’un ex-condamné pour des actes terroristes, notamment en lui divulguant des renseignements sensibles communiqués par les services de sécurité marocains”, selon le communiqué du ministère marocain des Affaires étrangères. Le communiqué officiel ne cite pas de nom mais il s’agit vraisemblablement de Mohamed Hajib, un Germano-Marocain condamné en 2010 au Maroc à 10 ans de réclusion pour “terrorisme”, une sentence ramenée à cinq ans début 2012. De retour en Allemagne, ce quadragénaire publie régulièrement des attaques critiques sur son pays natal sur les réseaux sociaux.
Lyès Menacer
Liberté, 08 mai 2021
Etiquettes : Maroc, Allemagne, Sahara Occidental, Libye,
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