Nombre d’observateurs sont déroutés par la nouvelle mode politique qui s’incruste dans les pratiques de nos partis politiques, toutes obédiences idéologiques, sociales ou intellectuelles. Une mode qui s’érige désormais comme une tradition de régénération du même système de praxis politique, une forme d’exploitation des influences acquises par la rente, par les pouvoirs conférés par des institutions ou par des clochers.
Alors que les autorités cherchent à contourner le piège de l’influence de l’argent ou la chkara dans la vie électorale et le monde politique, en semant des articles de loi dans les nouveaux dispositifs, voilà que la nomenklatura use et abuse de ses positions acquises dans des conditions malsaines, durant des décennies de fraude, de corruption, de concussion et de mensonges, pour se régénérer et pour se maintenir dans les mêmes sphères des pouvoirs décisionnels de l’Etat.
Les élections législatives anticipées du 12 juin sont devenus pour ainsi dire une affaire de famille, quand des papas ou des papys, interdit de candidature à cause de la nouvelle loi, car ils sont comblés par plusieurs mandats, poussent leurs progénitures à prendre le relais.
Sujette à des questionnements, bien que la loi n’interdit nullement la candidature d’un rejeton, fils ou petit fils d’un dinosaure ancien député, ce comportement suscite de la gêne et remet en cause même la philosophie d’une régénération de la classe politique algérienne. Quand un parti politique devient juste un tremplin pour mettre en orbite la progéniture d’un chef, cela devient carrément un héritage familial. Aucun discours politique, populiste ou médiatique ne peut l’accepter ou l’agréer comme une tendance normale.
Le pire, c’est que cette mode sévit également chez les chefs locaux, les petits parrains politiques dans le pays profond, ou des responsables de bureau d’un parti impose leurs enfants, bien encadrés pour perpétuer l’héritage et la réputation de notabilité familiale gagnée par l’autocratie et le système des quotas.
Les noms sont légions pour les grands dirigeants connus sur la place publique. Ainsi, le chef du parti El Bina, Abdelkader Bengrina, met dans le bain son fils, en le lançant dans une liste du parti à Alger, tout comme, l’ex bras droit du RND et de Ouyahia, Seddik Chihab. Même Aboudjerra Soltani, n’a pas rechigné à suivre le même chemin, en mettant un de ses nombreux fils dans une liste indépendante de la wilaya d’Alger. En attendant de confirmer la candidature de la fille de Makri, patron du MSP ou d’autres enfants de présidents de petites formations politiques sans envergure.
C’est aussi le cas au vieux parti, le FLN, qui semble détenir la palme dans ce registre peu glorieux. On apprend ainsi que les fils ou filles des apparatchiks et de plusieurs hauts responsables, ex députés et ex sénateurs, membres du Bureau politique et du Comité central, sont candidats, qui à Alger, qui dans sa wilaya d’origine pour des raisons tribales. On cite pêle-mêle: les fils de Sadek Bouguettaya, de Mustapha Mazouzi, de Layachi Daâdoua, la fille de Boumahdi Ahmed.
Pour l’Autorité nationale indépendante des élections, la loi n’interdit nullement la candidature d’une progéniture, et ne remet pas en cause ces faits qui semblent interpeller plutôt la bonne conscience et l’exemplarité de ce personnel politique, déjà honni et rejeté par le bouillonnement citoyen du hirak. L’une des principales revendications du mouvement citoyen du 22 février est de renouveler le personnel politique, de reconfigurer les institutions, de générer un système politique issu des élections transparentes et honnêtes, des choix démocratiques libres de l’électorat.
En maintenant des pratiques symboles de l’ancien régime déchu de Bouteflika, contesté justement par sa propension à verrouiller, voire tuer, toute ambition politique et parlementaire aux autres catégories sociales, ces patrons de partis politiques font presque dans la surenchère, imbus de leurs prérogatives partisanes et de leurs pouvoirs. Ils perpétuent un fonctionnement anormal et immoral de la vie politique et institutionnelle. Comment dans ces conditions peut-on faire croire et convaincre du bon usage du Parlement dans une Algérie dite nouvelle?
Le Jeune Indépendant, 05 mai 2021
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