En Libye, un couac qui en dit long

Par Mohamed Habili

Il y a encore peu le gouvernement de transition libyen voulant se réunir à Benghazi a envoyé une équipe sécuritaire prendre les dispositions nécessaires en vue de son déplacement, pensant sans doute être en cela dans son droit le plus strict. Il se trompait (mais qui à sa place ne se tromperait pas ?) car ses experts en sécurité n’ont pas plus tôt atterri à l’aéroport de la capitale de l’est qu’ils ont dû rembarquer. Ils n’étaient pas attendus. A l’évidence, le fait qu’ils relèvent du gouvernement, d’un gouvernement, il faut le préciser, non pas seulement d’union, ce qu’était déjà son prédécesseur, mais d’unité nationale, ne les autorisent aucunement à s’occuper d’une tâche souveraine, en l’occurrence la sécurité du Premier ministre Abdelhamid Dbeibah sur le sol de Benghazi.

Ce premier couac à l’ère de l’unité libyenne retrouvée annonce clairement ce que va être la suite. Un exécutif qui doit s’en remettre pour sa sécurité à un gouvernement local souverain dans sa juridiction, est-il vraiment en capacité d’organiser des élections aussi importantes que celles censées rendre à la Libye toute son unité ? On peut en douter. Si d’ailleurs elles devaient en dépit de tout avoir lieu, et dans les temps voulus, c’est-à-dire le 24 décembre de cette année, c’en serait fini de lui du même coup.

Ce qui s’est passé à Benghazi certes est pour lui un coup dur, une avanie, mais, pour peu qu’on y pense, il peut bien y trouver son compte. Si en effet il y a encore loin de l’union à l’unité, c’est que le passage de l’une à l’autre risque de prendre bien plus de temps que prévu au départ. Plus il rencontre de résistances sur son chemin vers son objectif, plus il sera à même de prolonger sa propre existence. A l’inverse, plus vite il mènera rondement son affaire, courant de succès en succès, plus sûrement il se condamnera à quitter la scène dans les temps, déjà pas loin de toucher à leur terme. Déjà au début de février, quand il recevait son mandat, sa durée de vie légale était moins d’une année. En ce début de mai, il faut déjà en retrancher trois mois. Trois mois passés somme toute à ne rien faire. A part confirmer un traité avec la Turquie, un point dont on chercherait vainement trace dans la feuille de route qui lui avait été remise par le Forum du dialogue libyen, son mandant officiel.

A ce train, trois autres mois seront bientôt consommés sans que la préparation des élections ait beaucoup avancée. Mais plus il perd de temps, plus il en gagne en réalité. A plus forte raison si la communauté internationale, c’est-à-dire les grandes puissances, voient bien que ce n’est pas de sa faute, mais de celle de Tobrouk, qui avait fait semblant de le reconnaître. Tobrouk n’a pas voulu de son équipe sécuritaire parce qu’il y a vu un grand danger pour sa propre sécurité. Les milices de Tripoli, d’où procède cette équipe, sont en effet considérées par lui comme des organisations terroristes. Qu’on les ait laissées repartir est dans le fond une grande concession faite au gouvernement d’unité nationale. C’est même la meilleure preuve de la bonne foi de Tobrouk. L’ennemi était venu se mettre de lui-même entre ses mains, et il ne lui a été fait aucun mal. Il a seulement été prié de s’en retourner chez lui. Du moins le cessez-le-feu, antérieur de plusieurs mois au gouvernement de transition, est respecté.

Le Jour d’Algérie, 02 mai 2021

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